Page images
PDF
EPUB

Mais de là à conclure à l'existence d'un in pace il y a, ce semble, une distance assez grande. A défaut d'autres indices, n'est-il pas plus naturel de voir dans cette cavité ou un ancien ossuaire, soit vidé, soit au contraire à peine commencé, ou une simple cave servant à un usage quelconque (1), dans laquelle quelques ossements ont été jetés? Quelques personnes inclinent à penser que ces prétendues oubliettes n'ont jamais été qu'un receptacle de latrines. Dans cette hypothèse on ne s'expliquerait pas qu'on n'eût aperçu aucun reste de matière fécale. Le mieux est de n'assigner avec précision à cette cavité aucune affectation spéciale. Savoir ignorer est, en cette circonstance, comme en beaucoup d'autres, une marque de prudence. Tout ce qu'on peut dire avec vraisemblance, c'est que ni la disposition des lieux, ni la destination de l'établissement ne permettent d'admettre l'existence d'oubliettes ou d'in pace.

En ce qui concerne les ossements du grand caveau, on a parlé de massacres. Mais à quelle époque ces massacres auraient-ils eu lieu? D'après le témoignage de l'histoire locale, Tonnerre a échappé à toutes les rigueurs des guerres religieuses. A l'époque de ces guerres, d'ailleurs, le couvent des Ursulines n'existait pas. Quelle aurait donc pu être l'occasion de massacres?

Ensevelissements en masse par suite d'épidémies. La vérité est qu'en 1632, 1633 et 1634, Tonnerre fut dévasté par la peste. D'autre part, les squelettes dépourvus de cercueils et enveloppés seulement d'un enduit de chaux, pourraient faire conjecturer à la fois des moyens préservatifs et des sépultures hâtives. La difficulté est toutefois de prouver que le fléau ait pu faire autant de victimes dans une communauté qui ne comptait alors que dix ou douze membres. Y ajouta-t-on les quelques servantes que les religieuses pouvaient employer, qu'on n'arriverait pas à un chiffre bien élevé. Reconnaissons

(1) Dans nombre d'anciens édifices on a rencontré des caves plus ou moins profondes, ouvertes seulemeut par un trou dans la voûte, qui étaient de véritables silos propres à renfermer des grains, des racines, des provisions de toute sorte. Voir Dictionnaire d'architecture de Viollet-Le-Duc, article: « Cul-de-bassefosse. »

cependant qu'il serait téméraire de se prononeer d'une façon absolue. A mesure que les religieuses succombaient, d'autres pouvaient venir prendre leur place et disparaître à leur tour. En somme, pour porter un jugement. il faudrait que la question fût plus éclairée qu'elle ne l'est. Il faudrait surtout que le nombre des cadavres enduits de chaux eût été bien constaté. Malheureusement on n'a pas à ce sujet d'éléments d'information suffisants. Mais si l'on doit se montrer réservé sur le point qui précède, on peut être plus hardi relativement aux suppositions de supplices et de crucifiements. Pour ce qui est des crucifiements, il faut remarquer d'abord, d'une façon générale, que ce mode de tortures avait disparu de notre pays bien longtemps avant les xvII et xvi siècles. Depuis Louis-le-Gros qui fit crucifier Berthold (1127), pour avoir assassiné Charles-le-Bon, le supplice de la croix ne fut plus infligé, et dans des cas exceptionnels, qu'à quelques hérétiques. Comment donc admettre, à moins de preuves décisives, que, plusieur siècles plus tard, dans un couvent d'Ursulines, un tel genre de supplice ait été renouvelé? Ces clous mêlés aux ossements du grand caveau, n'étaient, ne l'oublions pas qu'adhé rents aux os. Tout dénote qu'ils n'y avaient pas été implantés. Reste donc à se rendre compte du seul fait de l'adhérence. Or, l'explication paraît être des plus simples. Ce n'est, on s'en souvient, qu'à des ossements renfermés dans des cercueils que des clous (exactement semblables à ceux qui fermaient ces cercueils), ont été trouvés. En de telles conditions, comment les choses ont-elles pu se passer? Un cercueil, par la position qu'il occupe en terre, subit nécessairement une triple pression du sol qui l'entoure ; une première d'en haut, sur le couvercle, les deux autres sur les côtés. Etant donné qu'avec le temps, le bois du cercueil vienne à s'altérer, les trois parties qui subissent une poussée du sol s'affaisseront nécessairement sur la partie médiane du corps et y déposeront, en se détachant de plusieurs d'entre eux, les clous qu'elles contenaient. De ces clous devenus libres, quelques-uns s'attacheront à certains ossements et finiront, à la longue, par faire corps avec eux. L'adhésion qui se produit ainsi est donc toute naturelle. Et puisque c'est

celle que l'on a constatée, pas n'est besoin de recourir à des conceptions d'ordre tragique.

