Page images
PDF
EPUB

des ames, qui rient en même temps de l'accufé & de l'accufateur.

Enfin le fuperftitieux devient fanatique, & c'eft alors que fon zèle eft capable de tous les crimes au nom du Seigneur.

Nous ne fommes plus, il eft vrai, dans ces temps abominables où les parens & les amis s'égorgeaient, où cent batailles rangées couvraient la terre de cadavres . pour quelques argumens de l'école; mais des cendres de ce vafte incendie il renaît tous les jours quelques étincelles : les princes ne marchent plus aux combats à la voix d'un prêtre ou d'un moine; mais les citoyens fe perfécutent encore dans le fein des villes, & la vie privée eft souvent empoifonnée de la pefte de la fuperftition. Que diriez-vous d'une famille qui ferait toujours prête à fe battre, pour deviner de quelle manière il faut faluer fon père? Eh! mes enfans, il s'agit de l'aimer: : vous le faluerez comme vous pourrez. N'êtesvous frères que pour être divifés, & faudra-t-il que ce qui doit vous unir foit toujours ce qui vous fépare?

Je ne connais pas une feule guerre civile entre les Turcs pour la religion. Que dis-je, une guerre civile ? l'hiftoire n'a marqué aucune fédition, aucun trouble, parmi eux, excité par la controverfe. Eft-ce parce qu'ils ont moins de prétextes de disputes? Eft-ce parce qu'ils font nés moins inquiets & plus fages que nous? Ils ne s'informent pas de quelle fecte vous êtes pourvu que vous payiez exactement un tribut léger. Chrétiens latins, chrétiens grecs, jacobites, monothélites, cophtes, proteftans, réformés, tout eft bien venu chez eux, tandis qu'il n'y a pas trois nations chez les chrétiens qui exercent cette humanité.

Enfin, mes frères, JESUS ne fut point superstitieux, il ne fut point intolérant ; il n'a pas proféré une feule parole contre le culte des Romains, dont fa patrie était environnée. Imitons fon indulgence, & méritons qu'on en ait pour nous.

Ne nous effrayons pas de cet argument barbare fi fouvent répété. Le voici je crois dans toute fa force:

[ocr errors]

" Vous croyez qu'un homme de bien peut trouver , grâce devant l'Etre des êtres, devant le DIEU de ,, justice & de miféricorde, dans quelque temps, dans ,, quelque lieu, dans quelque religion, qu'il ait confumé ,, fa courte vie; & nous au contraire nous affirmons " qu'on ne peut plaire à DIEU qu'en étant né parmi ,, nous, ou ayant été enfeigné par nous : il nous eft démontré que nous fommes les feuls dans le monde , qui ayons raison. Nous favons que DIEU étant ,, venu fur la terre & étant mort du dernier fupplice " pour tous les hommes, il ne veut pourtant avoir " pitié que de notre petite affemblée, & que même , dans cette affemblée il n'y a que fort peu de perfonnes qui pourront échapper à des peines éternelles. Prenez donc le parti le plus fûr; entrez ,, dans notre petite affemblée, & tâchez d'être élu ,, chez nous.››

Remercions nos frères qui tiennent ce langage; félicitons-les d'être certains que tout l'univers est damné, hors un petit nombre d'entr'eux, & croyons que notre fecte vaut mieux que la leur, par cela feul qu'elle eft plus raisonnable & plus compatiffante. Quiconque me dit, Penfe comme moi, ou DIEU te damnera, me dira bientôt, Penfe comme moi, ou je t'affaffinerai. Prions DIEU qu'il adouciffe ces cœurs Philofophie &c. Tome I. F f

