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toujours favorablement les difcours de nos amis & de nos partisans; traiterons-nous avec plus de dureté les faints livres des Juifs qui font l'objet de notre foi? Enfin, lisons les livres juifs pour être chrétiens; & s'ils ne nous rendent pas plus favans, qu'ils fervent au moins à nous rendre meilleurs.

QUATRIEME HOME LIE.

Sur l'interprétation du nouveau Teftament.

IL

MES FRERES,

eft dans le nouveau Teftament, comme dans l'ancien, des profondeurs qu'on ne peut fonder, & des fublimités où la faible raifon ne peut atteindre. Je ne prétends ici ni concilier les évangiles qui femblent quelquefois fe contredire, ni expliquer des mystères qui, de cela même qu'ils font myftères, doivent être inexplicables. Que des hommes plus favans que moi examinent fi la Ste Famille fe transporta en Egypté après le maffacre des enfans de Bethleem, felon faint Matthieu; ou fi elle refta en Judée, felon St Luc: qu'ils recherchent fi le père de Jofeph s'appelait Jacob, fon grand-père Matham, son bifaïeul Eleafar; ou bien si fon bifaïeul était Levi, fon grand-père Matat, & fon père Heli: qu'ils difpofent felon leurs lumières de cet arbre généalogique; c'eft une étude que je refpecte. J'ignore fi elle éclairera mon efprit; mais je fais bien qu'elle ne peut parler à mon cœur. La fcience n'est

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pas la vertu. Paul apôtre dit lui-même, dans fa première épître à Timothée, qu'il ne faut pas s'occuper des généalogies. Nous n'en ferons pas plus gens de bien quand nous faurons précifément quels étaient les aïeux de Jofeph, dans quelle année JESUS vint au monde, & fi Jacques était fon frère ou fon coufingermain. Que nous fervira d'avoir confulté ce qui nous refle des annales romaines, pour voir fi en effet Augufle ordonna qu'on fît un dénombrement des ples de toute la terre, quand Marie était enceinte de JESUS, quand Quirinus était gouverneur de la Syrie, & qu'Hérode régnait encore en Judée? Quirinus, que St Luc appelle Cirénius, ( difent les favans) ne fut gouverneur de Syrie que dix ans après: ce n'était pas du temps d'Hérode, c'était du temps d'Archelaus, & jamais Augufte n'ordonna un dénombrement de l'empire romain.

peu

On nous crie que l'Epître aux Hébreux, attribuée à Paul, n'eft point de Paul; que ni l'Apocalypfe ni l'Evangile de Jean ne font de Jean; que le premier chapitre de cet Evangile eft évidemment d'un grec platonicien; qu'il eft impoffible que ce livre foit d'un juif; que jamais un juif n'aurait fait prononcer ces paroles à JESUS: Je vous fais un commandement nouveau; c'est que vous vous aimiez les uns les autres. Certes, difent-ils, ce commandement n'était point nouveau. Il eft énoncé expreffément, & en termes plus énergiques dans les lois du Lévitique: Tu aimeras ton DIEU plus que toute autre chofe, & ton prochain comme toi-même. Un homme tel que JESUS-CHRIST," difent-ils; un homme favant dans les écritures, & qui confondait les docteurs à l'âge de douze ans ; un

homme qui parle toujours de la loi, ne pouvait ignorer la loi ; & fon disciple bien-aimé ne peut lui avoir imputé une erreur fi palpable.

Mes frères, ne nous troublons point, fongeons que JESUS parlait un idiome peu intelligible aux Grecs, compofé du fyriaque & du phénicien; que nous n'avons l'Evangile de St Jean qu'en gree; que cet Evangile fut écrit plus de cinquante ans après la mort de JESUS; que les copiftes peuvent aifément avoir altéré le texte; qu'il eft plus probable que le texte portait: Je vous fais un commandement qui n'eft pas nouveau, qu'il n'eft probable qu'il portât en effet ces mots: Je vous fais un commandement nouveau. Enfin, revenons à notre grand principe: le précepte eft bon: c'eft à nous à le fuivre fi nous pouvons; foit que Zoroaftre l'ait annoncé le premier, foit que Moïfe l'ait écrit, foit que JESUS l'ait renouvelé.

