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seroit pour l'établissement de leurs1 vérités, ils n'agiroient pas autrement; et il semble qu'ils ignorent3 que la même Providence qui a inspiré les lumières aux uns, les refuse aux autres; et il semble qu'en travaillant à les persuader, ils servent un autre Dieu que celui qui permet que des obstacles s'opposent à leurs progrès. Ils croyent3 rendre service à Dieu en murmurant contre les empêchements, comme s'il étoit une autre puissance qui excitât leur piété, et une autre qui donnât vigueur à ceux qui s'y opposent.

C'est ce que fait l'esprit propre. Quand nous voulons, par notre propre mouvement, que quelque chose réussisse, nous nous irritons contre les obstacles, parce que nous sentons dans ces empêchements ce que le motif qui nous fait agir n'y a pas mis, et nous y trouvons des choses que l'esprit propre qui nous fait agir n'y a pas formées.

Mais quand Dieu fait agir véritablement, nous ne sentons jamais rien au dehors qui ne vienne du même principe qui nous fait agir; il n'y a pas d'opposition au motif qui nous presse; le même moteur qui nous porte à agir, en porte d'autres à nous résister, au moins il le permet; de sorte que comme nous n'y trouvons pas de différence et que ce n'est pas notre esprit qui combat les événements étrangers, mais un même esprit qui produit le bien et qui permet le mal, cette uniformité ne trouble point la paix d'une âme, et est une des meilleures marques qu'on agit par l'esprit de Dieu, puisqu'il est bien plus certain que Dieu permet le mal,

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quelque grana qu'il soit, que non pas que Dieu fait le bien en nous (et non pas quelque' motif secret), quelque grand qu'il nous paroisse; de sorte que pour bien reconnoître si c'est Dieu qui nous fait agir, il vaut bien mieux s'examiner par nos comportements au dehors que par nos motifs au dedans, puisque si nous n'examinons que le dedans, quoique nous n'y trouvions que du bien, nous ne pouvons pas nous assurer que ce bien vienne véritablement de Dieu. Mais quand nous nous examinons au dehors, c'est-à-dire quand nous considérons si nous souffrons les empêchements extérieurs avec patience, cela signifie qu'il y a une uniformité d'esprit entre le moteur qui inspire nos passions et celui qui permet les résistances à nos passions; et comme il est sans doute que c'est Dieu qui permet les unes, on a droit d'espérer humblement que c'est Dieu qui produit les autres.

Mais quoi! on agit comme si on avoit mission pour faire triompher la vérité, au lieu que nous n'avons mission que pour combattre pour elle. Le désir de vaincre est si naturel que quand il se couvre du désir de faire triompher la vérité, on prend souvent l'un pour l'autre, et on croit rechercher la gloire de Dieu en cherchant en effet la sienne. Il me semble que la manière dont nous supportons les empêchements en est la plus sûre marque; car enfin, si nous ne voulons que l'ordre de Dieu, il est sans doute que nous souhaiterons autant le triomphe de sa justice que celui de sa miséricorde, et que, quand il n'y aura point de notre négligence, nous serons dans une égalité d'esprit, soit que la vérité soit connue, soit qu'elle soit combattue, puis

1. B.: quelque AUTRE motif.

2. B. AINSI pour b.

qu'en l'un la miséricorde de Dieu triomphe, et en l'autre sa justice.

Pater juste, mundus te non cognovit.

Pére juste, le monde ne t'a pas connu.

Sur quoi saint Augustin dit que c'est un effet de sa justice qu'il ne soit point connu du monde. Prions et travaillons, et réjouissons-nous de tout, comme dit saint Paul.

Si vous m'aviez repris dans mes premières fautes, je n'aurois pas fait celle-ci, et je me serois modéré. Mais je n'effacerai pas non plus celle-ci que l'autre ; vous l'effacerez bien vous-même, si vous voulez; je n'ai pu m'empêcher', tant je suis en colère contre ceux qui veulent absolument que l'on croye la vérité lorsqu'ils la démontrent, ce que J.-C. n'a pas fait en son humanité créée. C'est une moqueries, etc., etc.

BILLET DE PASCAL A SA SŒUR MADAME PÉRIER.

(Ce billet nous vient des papiers de la famille de M. Hecquet-d'Orval, d'Abbeville, descendant de M. Hecquet, célèbre médecin janséniste du xviie siècle. Il n'est ni signé ni daté. Mais comme il y est question des assemblées qui se tinrent pour la signature du formulaire, on peut le placer, comme le précédent, vers l'année 1660 ou 1661.)

