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de ton état quel qu'il soit. Tiens-toi particulièrement en garde contre les mauvaises compagnies ; tu en rencontreras en grand nombre; le monde est beaucoup plus corrompu que tu ne peux maintenant te l'imaginer; le meilleur moyen de n'être pas séduit par lui, c'est d'élever continuellement ton ame à Dieu. Ne compte pas sur toi-même, ni à cet égard, ni à d'autres. Supplie sans cesse le Dieu tout-puissant de l'accorder, dans tous les dangers et dans toutes les difficultés, l'assistance de son St. Esprit, qu'il nous promet en Jésus-Christ. >>

Il n'adressoit jamais de supplications à Dieu qu'au nom de Christ. Les élévations de son ame à Dieu furent nombreuses et fréquentes: « Oh Dieu! disoitil, tu es le Rocher de mon salut; soutiens-moi à l'heure de la mort et au jour du jugement! Que ta volonté soit faite, et non pas la mienne! - Oh mon Sauveur ! toi que j'ai tant offensé! que je m'affectionne maintenant sans réserve aux choses qui sont en haut, à ce ciel où tu es entré! et que, dans le moment fixé par toi, mon ame t'y suive! Que sont mes souffrances en comparaison de celles que tu as endurées pour les pécheurs? -Je souffre de grandes douleurs; mais j'espère en Christ que mon affliction produira pour moi le poids d'une gloire infiniment excellente. »

Ses gémissements étoient quelquefois très-forts et pénibles à entendre. A cette occasion il dit à un ami qui étoit à côté de lui : « ne croyez pas que ce soit volontairement que je pousse ces soupirs. Il n'en est pas ainsi. Je ne peux pas m'en empêcher. Je peux à peine respirer. Il m'est impossible de ne pas gémir ainsi tout haut. J'espère que Dieu ne regardera pas cela comme des murmures ou comme des plaintes. Que sa sainte volonté soit faite. » Au moment où son ami alloit quitter sa chambre, celuici lui demanda s'il avoit un message à faire à Mr. H.?

Il répondit: « présentez-lui mes respects et dites-lui que je n'ai que peu de temps à vivre, et que, par Christ, j'espère que nos ames seront unies dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite. Dites-lui que mon cœur est pénétré de reconnoissance de toutes les bontés qu'il m'a témoignées; qu'il m'est impossible de lui exprimer tout ce que je sens pour lui. »

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Quelques moments avant sa mort, comme une dose de laudanum lui avoit procuré un court sommeil, il se réveilla en sursaut, et s'écria: « où aije été? Je n'ai pas été avec mon Dieu!» La garde lui répondit: <«< vous avez dormi, mais votre cœur étoit avec Dieu. »> Oui,» dit-il, « mais je voudrois toujours m'entretenir avec mon Dieu. » — Ses dernières paroles furent: «mon Sauveur et mon Dieu!» qu'il répéta avec beaucoup de solennité; et après avoir soupiré deux fois, il rendit le dernier soupir.

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LETTRE

AU RÉDACTEUR DE LA FEUILLE RELIGIEUSE.

MON CHER FRÈRE ET AMI!

I

Lisant aujourd'hui la seconde livraison de l'Histoire ccclésiastique de Milner, j'ai été frappé de la lettre que le fidèle Ministre de Jésus, appelé Ignace, écrivoit à Polycarpe Pasteur d'Ephèse. Sous plusieurs rapports cette lettre me paroît renfermer, pour les Ministres de Jésus, des instructions bien importantes, aux

(1) La 4. livraison de cet intéressant ouvrage vient de paroître; elle termine le premier volume et conduit l'histoire de l'Eglise jusqu'à la fin du IIIe. siècle. (Voyez Feuille Religieuse de 1830, No. 24, page 380.)

quelles moi, Ministre aussi de cet adorable Maître, je voudrois rendre attentifs mes compagnons d'œuvre et moi-même. Je pose donc le livre et je prends la plume pour venir parler quelques moments à nos frères et à toi, par la voie de cette Feuille.

Je remarque d'abord dans cette lettre, avec quelle sainte liberté Ignace exhorte son frère à remplir fidélement ses devoirs : « Supporte tous les hommes, » comme aussi le Seigneur te supporte toi-même. » Trouve du temps pour prier sans cesse. Demande » une plus grande intelligence des choses saintes que >> celle que tu as maintenant. Sois encore plus studieux » que tu ne l'es. »> En lisant ces lignes je ne puis m'empêcher de me dire: quand tu écris à tes frères dans le ministère, tu ne leur parles pas ainsi, tu ne les exhortes pas ainsi, et quand ils t'écrivent, ils ne te parlent pas non plus de cette manière. Avonsnous, peut-être, la fausse idée que ce seroit manquer de charité que de nous dire, comme Ignace à Polycarpe: «Demande une plus grande intelligence >> des choses saintes, que celle que tu as maintenant; >> sois encore plus studieux que tu ne l'es? » Certes, ce n'est pas manquer à la charité que de penser que nos frères ont besoin de croître dans la gráâce et dans la connoissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, puisque c'est à cela que la Parole de Dieu invite tous les fidèles. Il y auroit plus de progrès chez les Ministres de la Parole, et en général chez les fidèles, s'ils étoient plus soigneux à s'exhorter avec liberté, à s'édifier les uns les autres, et à se reprendre avec amour.

