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focietatis gloriam; lorfque des imprimeurs huguenots eurent rafraîchi les premières pages d'une vieille édition du R. P. Bufembaum, que l'on fit paffer pour nouvelle, & qu'ils eurent ainfi jeté, fans le favoir, la première pierre qui a fervi à lapider la fociété de Jéfus; lorfque ces pères écrivaient en faveur de leur corps tant de petits livres qu'on ne lit plus; lorfque quelques prélats s'imaginant que la fociété de Jéfus était immortelle & invulnérable, lui firent leur cour très-mal adroitement par quelques écrits; lorfque le bourreau brûla, felon fon usage, une belle lettre du révérendiffime père en DIEU Jean-George le Franc, évêque du Puy en Vélai, il y eut alors une inondation de brochures, & autant d'injures de part & d'autre qu'il y avait de jéfuites en France................

La principale honnêteté fut entre les RR. PP. dominicains & les RR. PP. jefuites. Les jéfuites, dans un écrit intitulé: Lettre d'un homme du monde à un théologien, pag. 4, complimentèrent les jacobins fur leur frère Politien de Montepulciano, qui, dit-on, empoisonna avec une hoftie le méchant empereur Henri VII; fur le bienheureux Jacques Clément, ainfi nommé par la ligue; fur Edmond Bourgoin fon prieur; fur frères Pierre Argier & Ridicoufe, roués tous deux à Paris.

Les jacobins répondirent à ce compliment par une longue énumération des martyrs de la fociété; & cette lifte ne finiffait point. Les deux partis appelèrent à leur fecours St Thomas d'Aquin. Il s'agiffait de le bien entendre, & c'eft - là le grand effort de la théologie. Les uns & les autres convenaient des paroles. Ils avouaient que St Thomas a dit, liv. II, queft. 42,

art. 2, que ceux qui délivrent la multitude d'un méchant roi font très-louables.

Que le mauvais prince eft le feul féditieux.

Qu'il y a des cas où celui qui le tue mérite récompenfe.

Que felon le même St Thomas d'Aquin, liv. II, quest. 12, un prince qui a apoftafié n'a plus de droit fur fes fujets.

Que s'il eft excommunié, fes fujets font ipfo facto délivrés de leur ferment de fidélité, ejus fubditis & juramento fidelitatis ejus liberati funt.

Que comme il eft permis de réfifter aux larrons, il eft permis de résister aux mauvais princes: Ut ficut licet refiftere latronibus, ita licet in tali cafu refiftere malis principibus. Liv. II, queft. 69.

Tout cela fe trouve avec beaucoup d'autres chofes également édifiantes, dans l'Appel à la raison, imprimé en 1762 fous le titre de Bruxelles.

On prétend que chez les jacobins, quand il meurt un docteur en théologie, on met une bible de St Thomas dans fa bière. Des profanes ayant lu ces grandes queftions dans St Thomas d'Aquin, ont prétendu qu'il eût été à défirer pour la tranquillité publique, que toutes les fommes de ce bon-homme euffent été enterrées avec tous les jacobins. Mais ce fentiment me paraît un peu trop dur.

Après cette difpute, qui intéreffa vivement dix ou douze lecteurs, il en furvint une autre entre les mêmes combattans, au fujet du livre de matrimonio du R. P. Sanchez, regardé en Espagne & par tous les jéfuites du monde comme un père de l'Eglife. Cette difpute fe trouve à la page 262 du nouvel Appel à

la raison ; & il faut avouer que la raison doit être bien étonnée qu'on foumette un pareil procès à fon tribunal.

On y difcute trois queftions tout-à-fait intéresfantes. La première, quando vas innaturale ufurpatur. La feconde, quando feminatio non eft fimultanea. La troisième, quando feminatio eft extra vas. Ma pudeur & mon grand respect pour les dames m'empêchent de traduire en français cette difpute théologique. J'ai prétendu me borner à faire voir combien les théologiens font quelquefois honnêtes.

Huitième honnêteté.

