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couvert de gloire les généraux français, que Louis XIV et son ministre Louvois envoyèrent à l'armée l'ordre de réduire le Palatinat en cendres.

Pendant que le Palatinat brûlait, le marquis de Guerchy était en garnison à Mayence, sous les ordres du marquis d'Uxelles, depuis maréchal de France. La place, qui était très mal fortifiée, fut investie, au commencement de juin 1689, par une armée d'Impériaux, commandée par le prince Charles de Lorraine. Le marquis d'Uxelles était un officier plein de courage, d'habileté et de prévoyance. Ses dispositions de défense furent si bien conçues que sa faible garnison fit échec pendant sept semaines à toute l'armée du prince Charles. Ses mesures furent si bien entendues et si habllement exécutées que ses troupes, quoique astreintes à un service continue et excessif, conservèrent une vigueur et une ardeur qui ne se démentirent point jusqu'à la fin du siége. La garnison exécuta vingt-et-une sorties, toutes très meurtrières pour les ennemis, et dont une seule leur coûta neuf cents hommes. Le brave commandant fit quelquefois deux sorties en plein jour, et tua aux ennemis plus de cinq mille hommes. Le marquis de Guerchy se signala dans les sorties du 16 et du 19 août, dans lesquelles le régiment Dauphin fit des efforts incroyables pour vaincre; ces sorties, également glorieuses et meurtrières, coûtèrent à ce régiment treize officiers et trois cents soldats tués ou blessés. Le marquis de Guerchy fut blessé dans cette dernière sortie, à la tête d'une compagnie du régiment Dauphin. Le gouverneur de Mayence eût sans doute résisté à toutes les attaques des assiégeants, si l'imprévoyance du ministère ne l'avait laissé manquer de poudre. Les munitions étant épuisées, la capitulation allait bientôt s'imposer à l'héroïque garnison; afin d'obtenir des conditions honorables, le marquis d'Uxelles résolut de laisser les Impériaux s'établir graduellement sur les deux angles du chemin couvert, tactique qui lui permettait de résister encore longtemps et de déguiser le dénuement dans lequel il se trouvait. Le stratagème réussit et lorsque le gouverneur demanda, après sept semaines de siége, à capituler, le prince Charles s'empressa de souscrire à toutes les conditions

qu'il lui plut de fixer. La défense de Mayence fut regardée comme un modèle de défense de places, et c'est avec justice que Louis XIV adressa au brave commandant ces paroles « Marquis, vous avez défendu la place en homme de cœur, et vous avez capitulé en homme d'esprit. »

Après la capitulation de Mayence, le marquis de Guerchy servit sous le maréchal de Lorges, qui dirigea les opérations de l'armée française en Allemagne pendant l'année 4690. L'année suivante, il fit, sous les ordres du maréchal de Luxembourg, la campagne de Flandre. Il assista au siége de Mons (avril 4694). L'armée française était forte de quatre-vingt mille hommes.

Guerchy se distingua le 2 avril à l'attaque de l'ouvrage à cornes que les soldats du régiment Dauphin emportérent, quoique les assiégés les attendissent sur la brèche avec des fourches et des faulx emmanchées à revers. C'est pour perpétuer le souvenir de cette brillante action que le roi Louis XV voulut que les sergents des grenadiers du Dauphin demeurassent armés, au lieu de fusils, des fourches dont ils s'étaient emparés. (Histoire de l'Infanterie, par le général Suzanne). La ville se rendit après neuf jours de tranchée ouverte, sans que l'armée ennemie, commandée par le prince Guillaume d'Orange, eût pu s'y opposer. Après la prise de la ville de Mons, Luxembourg, laissé à ses propres forces par le ministre Louvois, qui le détestait, dut se contenter de se tenir sur la défensive pendant toute la campagne, qui se termina par le combat de Leuze, où vingt-huit escadrons de la maison du roi et de la gendarmerie défirent soixantequinze escadrons de l'armée ennemie. Le régiment Dauphin assista l'arme au bras à ce combat, et vint passer ensuite l'hiver à Tournai. Louis XIV ayant résolu de s'emparer de Namur, la plus forte place des Pays-Bas, par sa situation au confluent de la Sambre et de la Meuse, Luxembourg fut chargé de protéger le siége et d'empêcher l'armée ennemie, qui était forte de quatre-vingt mille hommes, de passer la Méhaigne et de s'approcher de la ville investie.

