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point changé de maximes; & quoique les yeux de prefque toutes les nations fe foient enfin ouverts fur fes prétentions abfurdes & fur fes déprédations, elle conferve dans fa décadence le même orgueil qui la poffédait quand elle voyait tant de rois à fes genoux. C'eft en vain que notre premier légiflateur a dit : Il n'y aura parmi vous ni premier ni dernier. L'évêque de Rome fe dit toujours le premier des hommes, parce qu'il fiége dans une ville qui fut autrefois la première de l'Occident.

Que penferiez-vous, mes chers frères, d'un géomètre de Londres qui fe croirait le fouverain de tous les géomètres de nos provinces, fous prétexte qu'il exercerait l'arpentage dans la capitale? Ne le ferait-on pas enfermer comme un fou, s'il s'avisait d'ordonner qu'on ne crût à aucune propriété des triangles, fans un édit émané de fon porte-feuille ? C'est-là cependant ce qu'a fait l'Eglife romaine; à cela près que les opinions qu'elle enfeigne ne font pas tout-à-fait des vérités géométriques.

Cependant nous prions ici pour elle, pourvu qu'elle ne foit point perfécutante; & nous regardons les papiftes comme nos frères, quoiqu'ils ne veuillent point être nos frères. Jugez qui de nous approche le plus de la grande loi de la nature. Ils nous difent : Vous êtes dans l'erreur, & nous vous réprouvons. Nous leur répondons: Vous nous paraiffez être dans l'efclavage, dans l'ignorance, dans la démence ; nous vous plaignons & nous vous chériffons.

Quele fruit de notre communion foit donc toujours, mes frères, de voir les faiblelles & les misères humaines fans averfion & fans colère, & d'aimer, s'il se peut,

ceux que nous jugeons déraisonnables, autant que ceux qui nous femblent être dans le chemin de la vérité, quand ils pensent comme nous.

Après nous être affermis dans ce premier devoir de tous les hommes, de quelque religion qu'ils puiffent être, d'adorer DIEU & d'aimer fon prochain; que nous fervirait d'examiner quel jour JESUS fit le fouper de la pâque, & s'il était couché fur un lit en mangeant comme les feigneurs romains, ou s'il mangea debout un bâton à la main, comme l'ordonnait la loi des Juifs? la morale qui doit diriger toutes nos actions en fera-t-elle plus pure, lorfque nous aurons difcuté fi JESUS fut crucifié la veille ou l'avant-veille de la pâque juive? Si cela n'eft pas clair dans les Evangiles, il est très-clair que nous devons être gens de bien tous les jours de l'année qui précèdent & qui fuivent cette

cérémonie.

Plufieurs favans s'inquiètent que l'Evangile de S'Jean ne dife pas un feul mot de l'inftitution de l'euchariftie, de la bénédiction du pain, & de ces paroles myftérieuses qui ont caufé tant de malheurs: Ceci est mon corps, ceci eft le calice de mon fang. Ils s'étonnent que le disciple bien-aimé garde le filence fur le principal point de la miffion de fon maître.

On dispute fur l'heure de fa mort, fur les femmes qui affiftèrent à fon fupplice; St Matthieu difant qu'elles étaient loin, & St Jean affirmant au contraire qu'elles étaient auprès de la croix, & que JESUS leur parla.

On dispute fur farésurrection, sur ses apparitions, fur fon afcenfion dans les airs. Ces paroles même qu'on trouve dans St Jean : Je vais à mon père qui est

votre père, à mon Dieu qui eft votre Dieu, ont fourni à l'Eglife de ceux qu'on appelle fociniens un prétexte qu'ils ont cru plausible, de foutenir que JESUS n'était

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pas Dieu, mais feulement envoyé de DIEU.

