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nages qui, prenant l'épouvante au seul nom d'amour, sans craindre de rappeler un des héros de Molière, mais bien sûrs de complaire à des inimitiés trop connues, nous ont charitablement accusé de faire de Pascal un mauvais sujet, parce que nous prouvions sans réplique qu'il avait dû connaître l'amour pour l'exprimer de la sorte. Cette pieuse calomnie paraissait à peine qu'en même temps et comme à point nommé M. Gonod mettait au jour les agréables et curieux mémoires de Fléchier sur son séjour à Clermont pendant les années 1665 et 1666. Or, dans ces mémoires, à l'occasion d'une demoiselle, qui était la Sapho du pays, se trouvent les lignes suivantes': «Cette demoiselle étoit aimée par tout ce qu'il y avoit de beaux esprits. Les esprits ont leurs liaisons qui font bien souvent celles du corps. M. Pascal, qui s'est depuis acquis tant de réputation, et un autre savant, étoient continuellement auprès de cette belle savante. Celui-ci (il s'agit d'un troisième amoureux) crut qu'il devoit être de la partie, et qu'on ne pouvoit passer pour belesprit qu'en aimant une dame qui en avoit, et qui étoit aimée par des gens qui passoient pour en avoir. Il prenoit donc le temps que ses deux rivaux n'étoient plus auprès d'elle, et venoit faire sa cour après qu'ils avoient fait la leur, croyant qu'il ne falloit jamais laisser une belle sans galant, et lui donner le temps de respirer en repos.»> Ainsi parle Fléchier, sur un ton qui ferait frémir aujourd'hui nos dévots à la mode. M. Gonod prétend qu'il ne peut être ici question de l'auteur des Provinciales et des Pensées ; et il en donne cette seule raison que Pascal né à Clermont, et qui l'avait quitté de bonne heure, n'y est vraisemblablement revenu qu'en 1660, lorsqu'il était prèsque mourant

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et ne pensait plus qu'à Dieu. Il est vrai que Pascal est allé à Clermont en 1660; mais où donc est l'invraisemblance qu'auparavant aussi, comme son père Étienne et comme sa sœur Jacqueline, il soit allé faire visite à Clermont à sa sœur madame Périer? Ensuite quel serait cet autre Pascal qui depuis s'est acquis tant de réputation? De toute la famille, après le fils devenu depuis si illustre, le père seul est un peu connu comme savant. Mais, dans ce cas, les bruits recueillis par Fléchier remonteraient à un demi-siècle, avant le mariage d'Étienne Pascal, qui est de 1618' : c'est bien assez d'accorder à ces bruits dix ou douze ans, et même le grand nom de Pascal était seul capable de les soutenir jusqu'au voyage de Fléchier. Celui-ci d'ailleurs a dû se faire répéter plus d'une fois une chose aussi surprenante, et il n'a pu vouloir intéresser à faux la postérité en détournant sur le Pascal célèbre ce qu'on lui aurait dit de quelque Pascal obscur. Évidemment ces lignes ne peuvent s'appliquer qu'à celui qui, plus tard, écrivit les Provinciales et les Pensées. Si donc, à Clermont, Pascal a pu être sensible à l'esprit et à la beauté, quelle merveille qu'il l'ait été, et plus sérieusement, à Paris, dans les cercles brillants qu'il fréquentait?

Maintenant s'est-il arrêté à la fleur de ce périlleux sentiment, et sur le bord de la galanterie, comme dirait Fléchier, ou, avec son humeur bouillante, a-t-il été plus loin, sans déréglement? Enfin, parmi tant de femmes du grand monde, qu'il rencontrait chez madame de Sablé et ailleurs, laquelle toucha ce cœur si ardent et si fier? Qui le sait aujourd'hui et qui peut le dire? Disons seulement, mais disons bien haut, à l'honneur de Pascal, que nulle part on ne

1. Voyez plus haut, p. 312.

trouve le moindre indice sur lequel il soit permis de supposer que jamais il ait levé les yeux sur la sœur de son ami, la sœur d'un duc et pair, mademoiselle de Roannez, alors toute jeune, et réservée à Dieu ou aux partis les plus considérables'. Pascal en prit soin comme d'une âme précieuse et fragile qu'il disputait au monde et gardait à Port-Royal. Toute autre hypothèse est une injure ridicule à sa loyauté et à son bon sens.

1. Voyez plus haut, p. 389: Mademoiselle de Roannez, ainsi que les neuf lettres de Pascal, p. 431, etc.

APPENDICE

Nous avons souvent cité divers manuscrits de la Bibliothèque royale de Paris et d'autres bibliothèques, comme renfermant une foule de pièces inédites et précieuses de Pascal ou relatives à Pascal et à sa famille. Il nous a semblé qu'il était bon de donner ici une notice exacte de ces manuscrits, afin que les personnes qui s'intéressent, pour quelque motif que ce soit, à l'histoire de Pascal et de PortRoyal, puissent reconnaître et trouver aisément dans ces recueils ce qui peut convenir à leurs études.

I.

Bibliothèque royale, fonds de l'Oratoire

DESCRIPTION DU MANUSCRIT No 160.

C'est un portefeuille in-folio divisé en un certain nombre de paquets.

Le 1er paquet contient des lettres imprimées d'Arnauld et de Nicole.

Paq. 2 et 3. Pièces imprimées.

P. 4. Extrait d'une correspondance entre l'abbé de La Trappe, l'abbé Nicaise et Tillemont sur la mort d'Arnauld et sur diverses autres choses.

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