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MANUSCRIT AUTOGRAPHE, P. 347-361.

ÉDITIONS.

mêmes ou en Dieu doit encore étonner notre petite durée. L'immobilité fixe et constante de la nature, [par] comparaison au changement continuel qui se passe en nous, doit faire le même effet. (Barré dans le msc.)

Et ce qui achève notre impuissance à connoître les choses, est qu'elles sont simples en elles-mêmes et que nous sommes composés1 de deux natures opposées et de divers genre, d'âme et de corps; car il est impossible que la partie qui raisonne en nous soit autre que spirituelle ; et quand on prétendroit que nous serions simplement corporels, cela nous excluroit bien davantage de la connoissance des choses, n'y ayant rien de si inconcevable que de dire que la matière se connoit soi-même. Il ne nous est pas possible de connoître comment elle se connoîtroit.

Et ainsi si nous sommes simplement matériels, nous ne pouvons rien du tout connoître, et si nous

1. D'abord: Et ce qui achève notre impuissance est la simplicité des choses comparées avec notre état double et composé. Il y a des absurdités invincibles à combattre ce point. Il est aussi absurde qu'impie de nier que l'homme est composé de deux parties de différente nature, d'âme et de corps; cela nous rend impuissants à connoitre toutes choses. Ou si on nie cette composi tion et qu'on prétende que nous sommes tout corporels, je laisse à juger combien la matière est incapable de connoitre la matière; rien n'est plus impossible que cela. Concevons donc que co mélange d'esprit et de boue nous disproportionne,

Et ce qui achève notre impuissance à connoître les choses, c'est qu'elles sont simples en elles-mêmes, et que nous sommes composés de deux natures opposées et de divers genres, d'âme et de corps. Car il est impossible que la partie qui raisonne en nous soit autre que spirituelle; et quand on prétendroit que nous fussions simplement corporele, cela nous excluroit bien davantage de la connoissance des choses, n'y ayant rien de si inconcevable que de dire que la matière se puisse connoltre soi-même.

MANUSCRIT AUTOGRAPHE,

P. 347-361.

ÉDITIONS.

sommes composés d'esprit et de matière, nous ne pouvons connoître parfaitement les choses simples 1, spirituelles et corporelles.

(P. 360.)

De là vient que presque tous les philosophes confondent les idées des choses et parlent des choses corporelles spirituellement et des spirituelles corporellement; car ils disent hardiment que les corps tendent en bas, qu'ils aspirent à leur centre, qu'ils fuient leur destruction, qu'ils craignent le vide, qu'ils ont des inclinations, des sympathies, des antipathies, qui sont toutes choses qui n'appartiennent qu'aux esprits; et en parlant des esprits ils les considèrent comme en un lieu et leur attribuent le mouvement d'une place à une autre, qui sont choses qui n'appartiennent qu'aux corps.

Au lieu de recevoir les idées de ces choses purement, nous les teignons de nos qualités, et empreignons (de) notre être composé toutes les choses simples que nous contemplons.

Qui ne croiroit à nous voir com

1. Pascal avait mis d'abord: ..... les choses simples, car comment connoitrions-nous distinctement la matière, puisque notre suppôt qui agit en cette connoissance est en partie spirituel? Et comment connoitrions-nous nettement les substances spirituelles, ayant un corps qui nous aggrave et nous abaisse vers la terre?.

C'est cette composition d'esprit et de corps qui a fait que presque tous les philosophes ont confondu les idées des choses et attribué aux corps ce qui n'appartient qu'aux esprits et aux esprits ce qui n'appartient qu'aux corps. Car ils disent hardiment que les corps tendent en bas, qu'ils aspirent à leur centre, qu'ils fuient leur destruction, qu'ils craignent le vide, qu'ils ont des inclinations, des sympathies, des antipathies, qui sont toutes choses qui n'appartiennent qu'aux esprits. Et en parlant des esprits, ils les considèrent comme en un lieu et leur attribuent le mouvement d'une place à une autre, qui sont des choses qui n'appartiennent qu'aux corps.

Au lieu de recevoir les idées des choses en nous, nous teignons des qualités de notre être composé toutes les choses simples que nous contemplons.

Qui ne croiroit, à nous voir com

MANUSCRIT AUTOGRAPHE,
P. 347-361.

poser toutes choses d'esprit et de corps, que ce mélange-là nous seroit bien compréhensible? C'est néanmoins la chose que l'on comprend le moins L'homme est à luimême le plus prodigieux objet de la nature; car il ne peut concevoir ce que c'est que corps, et encore moins ce que c'est qu'esprit, et moins qu'aucune chose comme un corps peut être uni avec un esprit; c'est là le comble de ses difficultés, et cependant c'est son propre être modus quo corporibus adhæret spiritus comprehendi ab hominibus non potest; et hoc tamen homo est.