On ne s'accorde pas fur le lieu duquel il monta au ciel. S' Luc dit que ce fut en Béthanie; S' Marc ne dit pas en quel endroit; St Matthieu, St Jean, n'en parlent pas. S' Luc même, dans fon évangile, nous fait entendre que JESUS monta au ciel le lendemain de fa réfurrection; & dans les Actes des apôtres, il dit que ce fut après quarante jours. Toutes ces contradictions exercent l'efprit des favans, mais elles ne les rendent ni plus modeftes, ni plus doux, ni plus compatiffans.

La naissance, la vie, & la mort de JESUS, font l'éternel fujet de difputes interminables. S' Luc nous dit qu'Augufte ordonna un dénombrement de toute la terre, & que Jofeph & Marie vinrent fe faire dénombrer à Bethleem, quoique Jofeph ne fût pas natif de Bethleem, mais de la Galilée. Cependant ni aucun auteur romain, ni Flavien Jofephe lui-même ne parlent de ce dénombrement. Luc dit que Jofeph & Marie furent dénombrés fous Cirinius ou Quirinius gouverneur de Syrie; mais il eft avéré par Tacite que ce Cirinius ou Quirinius ne gouverna la Syrie que dix ans après, & que c'était alors Quintilius Varus qui était gouverneur. Luc donne pour grand-père à JESUS Héli père de Jofeph; Matthieu donne à Jofeph, Jacob pour père: & tous deux, en donnant chacun à Jofeph une généalogie absolument différente, difent que JESUS n'était pas fon fils. Luc affure que Jofeph & Marie emmenèrent JESUS en Galilée; Matthieu dit qu'ils l'emmenèrent en Egypte.

Quand un ange, mes frères, defcendrait de la voie lactée pour venir concilier ces contrariétés, quand il nous apprendrait le véritable nom du père de Jofeph, que nous en reviendrait-il? quel fruit en retirerionsnous? en ferions-nous plus gens de bien ? n'eft-il pas évident que nous devons être bons pères, bons maris, bons fils, bons citoyens, foit que le père de Jofeph s'appelât Heli ou Jacob, foit qu'on ait emmené l'enfant JESUS en Galilée ou en Egypte ? Que Luc s'accorde bénéficiers gros ou ne s'accorde pas avec Matthieu, les d'Allemagne n'en feront pas moins riches, & nous ne leur envierons pas leurs richeffes.

Il n'y a pas une page dans l'Ecriture qui n'ait été un sujet de conteftation, & par conféquent de haine. Que faut-il donc faire, mes très-chers frères dans les ténèbres où nous marchons? Je vous l'ai déjà dit, & vous le penfez comme moi. Nous devons rechercher la juftice plus que la lumière, & tolérer tout le monde, afin que nous foyons tolérés.

PRÊCHÉ A BASL E,

LE

PREMIER JOUR DE L'AN 1768,

Par JOSIAS ROSSETTE.

COMMENÇONS l'année, Meffieurs, par

rendre grâce

à DIEU du plus grand événement qui ait fignalé le fiècle où nous vivons; ce n'est pas une bataille gagnée par les meurtriers aux gages d'un roi qui demeure vers la Sprée, contre les meurtriers aux gages des fouverains qui habitent le bord du Danube, ou contre ceux qui fortent des bords de la Garonne, de la Loire, & du Rhône, pour aller en grand nombre porter la dévaftation en Germanie, & pour revenir en très-petit nombre dans leurs foyers.

Je n'ai point à vous entretenir de ces fureurs qui ont ufurpé le nom de gloire, & qui font plus déteftées par les fages qu'elles ne font vantées par les infenfés. S'il eft une conquête dans l'augufte entreprise que nous célébrons, c'eft une conquête fur le fanatifme; c'est la victoire de l'efprit pacificateur fur l'efprit de perfécution; c'est le genre humain rétabli dans fes droits, des bords de la Viftule aux rivages de la mer Glaciale, & aux montagnes du Caucase, dans une étendue de terre deux fois plus grande que le refte de l'Europe.

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