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Maîtrifa les Humains fous le nom de Nobleffe.

De là vinrent en foule & Marquis & Barons. 100 Chacun pour fes vertus n'offrit plus que des noms. Auffi-tôt maint Efprit, fécond en rêveries, Inventa le blafon avec les armoiries;

De fes termes obfcurs fit un langage à part, Compofa tous ces mots de Cimier, & d'Ecart, 105 De Pal, de Contrepal, de Lambel, & de Face,

Et tout ce que Segoing dans fon Mercure entaffe.
Une vaine folie enyvrant la Raifon,

L'Honneur trifte & honteux ne fut plus de faifon.

Alors, pour foutenir fon rang & fa naiffance,

110 Il fallut étaler le luxe & la dépense;

115

Il fallut habiter un fuperbe palais,

!

Faire par les couleurs distinguer ses valets:
Et traînant en tous lieux de pompeux équipages,
Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages.

Bien-tôt pour fubfifter, la Nobleffe fans bien
Trouva l'art d'emprunter, & de ne rendre rien ;

Et

RE, a composé la Science héroïque, traitant de la Noblesse de l'origine des armes, de leurs Blazons & Symboles, & en 1644. L'autre a fait le Mercure Armorial, qui eft le Livre défigné par notre Poete. Cependant au lieu de Segoing il mit Segond, dans l'Edition de 1674. & cette faute a été répetée dans toutes les éditions. Dans celle de 1713. on a mis Segond. L'Auteur du Trefor Héraldique ou Mercure Armorial, imprimé en 1657. à Paris, fe nommoit CHAR LES SEGOING, Avocat, &c.

VERS 114. Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages.] En ce tems-là tous les Gentilshommes avoient dea Pages,

Tome I

E

CHANG

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Et bravant des Sergens la timide cohorte,

Laiffa le Créancier se morfondre à sa porte.

Mais pour comble, à la fin le Marquis en prifon
120 Sous le faix des procès vit tomber fa maison.
Alors le Noble altier, preffé de l'indigence,
Humblement du Faquin rechercha l'alliance,
Avec lui trafiquant d'un nom fi précieux,
Par un lâche Contrat vendit tous fes Aïeux;
Et corrigeant ainfi la fortune ennemie,
Rétablit fon honneur à force d'infamie.

125

Car fi l'éclat de l'or ne releve le fang,

En vain l'on fait briller la fplendeur de fon rang,
L'amour de vos Aïeux paffe en vous pour manie,

CHANG. Vers 122.

Et

Rechercha l'alliance. L'Auteur avoit d'abord mis: Emprunta l'alliance. VERS 123. Avec lui trafiquant. ] Avant l'édition de 1701. il y avoit : Et trafiquant d'un nom jadis fi précieux.

VERS 125. Et corrigeant ainsi la fortune ennemie, &c. ] Le Poëte ayant befoin de deux vers féminius, fit ceux-ci par néceflité. Le fens étoit fini au vers précedent : Par un lâche Contrat vendit tous fes Aïeux. Il étoit bien difficile de trouver une penfée qui rencherit fur ce qui précédoit, & plus difficile encore de renfermer cette pensée en deux vers: c'est pourtant ce qu'il a fait heureufement.

VERS 132. La mandille à Paris. ] Mandille, eft une espèce de cafaque ou de manteau que les Laquais porroient autrefois, & méme encore dans le tems que cette Satire fut compofée. La Mandille étoit particuliere aux La quais, & les faifoit diftinguer des autres Valets. Elle étoit compofée de trois piéces, dont l'une leur pendoit fur le dos & les deux autres fur les épaules. Furetiere.

VERS 134. D'Hoxier lui trouva, &c.] PIERRE D'HOZIER, Généalogiste de la Maison du Roi, Juge

général

130 Et chacun pour parent vous fuit & vous renie. Mais quand un homme eft riche, il vaut toûjours fon prix :

135

Et l'eût-on vû porter la mandille à Paris,

N'eût-il de fon vrai nom ni titre ni mémoire,
D'Hozier lui trouvera cent Aïeux dans l'Hiftoire.
Toi donc, qui de mérite & d'honneurs revêtu,
Des écueils de la Cour as fauvé ta vertu,
DANGEAU, qui dans le rang où notre Roi t'apelle,
Le vois toûjours orné d'une gloire nouvelle,

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Et plus brillant par foi que par l'éclat des lis, 140 Dédaigner tous ces Rois dans la pourpre amolis; Fuir d'un honteux loifir la douceur importune;

A

général des Armes & Blazons de France. Il a laiffé CHARLES d'HOZIER fon fils, qui a les mêmes titres. L'Abbé de Bois-ROBERT parlant de la faveur dont le Cardinal de Richelieu l'honoroit, a dit dans une Epitre :

On m'adoroft, & les plus aparens

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Payoient d'Hozier pour être mes parens.

