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qu'il est impoffible d'entendre; fi je vois la miséricorde de DIEU là où vous ne voulez voir que puiffance; fi j'ai dit que tous les difciples de JESUS étaient égaux, quand vous avez cru les devoir fouler à vos pieds; fi je n'ai adoré que DIEU feul, quand vous lui avez donné des affociés; enfin, fi j'ai mal dit en n'étant pas de votre avis, rendez témoignage du mal; & fi j'ai bien dit, pourquoi m'accablez-vous d'injures & d'opprobre? pourquoi me pourfuivezvous, me jetez-vous dans les fers, me livrez-vous aux tortures, aux flammes, m'infultez-vous encore après ma mort? Hélas! fi j'avais mal dit, vous ne deviez que me plaindre & m'inftruire. Vous êtes furs que vous êtes infaillibles; que votre opinion eft divine; que les portes de l'enfer ne pourront jamais prévaloir contre elle; que toute la terre embraffera un jour votre opinion; que le monde vous fera foumis; que vous régnerez du mont Atlas aux îles du Japon. En quoi mon opinion peut-elle donc vous nuire? Vous ne me craignez pas, & vous me perfécutez! Vous me méprifez, & vous me faites périr!

Que répondre, mes frères, à ces modeftes & puiffans reproches? ce que répond le loup à l'agneau : Tu as troublé l'eau que je bois. C'est ainsi que les hommes fe font traites les uns les autres, l'Evangile & le fer à la main; prêchant le défintéreffement, & accumulant des tréfors; annonçant l'humilité, & marchant fur les têtes des princes profternés; recommandant la miféricorde, & fefant couler le fang humain.

Si ces barbares trouvent dans l'Evangile quelque parabole dont le fens puiffe être détourné en leur faveur, par quelque interprétation frauduleufe, ils

s'en faififfent comme d'une enclume fur laquelle ils forgent leurs armes meurtrières.

Eft-il parlé de deux glaives fufpendus à un plafond? ils s'arment de cent glaives pour frapper. S'il eft dit qu'un roi a tué fes bêtes engraiffées, a forcé des aveugles, des eftropiés, de venir à son festin, & a jeté celui qui n'avait pas fa robe nuptiale dans les ténèbres extérieures; eft-ce une raison, mes frères, qui les mette en droit de vous enfermer dans des cachots comme ce convive, de vous difloquer les membres dans les tortures, de vous arracher les yeux pour vous rendre aveugles comme ceux qui ont été traînés à ce festin; de vous tuer, comme ce roi a tué fes bêtes engraiffées? C'est pourtant fur de telles équivoques que l'on s'eft fondé fi fouvent pour défoler une grande partie de la terre.

Ces terribles paroles: Je ne fuis pas venu apporter la paix, mais le glaive, ont fait périr plus de chrétiens, que la feule ambition n'en a jamais immolés.

Les Juifs difperfés & malheureux fe confolent de leur abjection, quand ils nous voient toujours oppofés les uns aux autres depuis les premiers jours du chriftianisme, toujours en guerre ou publique ou fecrète, perfécutés & perfécuteurs, oppreffeurs & opprimés; ils font unis entre eux, & ils rient de nos querelles éternelles. Il femble que nous n'ayons été occupés du foin de les venger. que

Miférables que nous fommes! nous infultons les païens, & ils n'ont jamais connu nos querelles théologiques; ils n'ont jamais versé une goutte de fang pour expliquer un dogme; & nous en avons inondé la térre. Je vous dirai furtout dans l'amertume de mon cœur: JESUS a été perfécuté, quiconque penfera

comme lui, fera perfécuté comme lui. Car enfin, qu'était JESUS aux yeux des hommes, qui ne pouvaient certainement foupçonner fa divinité? C'était un homme de bien qui, né dans la pauvreté, parlait aux pauvres contre les fuperftitions des riches pharifiens, & des prêtres infolens; c'était le Socrate de la Galilée. Vous favez qu'il dit à ces pharifiens: Malheur à vous, guides aveugles, qui coulez le moucheron, & qui avalez le chameau! Malheur à vous, parce que vous nettoyez les dehors de la coupe & du plat, & que vous êtes au-dedans pleins de rapines & d'impuretés! (h)

