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des officiers de l'abbaye appelé seneur, et était en outre sous-principal du Collége; et, rapprochement singulier, ils étaient tous deux du département de l'Ain : Jean-Baptiste était d'Hauterive, district de Saint-Lambert, et Charles-Marie, d'Ambourneuf.

Après la suppression des couvents, chacun des deux personnages suivit une voie différente. Jean-Baptiste Laporte fut élu curé constitutionnel de Toucy, le 15 mai 1791. Il remplit ces fonctions jusqu'au mois de novembre 1792, où il fut élu président de l'administration du département, sans cesser de conserver son titre de curé. Le 9 floréal an II, « à trois heures du matin, »> il contractal mariage devant l'officier de l'état civil de Toucy, avec la citoyenne Gerbaud, marchande du même lieu (1). Le 10 pluviôse an III, il déclare devant l'officier de l'étatcivil de la même ville la naissance d'un fils et prend le titre de ci-devant prêtre. Vingt ans après, cet enfant, devenu un homme, vint à Toucy voir son parrain. Il habitait alors Strasbourg et paraissait dans une situation aisée. Jean-Baptiste Laporte, qui avait été après la Révolution professeur de législation à l'école centrale de l'Yonne (an IV), fut ensuite administrateur de la même école en l'an X. Depuis ce temps on n'entend plus parler de lui.

Maintenant revenons- en à Charles-Marie Laporte. Ce religieux prêta serment à la constitution civile du clergé avec Dom Rosman, principal du Collège et les autres professeurs. Il continua ses fonctions de sous-principal de cet établissement jusqu'à la fin de 1792 (archives de l'Yonne, fonds Saint-Germain, domaines nationaux). En 1793, menacé d'arrestation, il s'enfuit et se cacha à Moutiers, ancienne terre de l'abbaye de Saint-Germain, où il fut accueilli par des amis empressés. Après la Terreur, il se réunit à Dom Rosman, qui avait ouvert un petit pensionnat à Augy. En 1805, il fut mandé à la Préfecture, où il trouva le maréchal Davout, qui était venu présider le collége électoral, et qui, après l'avoir embrassé avec effusion, le présenta au Préfet, en disant: « Vous << cherchez un principal pour le Collége que vous allez

(1) Registre de l'état-civil.

<< fonder, le voilà, le plus digne et le meilleur que vous << puissiez trouver (1). »

Dom Laporte fut placé alors à la tête du Collége, qu'il dirigea à la grande satisfaction des Auxerrois, presque jusqu'à sa mort, en 1829.

Je crois que ces quelques mots ne laisseront plus, à l'avenir, de confusion entre deux hommes qui, partis du même point, ont suivi, comme on vient de le voir, une voie bien différente, et que les anciens élèves du vénérable principal du Collège d'Auxerre y trouveront les éclaircissements nécessaires qu'ils demandaient.

Recevez, Monsieur, etc.

Max. QUANTIN.

(1) V. au Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne de 1881, p. 19 et suiv., de curieux détails sur Dom Laporte, à cette époque, par M. Challe.

DÉCOUVERTE D'OSSEMENTS HUMAINS

DANS LES DÉPendances du collége de toNNERRE.

Au mois d'octobre dernier, en ouvrant, au Collège de Tonnerre, un caveau muré situé sous la salle de spectacle, un terrassier a rencontré des ossements humains épars, des squelettes entiers enveloppés d'un enduit de chaux, et d'autres squelettes contenus dans des cercueils en bois aux trois quarts pourris. Ces diverses dépouilles se présentaient sans ordre, presque pêle-mêle, des amas d'ossements touchant à des squelettes intacts ou à des cercueils. Toutes, à l'exception d'un crâne dont le sexe a paru douteux, ont été reconnues être des dépouilles de femmes.

Le caveau dans lequel elles se trouvaient mesure huit mètres de profondeur sur quatre de largeur: l'épaisseur du sol d'où elles ont été extraites était d'un mètre environ. Au dedans des enduits de chaux qui entouraient les squelettes sans cercueil on a constaté des empreintes de vêtements; plusieurs crânes étaient encore recouverts de cheveux. A quelques-uns de ces crânes adhéraient des épingles sans tête, de trois centimètres de longueur, attachant des étoffes qui avaient formé coiffe. L'une des têtes avait une épingle fichée dans les deux tempes; une autre n'était trouée d'épingle que d'un seul côté. Dans un tibia, aussi, on a remarqué un clou à tête plate, de six centimètres de longueur (de tout point semblable à ceux plantés dans les cercueils) qu'on eut dit avoir été enfoncé :

toutefois l'os n'existait plus en entier; un éclat avait eu lieu à la partie externe, dans l'endroit où le clou se rencontrait. Aux deux pieds d'un squelette, enfin, étaient fichés des clous (un à chaque pied), de même forme et de même dimension que tous les autres; mais, d'après les explications du manoeuvre qui mit à découvert ce squelette, les clous n'étaient que dressés entre les phalanges des doigts, et non pas implantés dans les os.

