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<< Dans ces conditions, j'ose espérer qu'il ne pourra plus être adressé à l'Annuaire de reproche sérieux et que le Conseil voudra bien maintenir à cette publication la subvention due à un ouvrage d'une utilité incontestable. >>

Les conclusions de la commission furent conformes à celles de ce rapport et la subvention fut maintenue.

Le secours fut accordé sans contestation pendant les six années suivantes. En 1882, M. Bonnerot crut devoir en demander la suppression, s'appuyant sur les vœux précédents de l'un de ses collègues; il n'eut pas encore de succès. M. Mathé profita de la circonstance pour réclamer contre les subventions accordées aux Sociétés scientifiques de Sens et d'Avallon; elles furent supprimées.

C'était l'avant-coureur de la mesure générale qui devait être prise l'année suivante à l'endroit des travailleurs qui s'occupent d'histoire, de sciences et de statistiques départementales; par trois votes successifs, mais à une majorité très minime, les subventions accordées à l'Annuaire, à la Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne et à la Société médicale furent supprimées.

Nous ne venons pas récriminer contre cette décision; le public compétent l'a jugée. Nous en avons été personnellement contristé; il nous semblait qu'elle pouvait être interprétée, par les esprits chagrins, comme un abaissement moral et intellectuel de l'époque; mais en examinant de plus près la mesure, nous avons compris qu'il n'y avait là qu'un accident que l'on pouvait attribuer au jeu de certaines petites passions toutes locales.

Quoiqu'il en soit, le sort de l'Annuaire semblait très compromis aux yeux de ses collaborateurs et de ses amis; on savait que même avec la subvention départementale, l'éditeur ne faisait pas toujours ses frais. Oserait-il continuer une publication qui venait de perdre l'appui du Conseil général, son créateur, et qui, livrée à ses propres forces, pouvait lui occasionner des ennuis et des dommages matériels sérieux?

Ces doutes ne subsistèrent pas longtemps. A la date du 2 octobre, nous recevions la circulaire suivante :

Monsieur et cher correspondant,

Le Conseil général, dans sa dernière session, a supprimé l'allocation que le département accordait annuellement à l'Annuaire historique du département de l'Yonne.

Néanmoins l'Annuaire continuera sa publication, comme par le passé. D'après tous les témoignages que j'ai recueillis, la disparition de ce recueil, qui compte déjà 46 années d'existence, causerait une lacune tout au détriment de nos études départementales.

En conséquence, en vous remerciant de l'appui que vous avez prêté jusqu'ici à cette publication, je viens faire un nouvel appel à votre bienveillant concours et à votre active collaboration.

G. ROUILLÉ,

Editeur de l'Annuaire de l'Yonne.

Nous n'attendions pas moins de l'éditeur de l'Annuaire qui, s'inspirant des traditions de famille, n'a pas reculé devant de nouveaux sacrifices, pour poursuivre l'œuvre si bien inaugurée par son aïeul, M. Perriquet, de sympathique mémoire.

L'Annuaire historique et statistique de l'Yonne continuera donc de paraître. Dans quelles conditions? nous demandera-t-on. La réponse n'appartient qu'à l'éditeur lui-même, et nous n'avons nullement l'intention de nous substituer à lui, dans la circonstance. Nous nous bornerons à émettre nos idées et nos vœux à ce sujet et nous en réclamons toute la responsabilité.

Nous croyons qu'à l'avenir, l'Annuaire, sans changer de programme, quant à la forme ni quant au fond, aura de nouveaux droits à revendiquer et de nouveaux devoirs à remplir. Il ne sera pas une publication semi-officielle, subissant le contrôle d'un comité de surveillance et obligé de se conformer à l'espèce de contrat passé jadis entre lui et l'administration préfectorale. La convention a été annulée par l'une des parties contractantes; les conditions d'existence ne sont plus les mêmes; l'Annuaire entre dans une phase d'autonomie et d'indépendance qui lui était encore inconnue.

Les deux premières parties de ce recueil qui concernent la chronologie astronomique, les documents sur

l'administration générale et départementale et sur les établissements publics ne peuvent subir aucune modification, si ce n'est de suivre annuellement les mutations qui s'y sont effectuées.

C'est dans la troisième partie, intitulée Statistique, sciences et arts, que se concentreront tous les nouveaux efforts des travailleurs. La statistique est un labeur de tous les jours; elle a sa raison d'être sans cesse et partout. On lui a fait subir beaucoup de reproches, beaucoup de critiques; elle se mettra nécessairement a l'abri de toute revendication, quand elle sera intelligente et sincère.