Il les appelle fouvent, fépulcres blanchis, races de vipères. Ils étaient pourtant des hommes conftitués en dignité. Ils fe vengèrent par le dernier fupplice. Arnaud de Brefcia, Jean Hus, Jérôme de Prague, en dirent beaucoup moins des pontifes de leurs jours, & ils furent fuppliciés de même. Ne choquez jamais la fuperftition dominante, fi vous n'êtes affez puiffans pour lui réfifter, ou affez habiles pour échapper à sa pourfuite. La fable de Notre-Dame de Lorette eft plus extravagante que toutes les métamorphofes d'Ovide; il eft vrai le miracle de San - Gennaro à Naples eft plus ridicule que celui d'Egnatia dont parle Horace; j'en conviens mais dites hautement à Naples, à Lorette, ce que vous penfez de ces abfurdités, il vous en coûtera la vie. Il n'en eft pas ainfi chez quelques. nations plus éclairées : le peuple y a fes erreurs, mais moins groffières; & le peuple le moins fuperftitieux eft toujours le plus tolérant.

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Rejetons donc toute fuperftition, afin de devenir plus humains; mais, en parlant contre le fanatisme, (h) Matthieu, XXIII.

n'irritons point les fanatiques; ce font des malades en délire qui veulent battre leurs médecins. Adouciffons leurs maux, ne les aigriffons jamais ; & fefons couler goutte à goutte dans leur ame ce baume divin de la tolérance, qu'ils rejeteraient avec horreur, fi on le leur préfentait à pleine coupe.

CINQUIEME HOMELIE,

SUR LA COMMUNION,

prononcée le jour de Pâques.

Nous voici affemblés, mes frères, pour la plus

augufte & la plus fainte cérémonie de l'année, pour la communion.

Qu'est-ce que la communion? c'eft mettre en commun fes devoirs; c'eft fe communiquer l'efprit fraternel qui doit animer les hommes. Nous fefons ici lá commémoration d'une cène que fit avec fes difciples lé CHRIST que nous reconnaiffons pour notre légiflateur. Il ordonna qu'on fît ces chofes en mémoire de lui; nous obéiffons. Il est vrai que nous ne mangeons pas un agneau cuit avec des laitues, ainfi qu'il le mangea, felon les rites de la loi juive qu'il obferva depuis fa naiffance jufqu'au dernier moment de fa vie; il eft vrai que notre léger repas n'eft plus une cène comme il l'était autrefois; il eft vrai que nous n'envoyons point chez un inconnu pour lui dire, comme dans St Matthieu Le maître vous envoie dire, je viens faire la pâque chez vous avec mes difciples: nous nous affemblons

le matin avec recueillement, nous mangeons le même pain confacré, nous buvons le même vin.

Mais à quoi nous fervirait cette communauté de nourriture, fi nous n'avions une communauté de charité, de bienfefance, de tolérance, de toutes les vertus fociales?

Je ne vous parlerai point ici de la manducation fpirituelle, différente de la réelle; je n'entrerai dans aucune des diftinctions de l'école, elles font trop au-deffus de notre heureufe fimplicité. Que le pape Innocent III, dans fon quatrième livre des mystères, épuise fon grand génie pour deviner ce que deviendrait le corps mystique ou réel de JESUS, s'il prenait un flux de ventre à un communiant, & de quelle matière feraient fes excrémens; ces matières font trop relevées pour moi.

Que Durand, dans fon Rational, (a) décide que ces matières ne feraient engendrées que par les accidens; que Tolet, (b) dans fon inftruction facerdotale, affirme qu'un prêtre pourrait confacrer & tranffubftantier tout le pain d'un boulanger, & tout le vin d'un cabaretier; que le concile de Trente ajoute que ce changement ne fe fait point, à moins que le prêtre n'en ait l'intention expreffe; que plufieurs docteurs difent que, dans l'euchariftie, il y a quantité fans quantum, & accident fans fubftance; qu'ils déclarent qu'on peut être camus fans avoir de nez, & boiteux fans avoir de jambes, fimitas fine nafo, claudicatio fine crure: je ne vois pas que la connaiffance de ces queftions fublimes ferve beaucoup à rendre les hommes

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(b) Tolet, de inftructione facerdotali, liv, II, chap. 25.

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