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que j'ai commencé par ma sollicitation; pour cela, j'ai obtenu de M. Pascal le père qu'il fût le médiateur auprès de vous de cet accommodement, sachant l'estime que vous faites de sa personne, à quoi M. de Saint-Ange s'est rangé avec beaucoup de contentement. Je n'en dirai pas davantage, puisque scientibus legem loquor, et que sapientiam loquimur inter perfectos.

Je suis inviolablement, Monseigneur, votre, etc. >>

Signé : J. P., Évéque de Belley.

L'archevêque dont Pascal et ses amis échauffaient sans cesse le zèle, ne félicite point l'évêque de Belley (lettre du 2 avril). Il élève encore plus d'une plainte, il met en avant Pascal; on voit qu'il en a peur (lettre du 7 avril). «M. Pascal pourra bien vous faire trouver quelque chose à réformer à ce calendrier je m'en remets à ce que vous lui pourrez faire dire. » M. l'archevêque voulait donc absolument que Pascal et les siens fussent satisfaits. Enfin il publie un mandement qui résume et termine cette triste affaire.

En finissant ce long récit, nous demandons grâce pour tant de citations d'un intérêt souvent médiocre, mais qu du moins ont l'avantage de mettre parfaitement en lumière cet épisode obscur de la vie de Pascal.

MADEMOISELLE DE ROANNEZ.

Le Recueil d'Utrecht, p. 301, fait connaître en gros l'histoire touchante de Mile de Roannez; mais rien n'équivaut au récit original écrit de la main même de Marguerite Périer, qui avait vu à Port-Royal mademoiselle de Roannez, et avait suivi toute sa destinée. Ce récit est une des pièces du Recueil manuscrit de mademoiselle Périer, Bibliothèque royale, Supplément français, no 1485; et on le trouve aussi dans un manuscrit de la Bibliothèque Mazarine, no 2196, intitulé: Mémoires et pièces recueillies par M. Domat, auteur du Traité des lois civiles, qui m'ont été communiqués par M. Domat, président en la cour des aides de Clermont, son arrière-petit-fils, 1776. Ce ne sont là que des copies, il est vrai, mais toutes deux faites avec soin sur l'autographe même de mademoiselle Périer, qui doit être caché aujourd'hui dans quelque bibliothèque de Clermont. Cette histoire, parfaitement authentique, est un roman du plus douloureux intérêt. Pascal y joue un rôle principal; on y apprend certains détails de sa vie qui ne se trouvent nulle autre part: 1o qu'il avait fait avec M. le duc de Roannez, frère de mademoiselle de Roannez, un ou deux voyages en Poitou; que c'est lui qui avait mis M. de Roannez entre les mains de M. Singlin; qu'il occupait un logement à l'hôtel Roannez, quoiqu'il eût une maison à Paris; 2° que toute la famille de M. et de mademoiselle de Roannez, et en particulier M. le comte d'Harcourt, était très irritée contre Pascal; 3° que cette irritation gagna toute la maison, à ce point qu'un matin la concierge monta dans la chambre de Pascal avec un poignard pour le tuer. Mais laissons parler Marguerite Périer.

Monsieur et Mademoiselle de Rouanès.

« M. de Rouanès étoit fils de M. le marquis de Boissy: madame sa mère étoit fille de M. Hennequin, président au parlement, et il étoit petit-fils de M. le duc de Rouanès; madame sa grand'mère étoit sœur de M. le comte d'Harcourt. Il perdit monsieur son père à l'âge de huit ou neuf ans, et fut mis entre les mains de monsieur son grandpère, qui ne connoissoit guère sa religion, et qui étoit un homme très emporté, et peu capable de donner une éducation chrétienne à un enfant. Il lui donna un gouverneur qui n'en étoit guère plus capable que lui; il alla même jusque là que d'ordonner à son gouverneur de lui donner l'air de cour et de lui apprendre à jurer, croyant qu'il falloit qu'un jeune seigneur prît ces manières-là. Il perdit monsieur son grand-père à treize ans; et alors il fut son maître. Madame sa mère, qui étoit une bonne femme, toute simple, ne pouvoit et ne sçavoit pas même en prendre soin. Cependant il ne laissa pas de commencer assez jeune à avoir des sentiments de religion. Il avoit un très bon esprit, mais point d'étude. Il fit connoissance (je ne sais pas bien à quel âge) avec M. Pascal, qui étoit son voisin; il goûta fort son esprit, et le mena même une fois ou deux en Poitou avec lui, ne pouvant se passer de le voir. Lorsque M. de Rouanès eut environ vingt-deux ou vingt-trois ans, M. Pascal s'étant donné pleinement à Dieu, et ayant pris la résolution d'abandonner le monde entièrement, persuada à M. de Rouanès d'entrer dans les mêmes sentiments. Il y entra très fortement, et environ à vingtquatre ou vingt-cinq ans, il résolut, avec M. Pascal et M. Singlin, entre les mains duquel M. Pascal l'avoit mis, de prendre quelque temps pour examiner devant Dieu ce

