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CANTON DE VAUD.

Que toutes choses se fassent pour l'édification..... afin que suivant la vérité avec la charité, nous croissions en toutes choses en celui qui est le Chef, Jésus-Christ. 1. COR. XIV. Ň. 26. EPH. IV. V. 15.

LE BRIGAND CONVERTI.

L'un des malfaiteurs disoit à Jésus: Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras en ton règne. Et Jésus lui répondit: En vérité je te dis, qu'aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis.

LUC XXIII. v. 42. 43.

Ce sont les paroles de deux mourants que vous venez

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de lire. Si les derniers entretiens de nos semblables contiennent toujours quelques instructions salutaires; si ceux des fidèles qui meurent au Seigneur, sont l'école de la vérité la plus solennelle et la plus édifiante que puissent nous offrir les épreuves de ce monde, jamais assurément il n'en fut de plus instructif et de plus digne de notre attention. Les deux mourants qui parlent sont l'un et l'autre suspendus à une croix, et déclarés infâmes par les magistrats de leur patrie; ils souffrent déjà les angoisses du supplice le plus inhumain qu'ait imaginé le prince du mal; ils vont expirer dans une violente agonie. Autour de leurs croix une multitude innombrable d'hommes assistent à leurs derniers moments, avec des émotions bien opposées; quelques-uns se frappent la poitrine et versent des larmes; la plupart les insultent et les mau

dissent. Dans ces circonstances horribles, ces deux mourants oublient, ce semble, tout ce qui les entoure pour s'entretenir du règne de Dieu. Placés l'un et l'autre sur les frontières de ce monde, qui les repousse, les rejette hors de lui avec malédiction, et de l'éternité qui les appelle, l'un demande d'une voix humble et suppliante de ne pas être abandonné, dans cet avenir immense, où la mort va le transporter; l'autre lui répond d'une voix souveraine, qu'il entrera ce même jour avec lui dans le royaume préparé aux justes dès la fondation du monde.-L'un est un brigand condamné justement au dernier supplice; l'autre est Jésus-Christ le Saint et le Juste, qui n'est pas venu pour perdre les hommes mais pour les sauver, et qui accomplit ce salut par la mort de la croix.

On ignore de quel crime s'étoit rendu coupable ce bienheureux malfaiteur, qui eut tout ensemble la honte et la gloire de mourir en communion avec le Christ. Tout ce qu'on peut conjecturer d'une parole de St. Marc, c'est que vraisemblablement il avoit été, ainsi que l'autre brigand, complice de la sédition et du meurtre commis par Barrabas. N'oublions pas du moins, que d'après son propre témoignage, il méritoit le nom et le supplice d'un malfaiteur. Nous sommes justement condamnés, avoit-il dit au larron impéniient, car nous recevons des choses dignes de nos crimes.

Quoiqu'il en soit nous voyons ici un pécheur, un malfaiteur, un criminel punissable au jugement de Dieu et des hommes, recevoir la promesse miséricordieuse que son ame étoit sauvée par les souffrances et la mort de Jésus-Christ, et faire l'heureuse expérience que nous avons la rédemption par son sang, savoir la rémission de nos péchés selon les richesses de sa grace. Comment ce malfaiteur étoit-il parvenu à de telles connoissances et à de telles dispositions? L'Evangile ne nous l'enseigne pas. Avoit-il été précédemment un des nombreux auditeurs de Jésus-Christ?

l'avoit-il entendu dans les campagnes, dans le temple de Jérusalem, annoncer le règne de Dieu? avoit-il été témoin de la belle confession qu'il fit devant Caïphe et Pilate? ou seulement les exemples du Sauveur durant son affreux supplice, sa charité, sa patience, sa résignation, la flamme divine de ses regards, avoient-ils éclairé sa conscience et brisé son cœur? Qui pourroit le dire? qui pourroit raconter par quelles voies explicables ou mystérieuses le Dieu de bonté qui ne veut point la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie, jeta dans cette ame éloignée de lui les premières étincelles de la foi qui sauve, et en fit sortir le cri d'une véritable repentance? Les voies de Dieu ne sont pas nos voies. Quant à l'Esprit saint qui crée en nous la volonté et l'exécution, le Sauveur dit: Le vent souffle où il veut, et vous ne savez ni d'où il vient, ni où il va. Le Sauveur a dit encore: Personne ne vient à moi si mon Père ne l'attire. Dans cet exenple, comme dans tous les exemples de conversions subites, nous n'en savons pas davantage. Mais au moins nous pouvons juger de l'oeuvre de Dieu dans les ames, par leurs paroles et leurs actions, et ici, combien elles sont persuasives!

