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Je vous propofe d'augmenter vos richeffes & votre liberté, en admettant parmi vous tout féculier à fon aife, que l'amour de cette liberté appellerait dans vos contrées. J'ofe affurer qu'il y a même en Italie plus d'un père de famille qui aimerait mieux vivre avec vous dans l'égalité, à l'ombre de vos lois, que d'être l'esclave d'un prêtre fouverain. Non, il n'y a pas un feul féculier italien, il n'y a pas dans Rome un feul romain j'excepte toujours la populace,) qui ne frémisse dans le fond de fon cœur de ne pouvoir lire l'Evangile en sa langue maternelle; de ne pouvoir acheter un feul livre fans la permiffion d'un jacobin; de fe voir à la fois compatriote des Scipions, & efclave d'un fucceffeur de Simon-Pierre. Soyez furs que ce contrafte bizarre & odieux d'un filet de pêcheur & d'une triple couronne révolte tous les efprits. Soyez certains qu'il n'y a pas un feul feigneur romain, qui, en voyant JESUS monté fur un âne, & le pape porté fur les épaules des hommes; en voyant d'un côté JESUS qui n'a pas feulement de quoż payer une demi-drachme pour le korban qu'il devait au temple des Juifs, & de l'autre la chambre de la daterie, occupée fans ceffe à compter l'argent des nations; ne conçoive une indignation d'autant plus forte qu'il en faut diffimuler toutes les apparences. Il la cache à fes maîtres; il la manifefte dans le fecret de l'amitié.

Je vais plus loin, mes frères, je foutiens que dans toute la chrétienté il n'y a pas aujourd'hui un seul homme un peu inftruit qui foit véritablement papifte: non, le pape ne l'eft pas lui-même; non, il n'eft pas poffible qu'un faible mortel se croie infaillible, & revêtu d'un pouvoir divin.

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Je n'entre point ici dans l'examen des dogmes qui féparent la communion romaine & la nôtre : je prêche la charité & non la controverse ; j'annonce l'amour du genre-humain & non la haine ; je parle de ce qui réunit tous les hommes & non de ce qui les rend ennemis.

Aujourd'hui, malgré les cris de l'Eglife romaine, aucune puiffance n'attente à la liberté de confcience établie chez fes voifins. Vous avez vu dans la dernière guerre fix cents mille hommes en armes, fans qu'un feul foldat ait été envoyé pour faire changer un feul homme de croyance. L'Espagne même, l'Espagne appelle dans fes provinces une foule d'artifans proteftans pour ranimer fa vie, que la barbarie infenfée de l'inquifition fefait languir dans la mifère; un fage miniftre brave le monftre de l'inquifition pour l'intérêt de fa patrie.

Ne craignez donc point que le joug papiste, impofé dans des temps d'ignorance, puiffe jamais s'appefantir fur vous. Ne craignez point qu'on vous remette au gland, lorfque vous avez connu l'agriculture. La tyrannie peut bien empêcher la raifon, pendant quelques fiècles, de pénétrer chez les hommes; mais quand elle Y eft parvenue, nul pouvoir ne peut l'en

bannir.

Etres penfans, ne redoutez plus rien de la fuperftition. Vous voyez tous les jours les confeils éclairés des princes catholiques, mutiler eux-mêmes petit-àpetit ce coloffe autrefois adoré. On le réduira enfin à la taille ordinaire. Tous les gouvernemens fentiront que l'Eglife eft dans l'Etat, & non l'Etat dans l'Eglife. Le facerdoce à la longue, mis à fa véritable place,