qu'il devoit faire; il prit ce temps-là. M. Pascal demeuroit alors chez lui; il lui avoit donné une chambre où il alloit de temps en temps, quoiqu'il eût une maison dans Paris. Enfin, M. de Rouanès, après bien des réflexions, prit sa résolution; il se détermina absolument à abandonner le monde; il le déclara à M. Singlin et à M. Pascal, et leur dit qu'il prendroit l'occasion, dès qu'il pourroit la trouver, d'avoir l'agrément du Roi de vendre son gouvernement et se retirer à l'institution. Sa résolution étant prise entièrement et déclarée à ces messieurs, il lui arriva une chose fort extraordinaire. Il y avoit quatre ou cinq ans que, ne pensant point à quitter le monde, et songeant au contraire à s'y établir, il y avoit une demoiselle de qualité, et la plus riche héritière du royaume, qui étoit mademoiselle de Menus, qui n'étoit pas encore en âge de se marier. M. de Rouanès jetoit toujours les yeux sur elle, comme un parti qui lui convenoit, et il ne doutoit pas même qu'il ne pût l'avoir, parce qu'il étoit alors le seul duc et pair à marier; car il y avoit en ce temps-là peu de ducs. Il arriva donc qu'environ un mois après que M. de Rouanès avoit pris sa résolution, on alla proposer à M. le comte d'Harcourt mademoiselle de Menus pour monsieur son petit-neveu. M. le comte d'Harcourt, très content, alla trouver M. de Rouanès, et lui dit : Mon neveu, je viens vous apporter une nouvelle qui vous fera plaisir; on vient de me proposer pour vous mademoiselle de Menus. M. de Rouanès fut très surpris, et lui dit : Monsieur, je vous prie de me donner quelque temps pour y penser. M. le comte d'Harcourt se mit en colère, et lui dit : « Vous êtes donc fou, mon neveu? Si vous aviez recherché mademoiselle de Menus bien long. temps, et qu'on vous l'accordât, vous devriez être très content; on vous la vient jeter à la tête, et vous dites que vous

y penserez! C'est une fille de qualité, la plus riche héritière du royaume; il faut que vous soyez fou. » M. de Rouanès persista à demander du temps, et au bout de douze ou quinze jours il alla faire sa déclaration à M. le comte d'Harcourt, qu'il avoit résolu de ne se point marier. M. le comte d'Harcourt entra dans une fureur très grande, surtout contre M. Pascal. Cela se répandit à l'hôtel de Rouanès, où M. Pascal étoit encore; en sorte que la concierge de la maison alla un matin sur les huit heures, avec un poignard, pour le tuer; heureusement elle ne le trouva point; il étoit sorti ce jour-là, contre son ordinaire, de grand matin; il fut averti de cette aventure, et n'y retourna plus. Mademoiselle de Menus épousa ensuite M. de Vi

vonne.

<< M. de Rouanès persista donc dans sa résolution, et quelques années après il vendit son gouvernement, et paya quelques dettes, mais non pas toutes; car monsieur son grand-père lui en avoit laissé de très grandes. Depuis cela, M. de Rouanès ne laissa pas de demeurer dans le monde, à cause que sa mère vivoit encore; mais il eut ensuite bien du chagrin par le changement de mademoiselle sa sœur, qui n'eut pas tant de fermeté que lui.

« Pour rapporter donc aussi l'histoire de mademoiselle. de Rouanès, elle étoit dans le monde, où elle vivoit avec madame sa mère. Elle avoit deux sœurs religieuses bénédictines; l'aînée fut abbesse de Riel; et la cadette est morte simple religieuse aux Filles-Dieu, où elle s'étoit retirée, ayant quitté son couvent, je n'en sais pas la raison. Mademoiselle de Rouanès étoit donc restée seule; et comme elle pensoit à se marier, plusieurs personnes jetoient les yeux sur elle; mais comine elle ne pouvoit pas être un grand parti, monsieur son frère, dont on ne savoit pas a résolu

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