Le premier mouvement d'une ame qui entend la voix de Dieu, est une grande douleur et une sincère confession de ses péchés. Ainsi le brigand sur la croix prononce contre lui-même une sentence de condamnation et reconnoît ouvertement qu'une mort infâme est la juste punition de ses iniquités passées. Nous recevons des choses dignes de nos crimes. La mort, le plus éloquent des ministres et des messagers de Dieu, le sollicite à chercher l'Eternel pendant qu'il se trouve, à l'invoquer tandis qu'il est près. Sa conscience réveillée lui représente l'histoire de sa criminelle existence. « C'est donc avec une ame chargée de péchés qu'il va comparoître devant la justice éternelle! C'est accompagné de beaucoup d'oeuvres mauvaises qu'il

va quitter le monde de l'épreuve et entrer dans celui des rétributions! Comment échappera-t-il à sa ruine? Avec quoi préviendra-t-il le Dieu fort? » Voilà ce qui l'occupe plus que les tourments qui vont terminer sa vie; car ceux-ci procèdent de la justice des hommes qui ne peuvent tuer que le corps ; mais il va comparoître devant Celui qui peut tuer l'ame et le corps en les jetant dans la géhenne!

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Cette repentance le conduit à la foi. Le besoin d'un Sauveur se fait bientôt sentir à une ame qui mène deuil sur sa misère et sur son indignité. Aussitôt après avoir donné gloire à la justice divine par la condamnation de lui-même, le brigand se tourne du côté de Jésus-Christ, et implorant sa miséricorde: Seigneur lui dit-il, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton règne. Quelle juste connoissance du salut procuré aux hommes par l'Evangile de grâce! Jésus-Christ est comme lui suspendu à une croix, et va mourir dans l'ignominie. N'importe. Le malfaiteur a compris à cette heure que le règne du Sauveur n'est pas de ce monde; qu'il étoit convenable que le Prince de notre salut fut consacré par des souffrances. Averti par le cri de sa conscience, il reconnoît, il proclame JésusChrist, non point comme le faux messie qu'attendoient les mondains Israélites, mais comme le Rédempteur des ames travaillées et chargées, le Souverain Sacrificateur de la nouvelle alliance, qui devoit être navré pour nos forfaits, et battu pour nos iniquités. Ce sont précisément ces humiliations, ces souffrances inouïes, ce sang innocent versé goutte à goutte sur une croix maudite, qui lui révèlent les mystères de la charité éternelle pour le salut du monde, et qui lui persuadent que Jésus-Christ, abaissé jusqu'à la mort, jusqu'à la mort même de la croix, devient le Libérateur et le Prince de tous les rachetés, le Fondateur de ce royaume invisible, où la justice habitera. Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton règne !

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Quelle simplicité de foi! quelle confiance absolue en la charité du Sauveur! Le brigand ne lui demande pas de confirmer ses espérances par des promesses particulières; il ne réclame aucun nouveau signe pour affermir sa foi; il lui demande un seul souvenir; il s'abandonne à lui sans exprimer le plus foible doute. Reçois-moi tel que je suis, » semble-t-il lui dire; « sauve un malfaiteur souillé de crimes et qui n'a rien à t'offrir que sa misère et tes promesses de miséricorde! Sauve une ame perdue et qui n'espère plus rien que de toi! C'est là une œuvre digne de ta puis'sance et de la bonté infinies, c'est à de telles victoires que se fait connoître le Prince de la paix. Dis seulement que je suis sauvé et je serai sauvé! »>

Cette prière du brigand sur la croix fut sans doute pour le Sauveur une grande consolation, et un sujet de joie bien propre à adoucir les angoisses de son supplice. Descendu sur la terre pour chercher et sauver ce qui étoit perdu, sa charité sans borne et sans relâche n'avoit rencontré chez le plus grand nombre des hommes, que la méchanceté, les persécutions et le meurtre. Jérusalem qui tuoit les Prophètes se repaissoit cruellement, la veille de Pâques, de ses souffrances et de son agonie. Mais au milieu de ces iniquités, et des malédictions dictées par l'ignorance ou l'endurcissement du peuple, une ame qui jusqu'alors avoit paru endurcie et perdue comme les autres, se tournoit vers lui avec componction et avec foi! Un pécheur le reconnoissant hautement comme son Sauveur et son Roi, lui demandoit miséricorde ; et Jésus pouvoit lui annoncer encore la bonne nouvelle de son salut et de sa délivrance! Et quel pécheur encore glorifioit, consoloit ainsi ses dernières heures? Oh contraste remarquable! Les disciples qui avoient été témoins de son divin exemple et de ses miracles, troupeau timide, s'étoient dispersés à l'approche des ennemis de leur Maître; sa croix étoit pour eux un

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