Page images
PDF
EPUB

la perfection est le grand soupir de mon ame, j'appel lerai sur moi sans me lasser l'effusion du St. Esprit, et de cette source intârissable de lumière descendront de plus en plus en moi les lumières qui me manquent.

Ce qui met aussi un grand obstacle à ce qu'on parvienne à un même avis, c'est, hélas! cet orgueil, la grande plaie de notre nature, qui fait que nos propres opinions nous sont si chères; que nous croyons volontiers avoir raison; qu'avouer une erreur est pénible; qu'être contredit indispose; que nous trouvons même de la honte à céder sur un point; que nous sommes portés à chercher plus la victoire que la vérité; et que dès-là nous nous aveuglons même sur ce qu'il y a de plus clair, et échappons à la conviction en nous applaudissant nous-mêmes. Au contraire, que la perfection soit le but unique que l'on poursuive pour rendre grâces et gloire à son Dieu, et ces funestes dispositions recevront chaque jour quelque coup de mort. Car le chemin de la perfection, c'est l'abaissement: Humiliez-vous en la présence du Seigneur, et il vous élèvera; l'humilité va devant la gloire, dit sa Parole. Celui-là est le plus avancé dans la route de la perfection; celui-là est le plus grand au royaume des cieux, qui est devenu humble comme un petit enfant. Humble de cœur, tel fut le Maître venu d'en haut; humble de cœur, tel deviendra le disciple qui réclame nuit et jour sur lui l'efficace de l'Esprit de son Maître. Ce serviteur-là apprend tous les jours plus de son Seigneur, qu'il n'a rien, qu'il n'est rien, qu'il ne peut rien: péché et ténèbres, ténèbres et péché, sont la seule propriété naturelle de son ame; il le croit, il en fait l'humiliante expérience, il ne trouve sûreté qu'en se défiant de lui-même en toute chose et en tout temps.

Un autre obstacle qui s'oppose à un accord complet de sentiments entre les enfants de Dieu, pravient des considérations humaines, qui influent sur

nous avec beaucoup de puissance et dans des sens quelquefois très-opposés. On craint les hommes; souvent on craint même les frères ; ou bien on est porté à braver le monde, comme le mondain lui-même brave un ennemi. L'opposition que nous rencontrons agit trop fréquemment sur nous, soit pour nous retenir par la crainte de perdre certains avantages temporels plus ou moins nécessaires ou plus ou moins doux à notre chair, soit pour nous entraîner dans un autre tort, par l'appréhension même de céder à la crainte du monde; ainsi nous sommes exposés à dévier de la vraie route, et à nous trouver d'autant moins d'accord entre nous sur telle question particulière, que nos divergences auront été plus inégales ou dirigées dans des sens contraires. Quelquefois ces diverses causes agissent sourdement sur le cœur et sur l'intelligence, et altèrent peu à peu le jugement, sans qu'on s'en doute. L'on voit tous les jours à quel point l'entendement des hommes est aveuglé par les préjugés de l'enfance, par une longue habitude de considérer les choses d'une certaine manière, par l'exemple ou l'avis de personnes influentes ou d'hommes pour qui nous avons beaucoup de considération, par le malheureux empire des maximes du monde ou par quelque disposition particulière du caractère. Or un avancement consciencieux vers la perfection affoiblira de plus en plus le pouvoir de ces diverses considérations sur notre ame. Car plus Christ se formera en nous, et plus ce sera sa voix que nous écouterons avant tout, sa volonté qui prendra le premier rang. Nous comprendrons mieux, avec tous les saints, la

(4) On sait, par exemple, que Jean Newton, dont plusieurs ouvrages sont déjà traduits dans notre langue, et qui a passé la moitié de sa vie à être d'abord valet, puis marchand d'esclaves sur la côte d'Afrique, a continué ce honteux trafic, pendant plusieurs années depuis sa conversion, sans s'apercevoir de ce qu'il a d'incompatible avec le service du Seigneur.

largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de son amour, et tous les avantages possibles, notre vie même ne nous sera point précieuse, en comparaison de l'excellence de la connoissance de Jésus notre Seigneur, pourvu que nous achevions notre course fidèlement. A mesure que nous aurons plus décidément et notre trésor, et notre cœur, et notre vie dans les cieux, les considérations terrestres perdront de leur poids, les maximes terrestres nous deviendront viles, haïssables même, de quelque nature qu'elles soient. A proportion que la puissance de l'Esprit se déploiera en nous, la chair perdra de sa domination funeste.

(La suite à un Numéro prochain.)

LETTRE

ÉCRITE A UN TÉMOIN DE JÉSUS-CHRIST DANS SA PRISON, L'AN 1660.

