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duit au travail sérieux et approfondi qui nous a coûté, il est vrai, bien des peines et des veilles, mais que nous ne regrettons pas, puisque nous lui devons une connaissance tout autrement intime de l'âme et du génie de Pascal, la restitution d'un texte immortel, et la découverte inattendue de pages nouvelles, dignes d'avoir une place parmi les plus belles de la langue française.

Qu'il nous soit permis de le dire: grâce au Rapport à l'Académie française et aux diverses publications qui l'accompagnent et le développent, la critique de Pascal a été presque renouvelée, et un premier pas a été fait dans une carrière modeste mais utile, où nous convions de toutes nos forces les jeunes maîtres de l'Université, celle de la critique et de la philologie transportée des modèles de l'antiquité aux modèles au moins égaux qu'a produits la France.

Nous ne terminerons pas cet Avant-propos sans rappeler que la cause de la langue et de la littérature nationale ne nous a point fait oublier une autre cause, plus grande encore et plus sainte, qui, pour ne pas paraître ici sur le premier plan, n'en est pas moins partout présente, partout défendue et servie avec la fidélité d'un dévouement inébranlable. Déjà, dans les anciennes éditions des Pensées, nous avions autrefois senti le scepticisme de Pascal à travers les cor

1. Voyez nos Leçons de 1829, Esquisse d'une histoire générale de LA PHILOSOPHIE, leç. xii.

rections infidèles d'Arnauld. Dans le manuscrit autographe, le scepticisme éclate à toutes les pages, à toutes les lignes. Nous croyons l'avoir invinciblement établi l'ardent et conséquent janséniste est un ennemi déclaré, un contempteur de la lumière naturelle et de la philosophie. Après avoir évoqué un tel adversaire, nous n'avons point hésité à le combattre, et à défendre contre ses attaques hautaines et la lumière naturelle et la philosophie. Bien entendu, nous parlons de la vraie, de la bonne philosophie, de celle que la raison et le cœur révèlent et proclament de concert, qui se fait gloire de marcher à la suite du sens commun, qui explique et confirme toutes les grandes croyances du genre humain, et les épure au lieu de les détruire; cette philosophie pour laquelle Socrate est mort, que Platon a pour ainsi dire chantée, que l'Évangile a popularisée, et que Descartes a élevée à la hauteur d'une science régulière, en possession d'une méthode certaine et de principes éprouvés. Cette philosophie-là n'est point un système qui appartienne à tel ou tel homme : elle est l'universelle expression de la conscience et de l'histoire. Elle ne se perd pas en spéculations hasardées, qui brillent un jour pour s'éclipser le lendemain : elle repose sur un certain nombre de points fixes et en quelque sorte de dogmes toujours subsistants sous les formes diverses et changeantes des écoles particulières; elle aussi, elle a sa foi perpétuelle. Elle n'emploie, il est vrai, que la lumière naturelle, mais elle en tire une souveraine évidence, qu'elle répand sur toutes

les grandes vérités, nécessaires et par conséquent accessibles à l'homme.

Est-il besoin de le répéter? Loin d'attaquer le christianisme, la philosophie que nous professons en est l'alliée à la fois libre et sincère. Elle est trop sûre d'elle-même, de son principe immortel et de ses irrésistibles destinées pour ne pas faire volontiers des avances à tout ce qui est beau, à tout ce qui est bien, à tout ce qui peut concourir avec elle au service de l'humanité et de la patrie.

V. COUSIN.

SUR

PASCAL

DE

LA PHILOSOPHIE DE PASCAL

ET DE PORT-ROYAL.

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Nous publions de nouveau, sans y rien changer, le Rapport sur la nécessité d'une nouvelle édition des Pensées de Pascal, que nous avons lu cette année à l'Académie française, et qui a paru successivement dans le Journal des Savants, avril-novembre, 1842.

Bossut, dans l'édition de 1779, avertit bien que le chapitre sur Montaigne et Epictete et celui sur la condition des grands sont tirés, l'un d'un entretien entre Pascal et Sacy, rapporté par Fontaine dans ses Mémoires, l'autre de discours adressés par Pascal au jeune duc de Roannez et publiés assez tard par Nicole. Mais ces deux morceaux exceptés, il n'y a pas un éditeur, il n'y a pas un critique qui se soit avisé de soupçonner que le texte reçu des Pensées ne fût pas le texte authentique de Pascal; tandis qu'aujourd'hui, après notre travail, il reste péremptoirement démon

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