atroces, & qu'il inspire à tous fes enfans des fentimens de frères. Nous voilà dans notre île où la fecte épiscopale domine depuis Douvres jufqu'à la petite rivière de Twede. De-là jufqu'à la dernière des Orcades. le presbytérianifme eft en crédit, & fous ces deux religions régnantes il y en a dix ou douze autres particulières. Allez en Italie, vous trouverez le defpotisme papiste fur le trône. Ce n'eft plus la même chofe en France; elle est traitée à Rome de demi-hérétique. Paffez en Suiffe, en Allemagne, vous couchez aujourd'hui dans une ville calvinifte, demain dans une papifte, après demain dans une luthérienne. Allez jufqu'en Ruffie, vous ne voyez plus rien de tout cela. C'est une fecte toute différente. La cour y eft éclairée, à la vérité, par une impératrice philofophe. L'augufte Catherine a mis la raison fur le trône, comme elle y a placé la magnificence & la générofité; mais le peuple de fes provinces détefte encore également, & luthériens, & calviniftes, & papiftes. Il ne voudrait ni manger avec aucun d'eux, ni boire dans le même verre. Or je vous demande, mes frères, ce qui arriverait fi dans une affemblée de tous ces fectaires, chacun fe croyait autorifé par l'efprit divin à faire triompher fon opinion? Ne voyez-vous pas les épées tirées, les potences dreffées, les bûchers allumés, d'un bout de l'Europe à l'autre? Quel eft donc celui qui a raifon dans ce chaos de difputes? le tolérant, le bienfefant. Ne dites pas qu'en prêchant la tolérance nous prêchons l'indifférence. Non, mes frères; celui qui adore DIEU, & qui fait du bien aux hommes n'eft point indifférent. Ce nom convient bien davantage au fuperftitieux qui pense que DIEU lui faura gré d'avoir proféré des

formules inintelligibles, tandis qu'il eft en effet trèsindifferent fur le fort de fon frère qu'il laiffe périr fans fecours, ou qu'il abandonne dans la difgrace, ou qu'il flatte dans la profpérité, ou qu'il perfécute s'il eft d'une autre fecte, s'il eft fans appui & fans protection. Plus le fuperftitieux fe concentre dans des pratiques & dans des croyances abfurdes, plus il a d'indifférence pour les vrais devoirs de l'humanité. Souvenons-nous à jamais d'un de nos charitables compatriotes. Il fondait un hôpital pour les vieillards dans fa province; on lui demandait fi c'était pour des papistes, des luthériens, des presbytériens, des quakers, des fociniens, des anabaptistes, des méthodistes, des memnoniftes? Il répondit: Pour des hommes.

O mon DIEU! écarte de nous l'erreur de l'atheisme qui nie ton existence, & délivre - nous de la superstition qui outrage ton existence, & qui rend la nôtre affreuse.

TROISIEME HOMELIE.

Sur l'interprétation de l'ancien teflament.

MES

FRERE S.

LES

ES livres gouvernent le monde, ou du moins toutes les nations qui ont l'ufage de l'écriture; les autres ne méritent pas qu'on les compte. Le ZendaVefta, attribué au premier Zoroaftre, fut la loi des Perfans. Le Veidam & le Shaftabad font encore celle

des brames. Les Egyptiens furent régis par les livres de Thot qu'on appela le premier Mercure. L'Alcoran ou le Koran gouverne aujourd'hui l'Afrique, l'Egypte, l'Arabie, les Indes, une partie de la Tartarie, la Perse entière, la Scythie dans la Cherfonèfe, l'Afie mineure, la Syrie, la Thrace, la Theffalie, & toute la Grèce, jufqu'au détroit qui fépare Naples de l'Empire. Le Pentateuque gouverne les Juifs ; & par une fingulière providence il eft aujourd'hui notre règle. Notre devoir eft de lire ensemble cet ouvrage divin, qui eft le fondement de notre foi.

Au commencement DIEU créa les cieux & la terre. Et la terre était fans forme & vide; les ténèbres étaient sur la face de l'abyme, & l'efprit de DIEU fe mouvait fur le deffus des caux. Et DIEU dit: Que la lumière foit ; & la lumière fut. Et DIEU vit que la lumière était bonne, & DIEU fépara la lumière d'avec les ténèbres. Et DIEU nomma la lumière jour; & les ténèbres nuit. Ainfi fut le foir, ainfi fut le matin; ce fut le premier jour. Puis DIEU dit: Qu'il y ait une étendue entre les eaux, & qu'elle fépare les eaux d'avec les eaux. DIEU donc fit l'étendue, & fepara les eaux qui font au-deffous de l'étendue, d'avec celles qui font au-deffus de l'étendue; & il fut ainfi. Et DIEU nomma l'étendue cieux. Ainfi fut le foir, ainfi fut le matin, ce fut le fecond jour. Puis DIEU dit: Que les eaux qui font au-deffous des cieux foient raffemblées en un lieu, & que le fec paraisse; & il fut ainfi &c.

Nous favons, mes frères, que DIEU en parlant ainfi aux Juifs daigna fe proportionner à leur intelligence encore groffière. Perfonne n'ignore que notre terre n'eft qu'un point, en comparaifon de l'efpace

« PreviousContinue »