Tous ceux qui veulent vivre dans la pièté selon

Jésus-Christ, seront persécutés. Cet avertissement de St. Paul s'est réalisé d'âge en âge; mais les promesses de force, de consolation et de joie, si souvent répétées dans la Bible, à ceux qui souffrent pour le nom de Christ, ne se sont pas moins fidèlement accomplies. Elles sont rappelées avec beaucoup de force dans une lettre écrite pendant les persécutions qui eurent lieu en Angleterre, au milieu du XVII. siècle. Un chirurgien, nommé Cary, fut jeté dans les prisons d'Exeter, après avoir, comme bien d'autres, enduré des vexations et de mauvais traitements de toutes espèces. Le docteur Steed, médecin distingué, qui partageoit la même foi et les mêmes espérances, résolut d'abandonner son état pour se vouer tout

[ocr errors]

entier aux soins de visiter et de consoler les troupeaux abandonnés, ainsi que les personnes qui, dans ces temps de trouble et d'agitation, étoient appelées à souffrir pour la conscience. C'est à de telles œuvres que ce Chrétien distingué employa les vingt dernières années de sa vie. Il étoit en particulier uni d'une amitié très-étroite avec le chirurgien Cary, et c'est pour l'encourager dans ses souffrances qu'il lui adressa la lettre qu'on va lire :

A mon bien-aimé frère Philippe Cary, dans sa prison à Exeter.

« Bien-aimé frère ! La considération de l'état où vous êtes réduit, et de la réclusion prolongée que vous avez encore à souffrir pour le témoignage de JésusChrist, est bien souvent pour moi un sujet de grande consolation, comme elle l'est de vive sympathie. Il est vrai que votre condition présente a quelque chose de bien sombre, considérée des yeux de la chair. Vous êtes repoussé par la créature, mais vous avez été attiré d'autant plus vers le Créateur; - vous êtes privé de votre liberté extérieurement, mais ce n'est que pour vous faire jouir d'autant mieux de votre affranchissement intérieur; on vous a ôté un filet d'eau, mais c'est afin de vous conduire à la source même: est-ce là un sujet de plainte?

[ocr errors]

» Avant vos épreuves, votre ame n'étoit nourrie que du pain de son ordinaire, comme tous vos frères dans la foi; mais maintenant vous êtes à même de recevoir journellement une nourriture exquise, le miel du Rocher, le pain des anges, pour vous fortifier dans vos combats. L'amour de Dieu, la puissance de Christ, les prières des saints, concourent à votre bien-être dans votre position actuelle est-ce là ce qu'on peut appeler misère ?

» Vous êtes privé, il est vrai, du commerce de la plupart de vos amis et de vos frères, même de

[ocr errors]

ceux qui partagent vos fers; mais êtes-vous abandonné? êtes-vous seul? Ne jouissez-vous pas, au contraire, d'une communion plus étroite et plus immédiate avec votre Seigneur et Roi, par le SaintEsprit? Vous avez à présent beaucoup plus de temps à passer dans ces prières secrètes, dans ces méditations intimes, qui remplissent de joie et de consolation: y a-t-il là de quoi se lamenter? - Après tout, qui est-ce qui souffre? c'est la chair, qui éprouve quelque contrainte. Et qu'y perdez-vous, si elle est ainsi tenue sous le joug? Vous avez, au contraire, l'avantage de mortifier ces désirs et ces passions déréglées, qui faisoient la guerre à votre ame, et qui troubloient votre paix.

>>

Voici, notre Roi vient comme un chevreuil et comme un jeune cerf sur les montagnes, pour raviver son œuvre, pour délivrer ses captifs et pour tirer vengeance de ses adversaires. Oui, il va paroître, et alors il décidera la querelle, et manifestera sa gloire. Dans cette attente solennelle, tous les saints ne feront-ils pas leur grande affaire de se préparer à la présence de celui qui va venir pour faire pleuvoir sur eux la justice des cieux? Eh bien! quelle meilleure occasion pourriez-vous désirer pour cela? Vous avez maintenant beaucoup de temps (et j'espère que vous en profitez) pour rechercher vos voies et les sonder, afin de découvrir et de retrancher tout ce qu'il pourroit encore y avoir d'impur. Maintenant par de saintes et nobles méditations, vous pouvez contempler la majesté de notre Roi, la tendresse de son amour, l'excellence de sa gloire, jusqu'à ce que votre ame soit remplie d'actions de grâces et de louanges, jusqu'à ce que vous soyez transporté d'admiration et rendu conforme à son image glorieuse : n'est-ce pas là un privilège précieux? Maintenant vous pouvez être tout le jour dans les cieux en esprit; nulle occupation ne vient vous distraire, rien

« PreviousContinue »