Au dos de la lettre : A mademoiselle', mademoiselle Périer,
å Clermont (en Auvergne.)

«Ma chère seur (sic),

« Je ne crois pas que ce soit tout de bon que tu sois fâchée; car si tu ne l'es que de ce que nous t'avons oubliée,

1. B.: m'en empêcher.

2. B.: c'est une moquerie, et c'est, ce me semble, traiter, etc. Au bas de cette lettre, dans le recueil de Marguerite Périer sont ces mots : copié sur l'original : la dernière feuille est perdue.

3. De même plus haut, p. 397, etc.

tu ne dois point l'être du tout. Je ne te dis point de nouvelles, parce que les générales le sont trop et les particulières le doivent toujours être. J'en aurois beaucoup à te dire qui se passent dans un entier secret', mais je tiens. inutile de te les mander; tout ce que je te prie est de mêler les actions de grâce aux prières que tu fais pour moi, et que je te prie de multiplier en ce temps. J'ai moi-même avec l'aide de Dieu porté ta lettre, afin que l'on la fit tenir à madame de Maubuisson. Ils m'ont donné un petit livre où j'ai trouvé cette sentence écrite à la main 2. Je ne sçais si elle est dans le petit livre des sentences, mais elle est belle. On me presse tellement que je ne puis plus rien dire. Ne manque pas à tes jeudis. Adieu, ma chère. »

BILLET DE PASCAL A MADAME LA MARQUISE DE SABLÉ.

(Portefeuille du docteur Valant, médecin de madame de Sablé, t. II, no 288. Ce billet n'a ni date ni signature. Il est pourtant bien de Pascal; car, no 299, est une lettre de remerciement du médecin Menjot à madame de Sablé, à l'occasion du billet de Pascal qu'elle lui avait communiqué par le docteur Valant3.)

« Encore que je sois bien embarrassé, je ne puis différer davantage à vous rendre mille grâces de m'avoir procuré la connoissance de M. Menjot; car c'est à vous sans doute, Madame, que je la dois; et comme je l'estimois déjà beau

1. «M. Pascal entend ici ce qui se traitoit à Paris dans les assemblées qui s'y tenoient sur la signature du formulaire. Voir le Supplement au nécrologe de Port-Royal, p. 460. » — (Note ancienne écrite en marge de la lettre par un membre de la famille de M. Hecquetd'Orval.

2. Elle manque ici.

3. Lettre de Meujot à Mme de Sablé, sans date... « M. Valant me fit voir cette lettre de M. Paschal, laquelle est la plus obligeante du monde.

coup par les choses que ma soeur m'en avoit dites, je ne puis vous dire avec combien de joie j'ai reçu la grâce qu'il m'a voulu faire. Il ne faut lire que son épître pour voir combien il a d'esprit et de jugement; et quoique je ne sois pas capable d'entendre le fonds des matières qu'il traite dans son livre ', je vous dirai néanmoins, Madame, que j'y ai beaucoup appris par la manière dont il accorde en peu de mots l'immatérialité de l'âme avec le pouvoir qu'a la matière d'altérer ses fonctions et de causer le délire. J'ai bien de l'impatience d'avoir l'honneur de vous en entretenir. >>

FRAGMENTS D'UNE XIX PROVINCIALE.

AU PÈRE ANNAT, JESUITE.

(Le Recueil de M. Périer contient le fragment de la 19o provinciale au Père Annat, trouvé par Bossut parmi les papiers de Pascal, et publié pour la première fois dans l'édition de 1779. De plus, ce Recueil fait connaître diverses phrases inédites qui étaient aux marges de ce fragment; et une de nos copies, no 176, qui renferme plusieurs pièces relatives à Pascal, figure ces phrases telles qu'elles étaient aux marges de l'original. Les voici dans l'ordre où les place le Recueil de M. Périer, p. 37.)

« C'est donc là, mon père, ce que vous appelez le sens de Jansenius; c'est donc cela que vous faites entendre au pape et aux évêques !

Mais, Madame, je ne sais que penser d'un témoignage si avantageux; car si je considère d'une part la sincérité et le savoir sublime de ce grand homme, de l'autre aussi je sais que la charité est la première des vertus chrétiennes, de sorte que, etc. »

1. Serait-ce l'Historia et curatio febrium malignarum, de 1662? Cela donnerait la date de ce billet qui serait de l'année même de la mort de Pascal.

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