Irons-nous pénétrer dans les plus épaiffes ténèbres de l'antiquité, pour voir fi les ténèbres qui couvri rent toute la terre à la mort de JESUS, furent une éclipfe de foleil dans la pleine lune; fi un aftronome nommé Phlegon, que nous n'avons plus, a parlé de ce phénomène, ou fi quelqu'autre a jamais obfervé l'étoile des trois mages? Ces difficultés peuvent occuper un antiquaire; mais en confumant un temps précieux à débrouiller ce chaos, il ne l'aura pas employé en bonnes œuvres; il aura plus de doutes que de piété. Mes frères, celui qui partage fon pain avec le pauvre, vaut mieux que celui qui a comparé le texte hébreu avec le grec, & l'un & l'autre avec le famaritain.

Ce qui ne regarde que l'hiftoire fait naître mille disputes ce qui concerne nos devoirs n'en fouffre

aucune. Vous ne comprendrez jamais comment le diable emporta DIEU dans le défert; comment il le tenta pendant quarante jours; comment il le transporta au haut d'une colline d'où l'on découvrait tous les royaumes de la terre. Le diable qui offre à DIEU tous ces royaumes, pourvu que DIEU l'adore, pourra révolter votre efprit; vous chercherez quel mystère eft caché fous ces paraboles, & fous tant d'autres ; votre entendement fe fatiguera en vain; chaque parole vous plongera dans l'incertitude & dans les angoiffes d'une curiofité inquiète, qui ne peut fe fatisfaire. Mais fi vous vous bornez à la morale, cet orage fe diffipe, vous repofez dans le fein de la vertu.

J'ofe me flatter, mes frères, que fi les plus grands ennemis de la religion chrétienne nous entendaient dans ce temple écarté où l'amour de la vertu nöus raffemble; fi les lords Herbert, Shaftesbury, Bolingbroke; fi les Tindal, les Toland, les Collins, les Whilfton, les Trenchard, les Gordon, les Swift, étaient témoins de notre douce & innocente fimplicité, ils auraient pour nous moins de mépris & d'horreur. Ils ne ceffent de nous reprocher un fanatifme abfurde. Nous ne fommes point fanatiques en étant de la religion de JESUS; il adorait un DIEU, & nous l'adorons; Il méprifait de vaines cérémonies, & nous les méprifons. Aucun Evangile n'a dit que fa mère fût mère de DIEU; aucun n'a dit qu'il fût confubftantiel à DIEU, ni qu'il eût deux natures & deux volontés dans une même perfonne, ni que le St Efprit procédât du Père & du Fils. Vous ne trouverez dans aucun Evangile, que les difciples de JESUS doivent s'arroger le titre de St Père, de milord, de monfeigneur; que douze mille

pièces d'or doivent être le revenu d'un prêtre qui demeure à Lambeth, tandis que tant de cultivateurs utiles ont à peine de quoi enfemencer les trois ou quatre acres de terre qu'ils labourent, & qu'ils arrofent de pleurs. L'Evangile n'a point dit aux évêques de Rome: Forgez une donation de Conftantin, pour. vous emparer de la ville des Scipions & des Cefars, pour ofer être fuzerains du royaume de Naples: évêques allemands, profitez d'un temps d'anarchie pour envahir la moitié de l'Allemagne. JESUS fut un pauvre qui prêcha des pauvres. Que dirions-nous des difciples de Pen & de Fox, ennemis du faste, ennemis des honneurs, amoureux de la paix, s'ils marchaient une mitre d'or en tête, entourés de foldats; s'ils raviffaient la fubftance des peuples; s'ils voulaient commander aux rois; fi leurs fatellites, fuivis de bourreaux, criaient à haute voix Nations imbéçilles, croyez à Fox & à Pen, ou vous allez expirer

dans les fupplices?

Vous favez mieux que moi quel funefte contrafte tous les fiècles ont vu entre l'humilité de JESUS, & l'orgueil de ceux qui se font parés de fon nom; entre leur avarice, & fa pauvreté; entre leurs débauches, & fa chafteté; entre fa foumiffion, & leur fanguinaire tyrannie.

De toutes fes paroles, mes frères, j'avoue que rien ne m'a fait plus d'impreffion que ce qu'il répondit à ceux qui eurent la brutalité de le frapper avant qu'on le conduisît au fupplice : Si j'ai mal dit, rendez témoignage du mal; & fi j'ai bien dit, pourquoi me frappez-vous? Voilà ce qu'on a dû dire à tous les perfécuteurs. Si j'ai une opinion différente de la vôtre, fur des chofes

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