Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Malgré l'opposition que continuent à rencontrer de la part du monde, et l'œuvre biblique et celle de la conversion des païens, l'on trouve de temps en temps, même parmi les hommes étrangers à l'influence vivifiante de l'Evangile, des témoignages favorables à ces entreprises chrétiennes. Aujourd'hui, Monsieur, dans un Journal où bien souvent ont paru des assertions défavorables à la cause des Missions, je lis un article qui montre cependant que ce n'est pas en vain qu'on va prêcher la Parole. de Dieu aux pauvres nègres, et que ceux-ci, lorsque le Seigneur leur fait la grâce de les éclairer, sont à leur tour des instruments fréquemment bénis pour la conversion des Européens.

Voici le résumé de cet article, jusqu'au point qui a particulièrement attiré mon attention:

Un officier-général Anglais, avancé en âge, raconte à une personne dont il a fait la connoissance, quelle est la cause de son isolement et du chagrin dont sa physionomie porte l'empreinte. Il lui apprend qu'ayant été appelé à prendre le commandement d'un corps de troupes dans la guerre que les Anglais soutenoient en Espagne contre les Français, (de 1810 à 1812) il prit avec lui le fils d'un Pasteur des environs de Londres, lui voua une affection toute parliculière et l'adopta pour son fils. Ce jeune homme

(1) Revue Britannique, tome 27, page 140. Journal périodique qui est pour la littérature, l'industrie, la législation et l'économie politique, ce que la Revue Britannique, publiée par Mr. le Pasteur Burnier, est pour la Religion.

étoit doué d'un caractère extrêmement aimable. II avoit beaucoup de simplicité, de franchise, de cordialité, et en même temps un enthousiasme très-vif pour la gloire militaire. Aussi étoit-il fort attaché à son père adoptif, dont il suivoit la carrière avec joie.

A la première bataille qui eut lieu, Henri Hardent, (c'est le nom du jeune homme), combattoit comme porte-enseigne dans les rangs du corps d'armée dont son protecteur étoit le chef. La victoire se décida en faveur des Anglais, et aussitôt après l'officiergénéral s'empressa d'aller à la recherche de son jeune ami....

« Je distinguai, dit-il, sur le lieu même où nous avions combattu, mon vieux nègre Francis qui tenoit par la bride le cheval andaloux d'Henri; je l'avais laissé auprès de ce jeune homme, car autrement il n'eût suivi partout; sa vue augmenta ma sécurité; je mis mon cheval au galop; au moment où j'arrivai, je l'arrêtai à peine assez à temps pour l'empêcher de fouler le corps nu d'Henri; un drapeau brisé, couché près de lui, portoit les marques sanglantes des mains qui l'avoient défendu. »

«Je devins froid comme la mort. Cette jeune plante, enlacée autour de mon cœur, lui communiquoit sa sève; maintenant il est desséché comme elle. Alors s'évanouirent les illusions de la victoire et celles du bonheur terrestre que je me promettois; je vis dans toute son horreur le spectacle offert par le champ de bataille, des morts, des mourants, de malheureux blessés qui imploroient des secours: la guerre est vraiment l'œuvre du démon. »

Tandis que cet officier se livroit à ces tristes réflexions, une nouvelle attaque de l'ennemi l'obligea à rallier sa troupe et à combattre de nouveau. II fut encore vainqueur, mais il fut blessé et rendu incapable de servir davantage.

« Ce fut la première fois de ma vie, ajoute-t-il, que l'idée de mon salut me vint à l'esprit. Mon nègre Francis fut l'humble instrument dont Dieu se servit alors, avec ce livre que je porte toujours sur moi; il appartenoit à Henri, qui le relisoit sans cesse; il est encore taché de son sang. Le misérable qui dépouilla son corps l'avoit jeté de côté; Francis l'avoit ramassé et me le remit (en disant ces mots, l'officier montroit, à la personne à qui il faisoit ce récit, une petite Bible de poche). J'y lus sur la première page le nom de « Henri Hardent, » et au-dessous «< donnée par sa mère le jour où il eut douze ans. » Sur une feuille blanche étoit écrit ce passage des Proverbes : J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui me cherchent soigneusement me trouveront. Les croix, les notes dont ce livre étoit rempli, montroient combien il avoit été ly et médité. » «Vous voyez, Monsieur continua-t-il, que j'ai trouvé le véritable remède à mes maux. J'étois comme l'enfant qu'on vient de sevrer rien ne pouvoit calmer ma douleur que l'espérance d'un heureux avenir. >>

2

Or comment ce nègre avoit-il été éclairé? l'officier son maître nous le rapporte au commencement de son récit : « Francis avoit été converti à la Jamaïque par une Mission de Moraves; j'en faisois beaucoup. de cas, quoique je le traitasse de méthodiste. Le pauvre Francis ne respiroit que pour me convertir. Je l'ai perdu aussi. Je faisois alors peu d'attention à ce qu'il disoit, mais combien j'y ai pensé depuis!.. »

LES

L'AVENIR.