Guerchy se signala à la prise du fort Guillaume, exécutée par le régiment Dauphin sous les yeux des généraux. L'attaque fut tellement irrésistible, qu'en un

instant les ennemis abandonnèrent le chemin couvert qui défendait cet ouvrage et sur lequel les soldats du Dauphin s'établirent aussitôt. La prise du chemin couvert était le but de l'attaque, les généraux n'en demandaient pas plus; mais un lieutenant ayant dit « Allons, mes enfants, faisons parler de nous, » vingt hommes s'élancent à sa suite et grimpent au bastion par les harpes de saillant. Suivis du régiment, ils arrivent sur la Berme et s'élancèrent sur la plongée, aux cris: Tue! tue! Les assiégés, surpris, mettent bas les armes, et l'ouvrage est conquis. Le 29 juin, le régiment fit un logement solide sur une redoute casematée entre les deux bastions de l'ouvrage à cornes et s'empara le même jour de la corne de droite. La ville capitula le lendemain, sous les drapeaux du Dauphin, Le siége avait duré vingt-deux jours. Le roi, dit le général Suzanne dans son Histoire de l'Infanterie française, fut si charmé de la conduite du régiment qu'il lui fit servir une collation dans l'abbaye de Salsines, dont les religieuses voulurent bien accorder un baiser, un seul, aux officiers.

Le roi étant retourné à Versailles, après la prise de Namur, le maréchal de Luxembourg se vit encore une fois réduit à ses propres forces pour tenir tête à l'armée ennemie, numériquement beaucoup plus forte.

Le marquis de Guerchy combattit vaillamment à la bataille de Steinkerque, gagnée le 3 août suivant par Luxembourg sur le prince Guillaume. Cette bataille fit le plus grand honneur aux troupes françaises et aux officiers qui les commandaient. L'armée française comptait seulement cinquante mille combattants, lorsque l'armée ennemie en comptait quatre-vingt mille. Le maréchal, trompé par un faux avis, était dans une complète sécurité, lorsque l'armée ennemie vint l'attaquer, le 3 août 1692, à la pointe du jour. Les soldats français étaient encore livrés au sommeil lorsqu'ils furent attaqués, et une brigade qui formait l'extrême-droite de l'armée était déjà mise en fuite avant que Luxembourg ait pu prendre aucune disposition. Sans un excès de diligence et de bravoure, tout était perdu; il fallait des prodiges pour n'être pas vaincu, et les Français en firent. Les officiers rallièrent les troupes, qui commençaient à se replier en désor

dre; le maréchal, quoique malade, fit face au danger et prit avec une vigueur et une activité extrêmes les mesures qui devaient sauver son armée et lui assurer la victoire.

En moins de deux heures, il changea de terrain pour occuper un champ de bataille qu'il n'avait point; rétablit son aile droite que l'attaque précipitée des ennemis avait mise en désordre, rallia trois fois ses troupes et chargea trois fois à la tête de la maison du roi. Philippe, duc de Chartres, qui fut depuis duc d'Orléans et régent du royaume pendant la minorité de Louis XV, colonel du régiment Dauphin, fut blessé deux fois à la tête de son régiment. Le succès de la bataille dépendant de la défaite d'un corps d'Anglais qui, placé dans une position avantageuse, exécutait un feu meurtrier et incessant sur nos troupes, le maréchal résolut de les déloger de ce poste.