UN homme d'un génie vafte, d'une érudition immense, d'un travail infatigable, & dont le nom perce dans l'Europe, du fein de la retraite la plus profonde, entreprend le plus grand & le plus difficile ouvrage dont la littérature ait jamais été honorée ; le meilleur géomètre de France se joint à lui. Ce géomètre, qui unit à la délicateffe de Fontenelle la force que Fontenelle n'a pas, donne un plan de cette célébre entreprise, & ce plan vaut lui feul une Encyclopédie. Un homme d'un nom illuftre, qui s'eft confacré aux lettres toute fa vie, phyficien exact, métaphyficien profond, très - verfé dans l'hiftoire & dans les autres genres, fait lui feul près du quart de cet ouvrage utile; des hommes favans, des hommes de génie s'y dévouent; d'anciens militaires, d'anciens magiftrats, d'habiles médecins, des artistes même y travaillent avec fuccès, & tous dans la vue de laiffer à l'Europe le dépôt des fciences & des arts, fans aucun

intérêt, fans vain amour-propre. Ce n'est que malgré eux que le libraire a publié leurs noms. M. de Voltaire furtout avait prié que fon nom ne parût point. Quelle a été la reconnaiffance de certains hommes, foi-difant gens de lettres, pour une entreprise si avantageuse à eux-mêmes? celle de la décrier, de diffamer les auteurs, de les poursuivre, de les accufer d'irréligion & de lèfe-majefté.

Neuvième honnêteté.

MAITRE Abraham Chaumeix, (je ne fais qui c'eft) ayant demandé à travailler à ce grand ouvrage, & ayant été éconduit, comme de raison, ne manqua pas de dénoncer juridiquement les auteurs. Il foupçonne que celui qui a principalement contribué à le faire refuser, a composé l'article Ame, & que puifqu'il eft fon ennemi, il eft athée; il le dénonce donc juridiquement comme tel. Il fe trouve que l'auteur de l'article eft un bon docteur de forbonne très-pieux. Il est trèsétonné d'apprendre qu'il eft accufé de nier l'existence de DIEU & celle de l'ame; & il conclut que fi Abraham Chaumeix a une ame, elle est un peu dure & fort ignorante.

Abraham, pour se dépiquer, va fe faire maître d'école à Moscou. Que fon ame y repofe en paix.

Dixième honnêteté.

UN gentilhomme de Bretagne, qui a fait des comédies charmantes, nous a donné des anecdotes très-curieufes fur la ville de Paris & fur l'hiftoire de France, imprimées avec privilége, & furtout avec

celui de l'approbation publique; auffitôt les auteurs de je ne fais quelles feuilles, (k) (car je ne lis point les feuilles) écrivent dans ces feuilles, dédiées à la cour, à douze fous par mois, que l'auteur eft inconteftablement déifte ou athée, & qu'il eft impoffible que cela ne foit pas, puifqu'il a dit que Maugiron, Quelus, & St Mégrin, tués fous le règne de Henri III, furent enterrés dans l'églife de St Paul, & qu'on n'avait pas voulu inhumer une vieille femme dans la rue de l'arbre-fec avant qu'on eût vu fon teftament.

Le breton, qui n'entend point raillerie, fait affigner au châtelet les auteurs des feuilles, pardevant le lieutenant-criminel, en réparation d'honneur & de confcience, au mois de juin 1763. Les folliculaires civilifent l'affaire, & font forcés de demander pardon de leur incivilité.

Onzième honnêteté.

UN auteur qui n'aimait pas ceux du grand & utile ouvrage dont on a déjà parlé, les prostitue fur le théâtre, & les introduit volant dans la poche. Ce n'eft pas ainfi que Molière a peint Triffotin & Vadius. On me dira que des galériens, du temps du roi Charles VII, condamnés pour crime de faux, ayant obtenu leur grâce de leur bon roi, lui volèrent tout fon bagage, comme il est rapporté dans l'abbé Tritême (1) pag. 329; mais on m'avouera que ceux qui font

(k) Ce font les auteurs du Journal chrétien. Or ce journal n'étant pas bon, on a dit qu'il était mauvais chrétien.

(1) Tout eft parti. La horde griffonante

Sous le drapeau du gazetier de Nante,

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