fera gloire enfin comme nous d'obéir à la magiftrature. En attendant, confervons les deux biens qui appartiennent effentiellement à l'homme, la liberté & l'humanité. Que les cantons catholiques s'éclairent, & que les cantons proteftans ne réfiftent point par préjugé à leur raifon éclairée; vivons en frères avec quiconque voudra être notre frère. Cultivons également notre efprit & nos campagnes. Souvenons-nous toujours que nous fommes une république, non pas en vertu de quelques argumens de théologie, non pas comme zuingliens ou comme cecolampadiens, mais en qualité d'hommes. Si la religion n'a fervi qu'à nous divifer, que la nature humaine nous réuniffe. C'eft aux cantons proteftans à donner l'exemple, puifqu'ils font plus floriffans que les autres, plus peuplés, plus inftruits dans les arts & dans les fciences. N'emploierons-nous nos talens que pour les concentrer dans notre petite fphère? L'homme ifolé eft un fauvage, un être informe qui n'a pas encore reçu la perfection de fa nature. Une cité ifolée, inhofpitalière, eft parmi les fociétés ce que le fauvage eft à l'égard des autres hommes. Enfin, en adorant le Dieu qui a créé tous les mortels, qu'aucun mortel ne foit étranger parmi nous.

TRADUCTION

DE L'HOMELIE DU PASTEUR BOURN,

Prêchée à Londres le jour de la pentecôte 1768.

VOICI

OICI le premier jour, mes frères, où la doctrine & la morale de JESUS fut manifeftée par fes disciples. Vous n'attendez pas de moi que je vous explique comment le St Efprit defcendit fur eux en langues de feu. Tant de miracles ont précédé ce prodige qu'on ne peut en nier un feul fans les nier tous. Que d'autres confument leur temps à rechercher pourquoi Pierre, en parlant tout d'un coup toutes les langues de l'uni- . vers à la fois, était cependant dans la néceffité d'avoir Marc pour fon interprète; qu'ils fe fatiguent à trouver la raifon pour laquelle ce miracle de la pentecôte, celui de la résurrection, tous enfin furent ignorés de toutes les nations qui étaient alors à Jérufalem; pourquoi aucun auteur profane, ni grec, ni romain, ni juif, n'a jamais parlé de ces événemens fi prodigieux & fi publics, qui devaient long-temps occuper l'attention de la terre étonnée? En effet, dit-on, c'eft un miracle incompréhenfible que JESUS reffufcité montât lentement au ciel dans une nuée à la vue de tous les Romains qui étaient fur l'horizon de Jerusalem, fans que jamais aucun Romain ait fait la moindre mention de cette afcenfion, qui aurait dû faire plus de bruit que la mort de Céfar, les batailles de Pharfale &

d'Actium, la mort d'Antoine & de Cléopâtre. Par quelle providence DIEU ferma-t-il les yeux à tous les hommes qui ne virent rien de ce qui devait être vu d'un million de spectateurs? Comment DIEU a-t-il permis que les récits des chrétiens fuffent obfcurs, inconnus pendant plus de deux cents années, tandis que ces prodiges, dont eux feuls parlent, avaient été fi publics? Pourquoi le nom même d'évangile n'a-t-il été connu d'aucun auteur grec ou romain? Toutes ces queftions, qui ont enfanté tant de volumes, nous détourneraient de notre but unique, celui de connaître la doctrine & la morale de JESUS, qui doit être la nôtre.

Quelle eft la doctrine prêchée le jour de la pentecôte? Que DIEU a rendu JESUS célébre, & lui a donné fon approbation. (a)

Qu'il a été fupplicié. (b)

Que DIEU l'a reffufcité & l'a tiré de l'enfer ; c'està-dire, fi l'on veut, de la foffe. (c)

Qu'il a été élevé par la puiffance de DIEU, & que DIEU a envoyé enfuite fon St Esprit. (d)

C'eft ainfi que Pierre s'explique à cent mille juifs obftinés, & il en convertit huit mille en deux fermons ; tandis que nous autres nous n'en pouvons pas convertir huit en mille années.

Il est donc inconteftable, mes frères, que la première fois que les apôtres parlent de JESUS, ils en parlent comme de l'envoyé de DIEU, fupplicié par les hommes, élevé en grâce devant DIEU, glorifié par DIEU même. St Paul n'en parle jamais autrement. Voilà, fans contredit, le chriftianifme primitif, le

(a) Actes, chap. XXIX, verf. 22. (b) Verf. 23.

(c) Verf. 24.
(d) Verf. 33.

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