L'histoire proprement dite est une mine où l'on a profondément fouillé dans ce département, mais qui est loin d'être épuisée. L'Annuaire a surtout brillé par les documents historiques dont il a été comblé. Il sera loisible de les revoir, de les coordonner, de les augmenter encore et de les faire servir à une légende complète de notre beau département.

Dans les sciences et dans les arts, la carrière est plus vaste encore; elle n'a pas de limites possibles. Les recherches sur les sciences naturelles, sur l'agriculture et sur l'industrie auront toujours une place marquée dans l'Annuaire; elles démontreront qu'il est de notre devoir et de notre intérêt de ne pas rester étrangers au grand mouvement des forces humaines, et que l'on est encore utile, même en spécialisant ses études sur des matières purement départementales. Oui, l'expérience l'a surabondamment prouvé, c'est en appliquant les données générales de la science au pays que nous habitons, c'est en tirant des statistiques locales de toute nature, des inductions profitables à l'économie sociale, c'est en comparant les influences des milieux sur la vie, la santé et le bien-être de tous, que l'on rend de véritables services à la cause de l'humanité. Rien n'est indifférent dans les études bien dirigées et l'ouvrier le plus infime, qu'il soit agriculteur, géologue, naturaliste, médecin, industriel ou artiste pur, a sa valeur relative, et la pierre qu'il apporte modestement trouve toujours sa place dans le grand édifice de l'avenir. Telle est l'œuvre que s'efforcent de poursuivre parallèlement l'Annuaire et les Sociétés scientifiques de l'Yonne.

Nous ne parlerons pas de la polémique administrative, qui aura le droit d'intervenir dans l'Annuaire émancipé et qui prouvera que, lui aussi, il peut avoir une opinion sur les hommes et sur les choses de ce département. Ainsi, au lieu de reproduire purement et simplement les procèsverbaux analytiques des séances du Conseil général, ne pourra-t-il pas les commenter à sa manière et formuler, en toute conscience, l'éloge ou le blâme que ce corps délibérant peut avoir mérité?

Nous nous arrêterons ici; nous en avons assez dit pour bien faire comprendre notre pensée. Nous demandons grâce pour ce travail peu séduisant en lui-même, mais que nécessitait la transition intervenue. On nous permettra, en terminant, d'exprimer encore une fois le regret que les encouragements accordés depuis tant d'années à Annuaire, à la Société des sciences historiques et naturelles et à la Société médicale aient été supprimés, dans une même séance, par le Conseil général. Cette marque d'intérêt et de reconnaissance faisait honneur en même temps à la haute intelligence du Conseil et aux travailleurs volontaires de ces associations. Quant à nous, qui avons participé dans des proportions très modestes aux travaux de ces trois fondations libérales, nous avons la ferme confiance que nul d'entre leurs collaborateurs n'en sera découragé et qu'elles continueront à vivre, sans même s'apercevoir de la petite blessure que l'on a cru leur infliger.

EMILE DUCHÉ,

Membre du Conseil général de l'Yonne.

UN MARDI-GRAS A AUXERRE

EN 1775.

Le carnaval, depuis longtemps déjà, ne vit plus chez nous qu'à l'état de souvenir. Mardi-Gras a été enterré définitivement à Auxerre, il y a nombre d'années, et ce ne sont plus guère que les anciens, qui se souviennent avoir vu le dernier éclat des mascarades autrefois brillantes et courues, organisées dans notre ville.

C'était une grave question que celle du Mardi-Gras, et nos aïeux se seraient fait un cas de conscience de ne point célébrer ce jour comme il convenait.

Cependant, s'il faut en croire le récit que nous donnons plus loin, Mardi-Gras eut aussi quelques éclipses autrefois, et les objurgations du «Maire du Mardi-Gras, » en 1775, à «< cette jeunesse oisive qui depuis longtemps avait laissé croupir cet amusement, » prouverait qu'à cette époque il y avait eu interruption déjà dans les réjouissances du carnaval.

Ces scènes représentaient le plus souvent une allégorie, ou reproduisaient un évènement récent. C'est probablement ainsi, qu'en souvenir des évènements de 1774, à la suite desquels la Turquie avait dû céder devant les forces de la Russie, les Auxerrois avaient imaginé, l'année suivante, au carnaval de 1775, de représenter l'entrée d'un ambassadeur Turc. Cette partie avait eu sans doute un éclat inaccoutumé, si nous en croyons le récit publié dans le numéro de février 4775 des Affi

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