L'Auteur avoit fini fa Piéce à ce vers: mais Mr. de DANGEAU à qui elle eft adreffée, lui confeilla d'y mettre quelques vers à la loüange du Roi, afin que la Piéce fût mieux reçûë à la Cour; & il ajouta les quatorze vers fuivans: Toi donc, qui de mérite, &c. Avant que cette Satire fût imprimée, Mr. de Dangeau la lût à quelques Seigneurs dans une Salle où le Roi étoit a joüer. Le Roi qui le remarqua, voulut fçavoir ce que c'étoit, & quitra le jeu pour fe la faire lire. C'est la premiere Piéce de l'Auteur qui ait paru devant fa Majelté: quelque tems après on lui lut le Difcours au Roi, qui étoit déja compofé.

CHANG. Vers 137. Dangeau, qui dans le rang où notre Roi t'apelle. 1 1

E 2

VERS

145

A fes fages confeils affervir la Fortune;'

Et de tout fon bonheur ne devant rien qu'à foi,
Montrer à l'Univers ce que c'eft qu'être Roi:
Si tu veux te couvrir d'un éclat légitime,

Va par mille beaux faits mériter fon estime :
Sers un fi noble Maître : & fais voir qu'aujourdui
Ton Prince a des Sujets qui font dignes de lui.

VEES 148. Ton Prince a des Sujets qui font dignes de lui. ] Dans les premieres éditions le vers 137. finifloit ainfi : Ou ton Prince t'apelle; & dans le dernier versil y avoit : Là France a des Sujets. Cette derniere expreflion manquoit de jufteffe, & l'Auteur la corrigea en mettant : Ton Prince a des Sujets. En même tems il changea ces mots, Ton Prince qui étoient dans le vers 137.

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§. La France a des Sujets. ] Des Maréts critiqua cette expreffion. » Un païs, dit-il, n'a pas des Sujets, il a des »habitans. C'eft le Roi qui a des Sujets; & la France eft fujette au Roi. DU MONTEIL.

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Q

UI frape l'air, bon Dieu de ces lugubres cris ?

Eft-ce donc pour veiller qu'on fe couche à Paris? Et quel fâcheux Démon, durant les nuits entiéres Raffemble ici les chats de toutes les goutiéres ? 5 J'ai beau fauter du lit plein de trouble & d'effroi; Je pense qu'avec eux tout l'Enfer eft chez moi, L'un miaule en grondant comme un tigre en furie L'autre roule fa voix comme un enfant qui crie. Ce n'eft pas tout encor. Les fouris & les rats 10 Semblent,pour m'éveiller, s'entendre avec les chats, Plus importuns pour moi, durant la nuit obfcure,

Que

Ette Satire contient la defcription des embarras de Paris.

C Elle a été compofée dans le même tems que la Satire I.

dont elle faifoit partie, comme on l'a expliqué ci-devant. C'est une imitation de la Satire III. de Juvenal, qui décrit les incommoditez de la ville de Rome, depuis le vers 232. jufqu'à la fin. Martial a fait une Epigramme fur le même fujet. L. XII. Epig. 57.

S. MR. DE MURALT a fait la Critique de cette Satire dans fes Lettres fur les Anglois & les François, & fur les Voyages, Lettre VI. pag. 418. & fuiv. de la premiere Edition imprimée à Geneve en 1725. in 8. Le P. Brumoy, Jéfuite a défendu Mr. Defpréaux contre cette Critique. Son Ouvrage elt intitulé Défense de la VI. Satire de Mr. Defpreaux, & a été imprimé à Paris en 1726. in 12. à la fin de 1 Apologie du Caractère des Anglois des François par l'Abbé Desfontaines. Du MONTE I L.

IMIT. Vers. 2. Eft-ce donc pour veiller qu'on fe couche à Paris ? Juvenal III. 232.

Plurimus hic ager moritur vigilando.

E 3

VERS

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