ÉDITIONS.

poser toutes choses d'esprit et de corps, que ce mélange-là nous seroit bien compréhensible? C'est néanmoins la chose que l'on comprend le moins. L'homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature. Car il ne peut concevoir ce que c'est que corps, et encore moins ce que c'est qu'esprit, et moins qu'aucune chose comment un corps peut être uni avec un esprit; c'est là le comble de ses difficultés, et cependant c'est son propre être modus quo corporibus adheret spiritus comprehendi ab hominibus non potest; et hoc tamen homo est.

Voilà une partie des causes qui rendent l'homme si imbécile à connoître la nature. Elle est infinie en deux manières, il est fini et limité; elle dure et se maintient perpétuellement en son ètre, il passe et est mortel; les choses en particulier se corrompent et se changent à chaque instant, il ne les voit qu'en passant; elles ont leur principe et leur fin, il ne connoît ni l'un ni l'autre; elles sont simples et il est composé de deux natures différentes (Fin de la p. 360'.).

1. Pascal avait d'abord ajouté: Et pour consommer la preuve de notre foiblesse, je finirai par cette réflexion sur l'état de notre nature. Il a barré cette phrase, puis il a mis: Enfin, pour consommer la preuve de notre foiblesse, je finirai par ces deux considérations. Encore barré dans le ma Duscrit.

DOCUMENTS INÉDITS

SUR PASCAL ET SUR SA FAMILLE

I.

LA FAMILLE PASCAL.

L'intérêt qui s'attache à Pascal se répand sur tous les siens, et nous enhardit à publier ici un mémoire inédit que Marguerite Périer a laissé sur les divers membres de cette illustre famille. Nous nous servirons de trois manuscrits: le premier, de la Bibliothèque royale, Supplément français, 1485; le second, de la même Bibliothèque, même fonds, no 397; le troisième, qui est une copie du second, Bibliothèque Mazarine, no 21992.

COPIE D'UN MÉMOIRE ÉCRIT DE LA MAIN DE M• MARGUERITE PÉRIER SUR SA FAMILLE.

« M. Pascal, mon grand-père, s'appeloit Étienne Pascal. Il étoit fils de Martin Pascal, trésorier de France, et de Marguerite Pascal de Mons qui étoit fille de M. Pascal de

1. Toutes les pièces qui suivent étaient en effet inédites avant nos travaux sur Pascal.

2. Nous avertissons que nous ne donnerons pas les variantes innombrables et insignifiantes de nos trois manuscrits, car nous n entendons pas traiter le style de Marguerite Périer comme celui de son oncle.

Mons', sénéchal de Clermont, dont la famille avoit été annoblie par le Roi Louis XI, en considération des services rendus par Étienne Pascal, maître des requêtes2.

« Étienne Pascal fut envoyé à Paris faire ses études de droit et fut recommandé par Martin Pascal, son père, à M. Arnauld, avocat, père de M. d'Andilly et de M. Arnauld. Lorsqu'il eut achevé ses études, il revint à Clermont et acheta une charge d'Élu, et ensuite il fut président de la cour des aides.

a Il épousa, en 1618, Antoinette Bégon.

<< Il en eut, en 1619, un fils qui mourut aussitôt après son baptême. En 1620, il eut une fille nommée Gilberte Pascal, qui fut mariée, en 1641, avec Florin Perier, conseiller à la cour royale des aides, qui étoit son cousin issu de germain, sa mère étant cousine-germaine d'Étienne Pascal, mon grand-père.

<< En 1623, Étienne Pascal eut un fils nommé Blaise Pascal, mon oncle.

«En 1625, il eut une fille nommée Jacqueline Pascal, qui est morte religieuse de Port-Royal.

«En 1628, Antoinette Bégon, femme d'Étienne Pascal, mourut âgée de vingt-huit ans.

«En 1630, Étienne Pascal vendit sa charge de second président à la cour des aides à son frère Blaise Pascal', et

1. Voilà pourquoi Pascal se faisoit appeler quelquefois M. de Mons; par exemple, quand il se retira dans une auberge de la rue des Poiriers, à l'enseigne du Roi David, pour écrire, sans être distrait, les Provinciales. Voyez le Recueil d'Utrecht, p. 278, et JACQUELINE PAscal, lettre du 26 octobre 1655.

2. Le ms. de la Bibl. R., no 397, et celui de la Mazar., no 2199, ont cette note: « J'ai vu les lettres de noblesse qui furent accordées à Étienne Pascal, père du maître des requêtes. C'est le chef de la famille. Il étoit d'Ambert en Auvergne. »>

3. Il est question de cet oncle de Pascal, Mémoires de Fléchier, p. 42,

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