L'accueil fait par ceux qui sont depuis longtemps déjà nos collaborateurs, à l'appel que nous leur avons fait, il y a quelque temps, nous permet de compter sur eux pour l'avenir; ils nous ont donné un témoignage précieux, nous les en remercions vivement. Mais nous nous adressons également aux jeunes, à ceux qui débutent, et nous leur demandons de venir, eux aussi, à leur tour, donner à l'Annuaire de ce souffle qui vivifie, et sans lequel nulle œuvre ne saurait grandir et prospérer.

L'Éditeur de l'Annuaire,

G. ROUILLÉ.

Auxerre, 20 novembre 1883.

L'ANNUAIRE DE L'YONNE

ET LE CONSEIL GÉNÉRAL

Après quarante-sept ans d'une existence qui n'a pas été sans retentissement et sans gloire, il nous a paru que l'Annuaire de l'Yonne avait bien le droit de faire jeter un coup d'œil retrospectif sur son passé, et d'appeler l'attention sur son avenir. Comme le disait un vieux poète de l'ancien monde : Habent sua fata libelli! L'Annuaire a sa place marquée dans l'histoire de ce département et son rôle est loin d'être fini, comme nous allons essayer de le démontrer.

L'idée d'une statistique départementale appartient à l'initiative de deux préfets de l'Yonne. Le dernier, M. de Bondy, en fit directement l'ouverture au Conseil général qui, dans sa session de 1835, prenait la délibération

suivante :

<< Une statistique du département serait une collection << précieuse pour l'administration et les citoyens, aussi << le Conseil général ne peut qu'applaudir au projet conçu << par M. le Préfet, de s'occuper d'un travail qui intéresse << si vivement la science de l'économie publique. Déjà << l'un des prédécesseurs de ce magistrat avait commencé << une entreprise si utile, lorsque des circonstances in« dépendantes de sa volonté en arrêtèrent l'exécution. << Le conseil, s'associant aux sentiments de M. le Préfet, << fait des vœux sincères pour que tous les hommes éclai

<< rés secondent ses efforts, et qu'il lui soit réservé, grâce << à leur concours, d'élever un monument qui, en hono<< rant son administration, deviendra un témoignage de << son amour pour la science. Une bonne statistique serait << le tableau fidèle de la situation de l'industrie, du com<< merce et de l'agriculture dans ce département. Les << résultats obtenus s'y trouveraient constatés et, de cette « énumération sincère, ressortiraient des renseigne<<ments précieux pour ceux qui étudient et souhaitent << le développement des diverses causes de prospérité du << pays. »

Voilà évidemment le point de départ de la publication qui nous occupe et ce vœu ne devait point rester à l'état de lettre morte, car, l'année suivante, nous trouvons dans les procès-verbaux du Conseil, général une seconde délibération ainsi conçue :

« Le Conseil général, dans sa session de 1835, fut << unanimement frappé de l'utilité qu'offrirait une statisti<< que du département. S'associaut aux sentiments qu'ex« primait M. le Préfet, il faisait des vœux pour que tous << les hommes éclairés, secondant les efforts de ce magis<< trat, vinssent lui prêter leur concours et réunir les > nombreux documents, éléments d'une bonne statis<< tique.

<< C'est alors que la pensée d'un Annuaire s'est présen«tée et qu'elle a été soumise à M. le Préfet, qui l'a ac«cueillie Le sieur Perriquet, imprimeur à Auxerre, << l'auteur de ce projet, a reçu des encouragements

Un

» arrêté de M. le Préfet, en date du 1er mars, en plaçant << sous la direction de ce magistrat l'Annuaire départemen« tál, assure à l'éditeur la communication des documents << administratifs importants qui seront fournis par MM. les « chefs des divers services.

<< Le conseil, apprenant que plusieurs travaux recom<< mandables sont préparés, que des mémoires ont été << recueillis, a cru utile et convenable d'encourager la << publication conçue par le sieur Perriquet.

«Le prix de l'Annuaire composé d'au moins seize << feuilles d'impression et formant un vol. in-8, a été fixé

<< par M. le Préfet à 2 fr. dans le but de le répandre, de <<< le placer dans le plus grand nombre de mains pos<< sible.