Nous sommes favorisés, dans notre pays, d'une grande grâce de Dieu, en ce que beaucoup de ministres y annoncent Jésus et son salut dès la chaire; mais il faut que l'œuvre qui est commencée se maintienne, s'affermisse et se perfectionne. L'expérience de tous les temps nous montre que nous avons

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la déplorable tendance à nous relâcher, à nous refroidir; après un temps de zèle et de ferveur, vient peu à peu un temps de langueur ou même de sommeil. Les beaux temps apostoliques ont été de courte durée; et, bien que les siècles qui les ont suivis se soient distingués par un grand zèle pour la propagation de l'Evangile, et par un grand courage dans la confession du nom de Christ, néanmoins la foi étoit déjà moins simple et moins pure que du temps des premiers disciples de Christ: la sagesse humaine, en se mêlant à la vérité divine, avoit commencé à l'obscurcir et à la défigurer. L'Eglise d'Ephèse, par exemple, avoit, du vivant même de St. Jean, abandonné sa première charité. Le chandelier de la Parole a été ôté de ces lieux où il avoit brillé d'un éclat si vif et si pur. L'Asie, l'Afrique, où les premiers temps virent un si grand nombre d'églises chrétiennes, sont couvertes maintenant de mosquées, 3 Les ténèbres y ont remplacé la lumière, et le mensonge la vérité. — Après les siècles de la réformation, est venu un siècle de tiédeur et d'une sagesse faussement ainsi nommée. Les successeurs de Calvin et de Luther ont long-temps prêché et prêchent encore dans beaucoup de pays, à peu près comme auroient pu le faire les philosophes païens. Maintenant une bienheureuse effusion du St. Esprit a ramené dans beaucoup d'endroits, particulièrement dans notre patrie, les grandes doctrines de la totale corruption de l'homme, de la rédemption par Christ, de la foi comme unique moyen de s'approprier le salut, et de la régénération par le St. Esprit. Que Dieu soit béni de ce qu'il nous a regardés dans ses compassions! Mais quand nous lisons l'histoire et que nous voyons les époques de réveil être si vite

(2) Apocal. II. 4.

(3) Temples des Mahometans.

3

remplacées par des époques de sommeil, ne tremblerons-nous pas qu'il n'en soit de même de celle-ci?

de

Il me semble qu'un des devoirs de la Feuille Religieuse, c'est de travailler, selon sa portée, à prévenir ce malheur. Avertir et avertir fréquemment ses lecteurs qu'il est possible, c'est déjà un moyen de l'empêcher. — Les exhorter à supplier le ToutPuissant et Tout-Bon d'éloigner ce funeste moment, en est un second. — Un troisième, c'est de les conjurer de garder fidèlement le bon dépôt de la foi, de conserver intactes toutes les vérités révélées, les défendre, de les confesser, de les enseigner à d'autres. Je voudrois aussi, comme quatrième moyen, que les Ministres de Jésus y coopérassent selon leurs forces, en publiant l'un un traité, l'autre un sermon, où ils rendroient hommage aux grandes vérités de la foi. Il ne s'agit pas de dire: « je n'ai pas assez de talents; » qui a le talent d'annoncer Î'Evangile en chaire, a aussi celui de l'annoncer dans un modeste écrit. Nous savons combien ont été utiles dans le moment de notre réveil, ces antiques ouvrages des hommes de la réformation et du siècle qui l'a suivie; ils sont sortis de la poussière des bibliothèques, et comme de vieux soldats de Christ, ils sont venus exciter les jeunes à s'avancer dans le bon combat de la foi. Il en sera de même des écrits évangéliques de nos jours, si, comme les premiers, ils rendent témoignage à Jésus seul Sauveur des pécheurs. Ecrits avec moins de génie sans doute, ils pourront néanmoins être bénis de Celui qui confond les choses fortes par les choses foibles.

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Mais je reviens à la lettre d'Ignace à Polycarpe, dont je me suis peut-être trop écarté. Nous, sentinelles en Israël, ayons l'œil les uns sur les autres pour nous exhorter mutuellement avec fidélité, afin que le dépôt sacré de la foi ne souffre aucun dommage sous notre administration, et que l'Eglise de

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