De même, la rencontre d'épingles adhérentes aux crânes, et même fichées dans les tempes, trouve sa raison d'être dans une coutume qu'on ne saurait contester. Chacun sait que l'usage était dans les communautés d'ensevelir les religieux et les religieuses dans leur costume complet (1). Il fallait donc pour ce qui est de ces devoirs, employer des épingles pour retenir les voiles ou les étoffes qui formaient les coiffes. Quoi d'étonnant dès lors que par l'effet du hasard, par l'inadvertance ou la brusquerie d'une ensevelisseuse, des épingles aient été enfoncées dans les tempes? En cet endroit, aussi bien, les os ont peu d'épaisseur: même chez les adultes; la cloison temporale se trouve en quelque sorte à l'état spongieux. En faut-il davantage pour expliquer l'introduction d'épingles, fait, ne le perdons pas de vue, qui n'a été observé que sur deux seuls crânes.

En résumé, de ces dernières constatations, il n'apparaît pas qu'aucune induction extraordinaire puisse être tirée. Le seul point qui puisse embarrasser est la juxtaposition d'ossements mêlés, de squelettes entiers et de cercueils contigus. Mais ce point même finit par s'éclairer quand on l'envisage sans esprit d'exclusion. Pourquoi ne point admettre, par exemple, que ce caveau, tel qu'il se présente aujourd'hui, fut à la fois un ossuaire et un lieu de sépulture? Soit qu'on y ait transféré des ossements provenant d'un cimetière qui a pu exister dans l'enceinte de la communauté, avant qu'elle n'ait acquis le terrain où fut construit plus tard le caveau sépulcral, soit que dans

(1)« Nous avons vu, dit Châteaubriand, une jeune religieuse couchée dans sa bière. Son front se confondait par sa pâleur avec le bandeau de lin dont elle était à demi-couverte, une couronne de roses blanches était sur sa tète, et un flambeau brûlait entre ses mains. » (Génie du Christianisme.)

« Nous arrivâmes à Fontewault, dit D. Martene, comme on était occupé à faire les obsèques d'un jeune religieux mort ce jour-là. Il était revêtu de ses habits monastiques, tenant en sa main une bougie, avec sa règle qui était comme la sentence de son bonheur éternel, s'il l'avait bien gardée, ou de sa damnation s'il l'avait mal observée. » (Voyagé littéraire de deux religieux bénédictins, 1717.)

ce caveau même des exhumations aient été opérées par suite d'encombrement et pour donner place à de nouvelles inhumations, l'amoncellement d'ossements dans certains endroits se trouverait expliqué, D'autre part, la présence de squelettes sans cercueils et recouverts seulement de chaux dépouillerait aussi tout mystère si l'on admettait ou les mesures de précipitation et de salubrité nécessitées par un fléau, où une sorte de hiérarchie jusque dans la mort, résultant de la qualité (sœurs converses, novices, servantes) des membres de la communauté. En tout cas, on ne voit pas qu'aucune conjecture sinistre puisse résister à un examen impartial et sérieux des faits qui se sont manifestés. Le passé peut se présenter avec un voile, mais rien n'autorise à l'incriminer.

C. MOISET.

1884

XXII

TRAITÉ

POUR LES

GAGES DU MAITRE D'ÉCOLE DE PACY-SUR-ARMANÇON

Ce jourd'hui 28 mars mil sept cent soixante-dix-neuf, issue des vêpres paroissiales de Notre-Dame de Pacy, après le son de la cloche, à la place publique à tenir les assemblées du dit lieu, par devant nous Edme Jullien, seul sindic en exercice de la paroisse du dit lieu, ayant fait précédemment avertir qu'assemblée se tiendroit cejourd'huy à l'occasion d'un acte de recontinuation au recteur d'écolle nommé Pierre-Antoine Monchovau qui en remplit les fonctions actuellement, aux clauses et conditions cy-après expliquées, le tout sous le bon vouloir et plaisir de Monseigneur l'intendant de la Généralité de Paris, et du sieur de Jussy, curé actuel de la dite paroisse, à la charge d'assister le sieur curé lorsqu'il portera les sacrements aux malades, aux messes, vêpres, matines, processions et autres offices qui se célèbrent les jours de dimanches et fêtes de toute l'année, de même qu'aux offices de fondations qui sont à la charge de la fabrique du dit lieu, et auquel il sera payé par le fabricien en exercice la somme de dix livres et quarante solz par le fabricien du Saint-Rosaire, au premier novembre de chaque année.

Sera en outre payé pour chaque mariage, messe du jour et du lendemain et vêpres, vingt solz;

Pour un enterrement d'un grand corps avec vêpres, quinze sols;

« PreviousContinue »