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MUSÉES CANTONAUX

Nous croyons intéressant de reproduire l'article suivant, publié par M. Paul Bert, l'éminent député de l'Yonne, dans un journal de Paris (1), sur les musées cantonaux et le projet de création d'un musée type au Trocadéro. Ce projet est dû à M. Groult, un des plus ardents promoteurs de la création de musées cantonaux :

Le musée cantonal a pour but de rassembler les productions naturelles de la région, celles qui sont dues aux industries locales et les témoins des faits historiques. Une mise en ordre intelligente, des explications écrites, donnent de l'intérêt aux objets que viennent examiner fructueusement et les habitants du pays et les étrangers.

Un simple coup d'œil jeté sur la modeste salle où il est installé dans les conditions les moins coûteuses, suffit pour renseigner les visiteurs sur les ressources de la contrée. Un examen un peu plus approfondi lui montre les détails des fabrications, la statistique des produits agricoles, les animaux et les végétaux les plus importants, les produits qu'on en tire, les ravages exercés par certains animaux, les fossiles principaux, les échantillons de terrains, les médailles, les débris archéologiques, les portraits des célébrités locales, les photographies des monuments, les anciens costumes, les ustensiles dont l'usage s'est perdu. Qui saura dans trente ans ce qu'était

(1) Extrait du Voltaire du 13 décembre 1883.

le briquet à amadou et les allumettes de chènevottes ? J'ai vu, l'année dernière, des enfants m'apporter en grand embarras un instrument dont ils ne pouvaient s'expliquer l'usage: c'était une paire de mouchettes ! Combien d'ustensiles auront avant peu disparu, dont la place est marquée au musée cantonal!

On comprend que l'organisation de ces musées doit être extrêmement variable.

On devra se conformer aux besoins locaux, et il convient que le développement de chacun d'eux soit en rapport avec le caractère de la contrée où on l'installe.

Cependant, malgré la grande diversité des éléments de chaque musée, ils ont en commun quelques traits généraux.

Ainsi M. Groult conseille de les diviser d'ordinaire en cinq sections section agricole, section industrielle et commerciale, section scientifique, section historique, section artistique.

Une partie de ces collections forme une exposition permanente, l'autre une exposition périodique. A la première catégorie se rattachent surtout les collections de zoologie, de botanique, de géologie, d'archéologie, d'histoire, etc., dont l'intérêt local est permanent.

Dans la deuxième, on admet des objets qu'il serait difficile de conserver longtemps; ce renouvellement d'objets entretient dans la population un intérêt constant pour le musée, et y attire des visiteurs.

Les objets exposés sont accompagnés d'étiquettes et de notices explicatives, suffisamment élémentaires et détaillées pour que les personnes les moins instruites puissent tirer profit de leur lecture.

Le musé-type que M. Groult propose d'installer au Trocadéro est naturellement plus étendu et plus compliqué que les modestes musées établis jusqu'ici dans nos petits chefs-lieux de canton.

Il comprend sept sections.

Dans la section agricole nous trouvons comme tête de chapitre les constructions, les machines, instruments et outils; les animaux domestiques, les arbres fruitiers, plantes fourragères, graines et racines; les engrais et

amendements; les drainages et irrigations; la sylviculture, l'agriculture, la pisciculture, les cartes et les statistiques.

Dans la section industrielle et commerciale : les industries parisiennes, les industries coloniales, etc. Dans la section maritime les engins de pêche, les modèles de barques, les bouées, sémaphores, feux flottants, etc. Dans la section d'hygiène, les vêtements, la nourriture, le mobilier, etc. Dans la section scientifique, les collections géologiques, botaniques, zoologiques, réduites au nécessaire, l'archéologie locale, les objets pré-historiques, la numismatique, les outils et ustensiles anciens. Viennent enfin les sections artistique et 'pédagogique.

Tout ceci semble bien ambitieux et peu réalisable. Mais l'expérience a montré que l'exécution - je ne parle pas de Paris, où tout est facile, est beaucoup plus simple qu'on ne paraît le croire. De fait, un grand nombre de musées cantonaux sont déjà installés.

Et ils l'ont été à peu de frais, par l'action de l'initiative privée locale. Médecins, pharmaciens, industriels, instituteurs se sont réunis sous l'impulsion de M. Groult; ils ont fondé de petites sociétés, ils ont sollicité et obtenu de personnes riches quelques ressources matérielles. Les enfants des écoles se sont mis avec l'ardeur de leur âge à la recherche des minéraux, des fossiles, à la poursuite des insectes, etc.; les industriels ont donné leurs produits et des spécimens de leur outillage; les paysans eux-mêmes ont apporté qui une médaille, qui une poterie, qui un vieux costume pour orner le musée. L'inscription du nom du donateur, en grosses lettres sur l'étiquette, joue ici un grand rôle.

Dans plusieurs endroits, des explications orales, sortes de petites conférences, sont données aux visiteurs par les membres de la Société. Partout où existent les musées, ils sont assidûment visités par les élèves des écoles primaires et de la commune chef-lieu et des communes voisines. Ils sont ainsi l'occasion et le but de quelquesunes de ces promenades scolaires qu'il serait si désirable de voir se multiplier.

Le premier des musées cantonaux date de 1876. Depuis

ce temps, les progrès de l'institution ont été tels que M. Groult peut, chaque année, publier un intéressant annuaire des musées cantonaux et des autres institutions cantonales patriotiques d'initiative privée avec cette devise bien justifiée :

« A vaillans cuers, rien impossible. »

PAUL BERT.

NOTE SUR LES DEUX DOM LAPORTE

RELIGIEUX DE SAINT-GERMAIN D'AUXERRE.

A MONSIEUR L'ÉDITEUR DE L'Annuaire.

Il a été publié dans l'Annuaire de 1883, p. 79 et suivantes, 3o partie, des Fragments du journal d'un Auxerrois pendant la Révolution. L'auteur, en parlant d'un des personnages du pays qui a joué un rôle dans les événements du temps, rôle que nous n'avons pas à apprécier ici, a laissé de l'obscurité sur son identité. Il s'agit de Dom Laporte, religieux de Saint-Germain, élu curé de Toucy en 1794, et qui a renoncé à la prêtrise en 1794 << pour célébrer la fête de la Raison. »>

Quelques personnes honorables, et notamment M. A. Challe, le regretté président de la Société des Sciences, se sont émues de ce récit, parce qu'on a cru qu'il s'appliquait au vénérable Dom Laporte, qui a été longtemps principal du Collège d'Auxerre, et qui a élevé toute la génération des enfants de ladite ville du premier quart de ce siècle.

Or, l'attribution ne serait pas exacte, et je vous demande la permission de le démontrer.

Il y avait, en 1789, dans l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre, deux religieux du nom de LAPORTE: l'un avait pour prénom Jean-Baptiste, et l'autre Charles-Marie. L'un était professeur de seconde au Collège et l'autre était un

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