La maison du roi, les régiments Dauphin, du Roi et de Champagne furent chargés de cette attaque dont les résultats devaient être décisifs. Les ducs de Bourbon, de Vendôme, de Chartres et le prince de Conti, comprenant la nécessité de donner un grand exemple, descendirent de cheval et, l'épée à la main, se mirent à la tête de la colonne. Le choc des Français fut impétueux et terrible; mais les Anglais se défendirent avec vaillance et ténacité. Le carnage fut grand des deux côtés; les régiments Dauphin et de Champagne étant parvenus, après des prodiges de valeur, à rompre et à mettre en fuite les gardes anglaises du prince Guillaume, les ennemis cèdèrent bientôt et opérèrent leur retraite. La vaillante infanterie écossaise de Guillaume fut presque anéantie dans cette sanglante action. Le duc de Boufflers, qui arrivait sur le champ de bataille avec un corps de vingt mille hommes, acheva la victoire. Les ennemis perdirent dix-huit mille hommes et quinze cents prisonniers dans cette bataille, qui coûta aux Français près de sept mille morts Le régiment Dauphin eut 30 officiers et 126 hommes tués, 41 officiers et 296 sergents et soldats blessés. Le lieutenantcolonel Poirier fut tué. Le marquis de Guerchy ne tarda pas à être récompensé de la valeur qu'il avait déployée à Steinkerque; il fut nommé, le 4 octobre 1692, colonel du régiment de Thiérache.

C'est en cette qualité qu'il fit la campagne d'Italie, en

4693. L'armée française était commandée par le maréchal Catinat. Celui-ci, après s'être emparé de la plupart des places du Piémont, avait vu diminuer son armée, tandis que le duc de Savoie, qui commandait l'armée ennemie, augmentait la sienne. Moins fort que l'ennemi qu'il avait tant de fois vaincu, Catinat dut se borner, pendant l'année 1692, à se tenir sur la défensive; mais ayant enfin reçu des renforts, il se prépara à prendre l'offensive.

Le marquis de Guerchy rejoignit Catinat à Fenestrelles. L'armée française couvrait la frontière, menacée par les ennemis. Le duc de Savoie, Victor-Amédée, assiégeait la ville de Pignerol, tandis qu'un corps d'Espagnols bloquait Casal. Le 27 septembre, Catinat s'avança, à travers des cols abruptes, à Bussolino, au dessous de Suze, entra le 29 à Avigliona, et descendit dans la plaine du Piémont à la tête de quarante mille hommes. Il se dirigea sur la ville de Turin, capitale des Etats du duc de Savoie. A cette nouvelle, celui-ci leva précipitamment le siége de Pignerol, pour se porter au secours de sa capitale. Mais il était trop tard; l'armée française lui barrait le passage.

Le 3 octobre 1693, les deux armées se trouvèrent en présence dans la plaine de la Marsaille (Marsoglio), entre les deux petites rivières de la Cisola et du Sangone. Le lendemain, 4 octobre, à neuf heures du matin, les Français engagèrent l'attaque. La gauche des ennemis. était commandée par le marquis de Legnonez, la droite par Victor-Amédée et le centre par le prince Eugène de Savoie, le futur vainqueur de Malplaquet. Catinat se mit à la tête de l'aile droite de l'armée française et confia la gauche au duc de Vendôme, lieutenantgénéral, et l'un des vainqueurs de Steinkerque. Catinat et Vendôme se précipitèrent en même temps sur la première ligne des ennemis; le marquis de Guerchỵ, à la tête du régiment de Thiérache, et toute l'infanterie française, se ruèrent sur les Piémontais, et, chargeant avec une impétuosité irrésistible à la baïonnette et sans tirer, ils culbutèrent à la fois escadrons et bataillons.

C'était la première fois qu'on voyait des régiments d'infanterie charger la cavalerie, dont elle s'était contentée

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