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Je chantais, ne vous déplaise.

Vous chantiez? j'en suis fort aise:
Eh bien! dansez maintenant.>>

2. Le corbeau et le renard

I. 2

Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.

Maître renard, par l'odeur alléché,

Lui tint à peu près ce langage:

«Hé! bonjour, monsieur du Corbeau:

Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage

Se rapporte à votre plumage,

Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.>>
A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,

Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit, et dit: «Mon bon monsieur,

Apprenez que tout flatteur

Vit aux dépens de celui qui l'écoute.

Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.»>
Le corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

3. Le loup et le chien

I. 5

Un loup n'avait que les os et la peau,

Tant les chiens faisaient bonne garde:

Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,

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S'était fourvoyé par mégarde.
quer, le mettre en quartiers,
loup l'eût fait volontiers;
V... il fallait livrer bataille;

le matin était de taille
Ase defendre hardiment.

Le loup donc l'aborde humblement,
ven propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
Pe uusi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien:

Vos pareils y sont misérables,

Cancres, hères, et pauvres diables,

Dont la condition est de mourir de faim.

Ca, quoi! rien d'assuré! point de franche lippée;
Tout à la pointe de l'épée!

Server moi, vous aurez un bien meilleur destin.>>
Le loup reprit: «Que me faudra-t-il faire?
Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants;

Flatter ceux du logis, à son maître complaire,

Moyennant quoi votre salaire

Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons;
Sans parler de mainte caresse.»

Le loup déjà se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.

35 «Qu'est-ce là? lui dit-il. Rien. - Quoi! rien!-Peu de chose.

Mais encor? Le collier dont je suis attaché

De ce que vous voyez est peut-être la cause.

- Attaché! dit le loup: vous ne courez donc pas

Où vous voulez? - Pas toujours; mais qu'importe? Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.»>
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.

4. Le rat de ville et le rat des champs

I. 9

Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête:
Rien ne manquait au festin;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.

A la porte de la salle

Ils entendirent du bruit;

Le rat de ville détale;

Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire:
Rats en campagne aussitôt;

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La raison du plus fort est toujours la meilleure:
Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Un agneau se désaltérait

Dans le courant d'une onde pure.

Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure, que la faim en ces lieux attirait.

Et

«Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?»>
Dit cet animal plein de rage:
audiuti

«Tu seras châtié de ta témérité.

-Sire, répond l'agneau, que Votre Majesté

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Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.

-Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né?
Reprit l'agneau; je tette encor ma mère.

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- Je n'en ai point. — C'est donc quelqu'un des tiens; Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l'a dit: il faut que je me venge.»

Là-dessus, au fond des forêts

Le loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

6. La mort et le bûcheron

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I. 16

Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos:
Sa femme, ses enfants, les soldats,1 les impôts,
Le créancier, et la corvée,2

1 Les soldats étaient logés chez les particuliers à cette époque, les casernes n'existant pas.

2 Travail gratuit qui était dû par le paysan à son seigneur.

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