remettre Lucinde en votre pouvoir. Nous avons eu dessein de prendre la fuite nous deux, et de nous aller marier ensemble; mais cette entreprise a fait place à un procédé plus honnête. Je ne prétends point vous voler votre fille, et ce n'est que de votre main que je veux la recevoir. Ce que je vous dirai, monsieur, c'est que je viens tout à l'heure de recevoir des lettres par où j'apprends que mon oncle est mort, et que je suis héritier de tous ses biens. GÉRONTE. Monsieur, votre vertu m'est tout à fait considérable, et je vous donne ma fille avec la plus graude joie du inonde. SGANARELLE, à part. La médecine l'a échappé belle! MARTINE. Puisque tu ne seras point pendu, rends-moi grace d'être médecin, car c'est moi qui t'ai procuré cet honneur. SGANARELLE. Oui! c'est toi qui m'as procuré je ne sais combien de coups de bâton. LÉANDRE, a Sganarelle. L'effet en est trop beau pour en garder du ressentiment, SGANARELLE. Soit. à Martine.) Je te pardonne ces coups de bâton en saveur de la dignité où tu m'as élevé : mais prépare-toi désormais à vivre dans un grand respect avec un homme de ma conséquence, et songe que la colère d'un médecin est plus à craindre qu'on ne peut croire. FIN DU MÉDECIN MALGRÉ LUI. PASTORALE HÉROÏQUE 1666. NOTICE. Cette pièce, restée inachevée, fut composée pour figurer au nombre des divertissements de la fête célèbre connue sous le nom de Ballet des Muses, et qui eut lieu à Saint-Germain, en décembre 1666. La plupart des commentateurs se sont demandé pourquoi Molière n'avait point terminé cet ouvrage, qui offre, en bien des points, beaucoup de charme et de fraicheur. M. Aimé Martin donne de ce fait l'explication suivante : « Molière avait composé Mélicerte dans le dessein de faire valoir à la cour les grâces naissantes du jeune Baron, qu'il aimait comme son fils, et pour qui il avait composé le rôle de Myrtil. Peu de temps avant la représentation du Ballet des Muses, le jeune Baron, qui demeurait chez Molière, ayant essuyé quelques mauvais traitements de la femme de ce dernier, se retira chez la Raisin. Tout ce qu'on put obtenir de lui, c'est qu'il remplirait à la fête de la cour son rôle dans Mélicerte. Les caresses de Molière n'ayant pu apaiser son ressentiment, il eut la hardiesse de demander lui-même au roi la permission de se retirer, et cette permission lui fut accordée. Alors Molière négligea de terminer un ouvrage qui désormais était sans but. » Le sujet de Mélicerte est emprunté à l'épisode de Timarète et Sésostris, qui se trouve dans Cyrus, roman de mademoiselle de Scudéry. Cette pièce fut achevée en 1699 par un fils de la veuve de Molière, né de son second mariage avec le comédien Détriché, connu au théâtre sous le nom de Guérin. Guérin fils changea la versification des deux premiers actes, qu'il mit en vers libres et irréguliers. Il conduisit l'action jusqu'au dénoûment, et y joignit des intermèdes ; mais cette tentative ne fut point heureuse. PERSONNAGES. MÉLICERTE, bergère '. DAPHNE, bergère. ÉROXÈNE, bergère '. MYRTIL, amánt de Mélicerte '. LYCARSIS, pâtre, cru père de Myrtil 7. NICANDRE, berger. MOPSE, berger, cru oncle de Mélicerte. La scène est en Thessalie, dans la vallée de Tempé. Acteurs de la troupe de Molière: Mademoiselle DU PARC. -Mademoiselle • DU Mademoiselle MOLIÈRE. -BARON. DE BRIE. MOLIÈRE. - Magdeleine BEJART. LA GRANGE. ÉROXÈNE, à Tyrène. Je m'aime où tu n'es pas. ACANTHE. Ne cesseras-lu point cette rigueur mortelle ? TYRÈNE. Ne cesseras-tu point de m'être si cruelle? Ne cesseras-tu point de m'être si fâcheux ? ACANTHE. Si tu n'en prends pitié, je succombe à ma peine. Si tu ne me secours, ma mort est trop certaine. DAPHNÉ. Si tu ne veux partir, je quitterai ce lieu 1. ÉROXÈNE. Si tu veux demeurer, je te vais dire adieu. ACANTHE. Hé bien! en m'éloignant je te vais satisfaire. Mon départ va t'ôler ce qui peut te déplaire. ACANTHE. Généreuse Éroxène, en faveur de mes feux, Obligeante Daphné, parle à cette inhumaine, SCÈNE II. DAPHNÉ, ÉROXENE. ÉROXÈNE. Acanthe a du mérite, et t'aime tendrement : Tyrène vaut beaucoup, et languit pour tes charmes : Puisque j'ai fait ici la demande avant toi, La raison te condamne à répondre avant moi. 'VAR. Si tu ne veux partir, je vais quitter ce lieu. DAPHNÉ. Pour tous les soins d'Acanthe on me voit inflexible, Parcequ'à d'autres vœux je me trouve sensible. ÉROXÈNE. Je ne fais pour Tyrène éclater que rigueur, Parcequ'un autre choix est maître de mon cœur. DAPHNE. Puis-je savoir de toi ce choix qu'on te voit taire? ÉROXÈNE. Oui, si tu veux du tien m'apprendre le mystère. Sans te nommer celui qu'Amour m'a fait choisir, Je puis te contenter par une même voie, La boîte que le peintre a fait faire pour moi Il est vrai, l'une à l'autre entièrement ressemble, Faisons en même temps, par un peu de couleurs, Voyons à qui plus vite entendra ce langage, DAPHNE. La méprise est plaisante, et tu te brouilles bien : Au lieu de ton portrait, tu m'as rendu le mien. ÉROXÈNE. Il est vrai, je ne sais comme j'ai fait la chose. |