ES êtres destitués d'intelligence ne vivent que pour le moment actuel, et n'ont pas la faculté d'a

(2) Prov. VIII. 17.

jouter aux jouissances du présent, l'espoir de l'avenir. Mais l'homme créé en ame vivante, et dont les besoins sont si multipliés, les intérêts si compliqués, vit, on peut le dire, bien plus dans l'avenir, que dans le présent. Ce qu'il a, ce qui lui survient, il le rapporte à un temps qui n'est pas encore, et que peut-être il ne verra pas. Ses projets, ses travaux, ses entreprises, sont toujours pour un temps éloigné. Le bonheur le plus complet, auquel il se flatte de parvenir, il ne le voit non plus qu'au-devant de lui. Sa prospérité actuelle lui paroît toujours défectueuse en quelques points. Son espoir, c'est que lavenir, sans lui rien ôter de ce qu'il a, lui amènera ce qu'il n'a point encore. Cette disposition morale de l'homme, considérée en elle-même et indépendamment de son application, est un effet tout naturel de l'état de chûte et de désordre où il se trouve ici-bas séparé, par le péché, de Dieu, qui est le souverain bien. Elle est un instinct heureux, qui nous avertit de ce que nous avons perdu, et fournit le plus frappant indice de notre destination pour une autre vie, en portant toujours nos espérances dans un avenir plus éloigné, à mesure que les premiers termes de nos désirs sont atteints. Nous désirons toujours, sans être jamais pleinement satisfaits, et par là nous proclamons, sans nous en douter, la vanité de ce monde et l'impossibilité où sont les choses de la terre de nous procurer le vrai bonheur. Mais voici l'erreur, voici où l'aveuglement de l'homme se montre dans ses plus déplorables effets: c'est qu'il s'obstine à attendre la félicité de l'avenir qui peut encore lui être réservé ici-bas, au lieu de sentir qu'elle ne peut se trouver que dans l'avenir éternel; c'est qu'îl forme en conséquence mille projets terrestes, dans lesquels il dispose du temps, comme s'il dépendoit de lui de prolonger sa vie au gré de ses désirs. Hélas! sur quels frêles appuis repose pour l'homme

son espoir de bonheur, quand il n'a pas choisi la bonne part qui ne peut lui être enlevée. Faire dépendre son bonheur de biens terrestres, d'avantages temporels, que l'on ne possède pas même, que l'on attend de l'avenir; fonder sa félicité sur des choses qui ne peuvent la procurer et que l'on possédera PEUT-ÊTRE, Si tels ou tels projets, menacés par mille vicissitudes, réussissent, et s'il nous est donné de voir prolonger une existence qui n'est qu'un souffle: voilà, au vrai, tout le bonheur de l'ame mondaine! - Or maintenant, vous qui dites: Nous irons aujourd'hui ou demain en une telle ville, et nous y passerons une année, nous y trafiquerons, et nous y gagnerons. Vous ne savez pourtant pas ce qui arrivera le lendemain. 3 St. Jaques, comme vous le voyez, condamne déjà ceux qui croient pouvoir disposer d'un seul jour, et qui font entrer une année entière dans leurs spéculations. Mais au sein des projets qui remplissent sa vie, le mondain ne s'en tient pas là, il va plus loin, il dispose en imagination d'une longue série d'années, il dit dans 5 ans, dans 10 ans, quand je serai vieux!.... Hélas! ces asiles de repos, qui entourent les temples du Seigneur, sont pleins des ossements d'une foule de personnes qui ont aussi vécu EN IMAGINATION dans le temps où nous sommes maintenant, qui ont fait des projets pour cette même année 1831 où nous voici parvenus, et que Dieu a retirées de ce monde, un an, quatre ans, huit ans, seize ans peut-être, avant le moment sur lequel elles comptoient. Le temps étant incertain, il n'y a donc d'assuré pour nous que l'éternité, et ce n'est que sur cette dernière que nous devrions attacher fixement nos regards.

(3) Jaques IV. 13. 14.

« PreviousContinue »