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cet accident est envisagé comme de mauvaise augure, et le malheureux est à l'instant saisi et entraîné hors de la foule pour avoir la tête tranchée. La danse n'en est pas interrompue un seul instant. Mon conducteur me fit remarquer sept hommes, liés à de grands poteaux par les mains et les pieds, et condamnés à y demeurer jusqu'à la nuit qui devoit précéder la prochaine réjouissance, pour avoir ensuite la tête tranchée. Ces malheureux, informés du sort qui les attendoient, témoignoient encore en battant la mesure, le plaisir qu'ils avoient à entendre la musique; vis-à-vis d'eux étoient autant de chevaux destinés aussi à périr. Je me hâtai de fuir cet horrible spectacle; mais à quelques pas de là, je fus comme étouffé par l'odeur insupportable que répandoient 32 têtes de chevaux et 36 têtes d'hommes, triste souvenir des précédentes fêtes et des honneurs qu'on avoit voulu rendre à la majesté du souverain nègre.

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Nos lecteurs savent déjà que les bénédictions de l'Evangile ont été portées sur plusieurs points de la côte occidentale d'Afrique. Nous embrasserons aujourd'hui la plupart de ces stations, que nous avons jusqu'à présent décrites isolément, et nous en ferons connoitre l'état actuel par un petit nombre de détails.

SIERRA-LEONE.

Que de sentiments se réveillent à ce seul mot dans le cœur de l'ami des Missions! En pensant à SierraLéone il lui sembloit déjà voir l'odieux esclavage aboli et la lumière de l'Evangile pénétrant en peu d'années jusqu'au cœur de l'Afrique. Le Seigneur a montré qu'il est le Maître et que si des nations peuvent être enfantées par lui dans un jour, cette œuvre, à laquelle il appelle ses serviteurs à concourir, doit être pour eux une œuvre de foi et de patience, où il faut combattre et prier avant que de parvenir au but. C'est par de terribles jugements que Dieu nous a donné cette leçon. Sierra-Léone a paru n'être,

(3) Voyez la représentation ci-jointe.

(4) Es. LXVI. 8.

pendant plusieurs années, qu'un tombeau pour les serviteurs de Christ; les troupeaux étoient devenus orphelins au moment où la vie chrétienne venoit à peine de commencer au milieu d'eux; les écoles avoient été délaissées; le gouvernement colonial avoit souvent mis des entraves aux intentions pieuses des sociétés missionnaires: tout sembloit étouffer dans son germe la plus belle de toutes les œuvres. Cependant Dieu fait luire de nouveau la clarté de sa face sur cette terre d'épreuves. De nouveaux Missionnaires sont venus aider leurs frères épuisés, la mortalité a diminué, les écoles et les temples se sont rouverts. Voici ce que disent, du ton de la franchise chrétienne, les Missionnaires, dans un rapport récent sur l'état général de la colonie :

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En embrassant toute la population nègre confiée à nos soins il nous semble voir que le quart environ assiste régulièrement au culte du Seigneur. Le nombre s'en accroîtroit aisément si nous pouvions nous décider à être plus coulants sur les conditions desquelles dépend l'admission des membres de l'Eglise. Les superstitions africaines ont quelque chose de si peu arrêté, qu'elles céderoient le pas à toutes les cérémonies nouvelles entourées de quelque éclat extérieur; et nous verrions toute la population de la colonie accourir au baptême si nous voulions seulement le lui présenter comme la plus efficace des pratiques de la magie. En nous efforçant de donner de saines idées du christianisme à la foule des nègres qui nous demandent de l'instruction, nous avons vu leurs sensations souvent, excitées au point de produire une grande agitation physique. Si nous favorisions de telles impressions par notre genre de prédication, nous serions écoutés avec plaisir; mais nous risquerions de leur faire confondre ces émotions tout extérieures avec l'œuvre d'une vraie conversion, et nous étoufferions dans le cœur de nos nègres les germes de foi et de vie évangélique que nous devons y développer.

Un des faits qu'il est le plus douloureux de contempler, c'est qu'après quatorze ans de travaux assidus dans la colonie, les Missionnaires n'ont pas pu parvenir à former d'entre le peuple nègre un plus grand nombre d'aides indigènes. Nous avons aussi à déplorer de n'avoir pu rassembler un plus grand nom

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bre d'étudiants nègres dans notre institut. Cependant vous remarquons qu'il excite un intérêt croissant parmi la jeunesse de nos villages.

Nous n'ignorons pas que nos réflexions causeront une pénible surprise à nos amis d'Europe; mais notre devoir est de présenter un état exact des choses, convaincus que les prières de nos frères chrétiens en notre faveur n'en deviendront que plus ferventes. Qu'ils ne croient pas, d'ailleurs, que nous oublions ou que nous déprécions le bien qui a déjà été opéré. Le bon Berger a pris plus d'une de ses brebis d'entre les diverses tribus africaines, pour les conduire dans son bercail. Elles rendent témoignage aux travaux des Envoyés de Christ; elles sont une consolation et un encouragement, au milieu de tant d'épreuves, pour ceux qui cultivent maintenant cette portion du champ du Seigneur; et un jour, nous n'en doutons pas, à la venue du Seigneur Jésus, elles seront la joie et la couronne de ceux de nos frères qui se reposent déjà de leurs travaux.

A ces réflexions nous faisons succéder avec plaisir celles de Mr. Keightley sur le troupeau que les Missionnaires d'une autre société ont rassemblé à Freetown et dans les environs:

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Le 23 Février 1830. « Vous vous joindrez à moi pour remercier Dieu de mon heureuse arrivée. Me voici dans un pays de maladie et de mort, dont les habitants tombent et disparoissent en peu de jours. C'est avec une satisfaction toute particulière que vous apprendrez que toutes nos maisons de prière ont continué à s'ouvrir depuis la mort de vos Missionnaires. Nous avons deux bonnes chapelles en pierre, et trois construites en terre, neuf instituteurs et prédicateurs indigènes dix-sept aides, et notre troupeau comptoit, en Juin dernier 304 membres; mais nous avons dû en retrancher un petit nombre depuis mon arrivée. Cette station présente un haut intérêt. Dimanche passé, après avoir prêché sur la nature et le but de la Cène du Seigneur, j'ai administré ce sacrement à 200 personnes. Oh! que les amis des missions n'ont-ils pu voir ces chrétiens faire avec dévotion la commémoration de la mort du

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(5) L'institut chrétien (V. Feuille Relig. 1828, p. 479.) destiné à former de jeunes nègres aux fonctions d'instituteurs et de catéchistes, est maintenant établi à Fourah-bay sous les soins paternels de Mr. HAENSEL. Plusieurs fois interrompu, puis repris, il réunit maintenant onze élèves.

(6) La mort avoit, peu de temps avant, privé ce troupeau successivement de quatre Pasteurs.

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