<< Mais cette pensée très-bonne et trés-louable rend, au << moins pour la première année, la position de l'éditeur << difficile. Les frais seront considérables, en raison << surtout des nombreux tableaux que contiendra l'ou<< vrage. Aussi M. le Préfet, après avoir communiqué au << Conseil général tous les calculs établissant le prix de << revient de l'Annuaire et les rentrées probables de << l'éditeur, a-t-il demandé qu'il lui fût alloué pour 1837 << une subvention de 1,000 fr. »

Le Conseil général, adoptant cette proposition, a voté en conséquence au budget de report de 1835 pour 4837, une allocation de cette même somme, à titre de subvention à M. Perriquet, éditeur de l'Annuaire statistique de l'Yonne, sous la condition qu'il se conformera aux dispositions de l'arrêté de M. le Préfet en date du 1er mars 1836.

Cet arrêté portait que l'offre de M. Perriquet, de publier un annuaire statistique du département sous la direction et sous la surveillance de l'administration départementale, était acceptée. Il formulait ensuite l'organisation du comité qui devait en diriger et surveiller la publication. Le comité se composait de MM. les membres du Conseil général, de M. le receveur général du département; des directeurs des contributions directes et indirectes; du directeur des Domaines ; de M. Chardon, président, et de M. de Molêmes, procureur près le tribunal civil, de MM. les ingénieurs des ponts et chaussées et du canal du Nivernais. etc., etc.

On le voit, l'Annuaire, en prenant naissance, ne s'appartenait pas le comité avait le droit d'examiner et de discuter le plan général et de déterminer chaque année les matières qui devaient en former la substance, et rien ne pouvait y être inséré qui ne rentrât dans le cadre du plan adopté par le comité et qui n'eût été approuvé par la commission.

Ces conditions acceptées, moyennant la subvention départementale, l'Editeur fit paraître pour 1837 le premier volume de sa publication.

Outre les documents administratifs généraux et départementaux, ce volume contenait de curieux rapprochements statistiques sur la population de l'Yonne de 1800 à 1834, un tableau général des dépenses du département de 1827 à 1834, tableau que nous recommandons aux amateurs de comparaisons budgétaires; des tableaux des condamnations en matière criminelle et correctionnelle; un résumé du recrutement de 1818 à 1834; un relevé cadastral pour nos cinq arrondissements. etc., etc.

Un agriculteur très autorisé, M. Vérollot d'Ambly, fournissait une notice sur l'agriculture du département de l'Yonne; M. le président Chardon, un coup d'œil historique sur la même contrée; M. Pérille-Courcelle, un aperçu sur le comté et la ville de Joigny; M. Challe, un travail sur Malicorne et le château d'Hautefeuille; M. Ravin, des recherches sur la commune et la maison de Guerchy; Sonnié-Moret, une note sur le canton de Coulanges-la-Vineuse; M. Mauger, une biographie de Joseph Fourier; enfin, M. Arrault de Toucy, une étude remarquable sur la vallée de la Cure et sur les grottes d'Arcy.

C'était un début confortable; l'attention des travailleurs fut vivement éveillée; on comprit bien vite quel nouveau stimulant venait s'offrir aux études historiques et statistiques de notre département. Par malheur, l'action du comité de publication, nous allions dire de censure, vint se heurter contre certaines susceptibilités locales. Un travail sur le canton de Saint-Saaveur avait été offert à l'Annuaire par Robineau-Desvoidy; le comité demanda certaines modifications dans le fond et dans la forme de cet écrit d'une mordante originalité; on n'était pas encore habitué aux manières des libres-penseurs. Le fougueux athlète n'accepta pas de transaction; il retira son manuscrit et le publia quelque temps après, avec une préface toute palpitante de ses colères et de ses in

vectives.

Voici comment il raconte lui-même cet épisode dans la préface de son opuscule : « Dans le courant de l'année « 1836, on répandit avec profusion l'annonce d'un An<< nuaire statistique dans le département de l'Yonne. Il « me fut adressé un exemplaire que la source d'où il