Indépendamment de ces résultats, des fouilles pratiquées dans le caveau, dans le sous-sol d'un petit vestibule (jusqu'à ces derniers temps muré), adjacent à l'entrée du caveau, on a rencontré quelques ossements, qui ne présentaient d'ailleurs aucun caractère spécial. Aux extrémités du vestibule apparaît, au plafond et au plancher, la trace de quatre trous fermés (d'un mètre de diamètre environ), communiquant verticalement de deux en deux l'un avec l'autre.

L'emplacement dans lequel tous ces ossements ont été rencontrés faisait partie jusqu'en 1792 d'un couvent d'Ursulines fondé en 1627. A cette époque, dix ou douze religieuses appartenant à la communauté de Châtillonsur-Seine, étaient venues s'installer dans de petits bâtiments situés au nord-est de la ruelle des Guérites, et achetés pour elles par les habitants de la ville (1). Conformément aux statuts de leur ordre, ces religieuses devaient se livrer à l'instruction des jeunes filles. Peu à peu, elles agrandirent leur établissement en achetant d'abord quelques locaux avoisinants, puis des mâsures et de petits jardins sur le bord du biez de l'Armançon (emplacement actuel de la Sous-Préfecture). En 1690. au moyen d'acquisitions nouvelles, elles régularisèrent l'emplacement carré qui comprend l'îlot entre: 1° la rue de Flandres (anciennement rue des Fossés, et depuis rue des Ursulines, rue de la Comédie, rue de l'Hôtel-de-Ville); 2o la ruelle des Guérites; 3° la rue des Guérites, depuis rue du Collége; 4o la rue des Juifs, devenue plus tard rue Saint-Paul et rue du Grenier à Sel. Dans la première partie du xvme siècle fut établie une chapelle nouvelle

(1) Acté d'assemblée des habitants de Tonnerre, du 19 décembre 1626.

qui est remplacée aujourd'hui par la salle de spectacle. C'est, on l'a dit, dans cette construction que se trouve le caveau où les ossements ont été découverts.

De l'ensemble de tous ces faits quelles conséquences doit-on tirer relativement à l'origine de cet amas de dépouilles? Y verra-t-on simplement le résultat de sépultures opérées de façons diverses, mais néanmoins dans des conditions normales? Se livrera-t-on à des suppositions empreintes d'un caractère plus ou moins dramatique?

Cette dernière interprétation est celle qui, au début du moins, paraît avoir été adoptée par un certain nombre de personnes. L'enduit de chaux entourant des squelettes sans cercueils a éveillé des idées d'épidémie, voire même de massacre. Les épingles et les clous ont fait naître des soupçons de supplices et de crucifiements. Il n'est pas jusqu'à la poignée d'ossements trouvés dans la petite cavité qui n'aient porté à parler d'oubliettes ou de vade in pace. Avant d'aller plus loin, examinons successivement chacune de ces diverses hypothèses.

Oubliettes, vade in pace, voilà de bien gros mots..., singulièrement allégés, à vrai dire, par l'abus qui en a été fait si souvent. Parmi les ciceroni qui font visiter les monuments du moyen-âge, combien peu qui, soit par crédulité, soit pour frapper l'imagination du touriste, ne signalent de ces fosses sinistres! Le plus souvent cependant ces prétendus lieux de mort ne sont que des débarras de cuisine ou de simples latrines. Viollet-le-Duc, qui a exploré avec une compétence exceptionnelle, la plupart de nos anciens édifices, déclare n'avoir rencontré de véritables oubliettes qu'au château de Pierrefonds. L'exigu sous-sol du collège de Tonnerre (car c'est là qu'aurait existé l'in pace), ferait-il, sous ce rapport, pendant au puissant manoir du xve siècle? De bon compte, la vraisemblance n'y est guère. Ce n'est que dans des domaines où s'exerçait le droit de justice que des oubliettes ont été jusqu'ici signalées. Or, quel privilége de la sorte pouvaient avoir des religieuses venues au XVIIe siècle pour s'occuper de l'éducation des jeunes filles? Que la présence d'ossements dans la petite cavité dépendante de leur ancienne demeure s'explique malaisément, à la bonne heure!

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