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Des facrifices de fang humain.

AVONS-NOUS jamais été coupables de la folle & horrible fuperftition de la magie qui a porté tant de peuples à préfenter aux prétendus dieux de l'air, & aux prétendus dieux infernaux, les membres fanglans de tant de jeunes gens & de tant de filles, comme des offrandes précieufes à ces monftres imaginaires? Aujourd'hui même encore, les habitans des rives du Gange, de l'Indus, & des côtes de Coromandel, mettent le comble de la fainteté à fuivre en pompe de jeunes femmes riches & belles qui vont fe brûler fur le bûcher de leurs maris, dans l'efpérance d'être réunies avec eux dans une vie nouvelle. Il y a trois mille ans que dure cette épouvantable fuperftition, auprès de laquelle le filence ridicule de nos anachorètes, leur ennuyeuse pfalmodie, leur mauvaise chère, leurs cilices, leurs petites macérations, ne peuvent pas même être comptés pour des pénitences. Les brames ayant, après des fiècles de théifme pur & fans tache, fubftitué la fuperftition à l'adoration fimple de l'être fuprême, corrompirent leurs voies & encouragèrent enfin ces facrifices. Tant d'horreur ne pénétra point à la Chine, dont le fage gouvernement eft exempt depuis près de cinq mille ans de toutes les démences superstitieuses. Mais elle se répandit dans le reste de notre hémisphère. Point de peuple qui n'ait immolé des hommes à DIEU, & point de peuple qui n'ait été féduit par l'illufion affreufe de la magie. Phéniciens, Syriens, Scythes, Perfans, Egyptiens, Africains, Grecs, Romains, Celtes, Germains, tous ont voulu

être magiciens, & tous ont été religieufement homicides.

Les Juifs furent toujours infatués de fortiléges; ils jetaient les forts, ils enchantaient les ferpens, ils prédifaient l'avenir par les fonges, ils avaient des voyans qui fefaient retrouver les chofes perdues, ils chafferent les diables & guérirent les poffédés avec la racine barath en prononçant le mot Jaho, quand ils eurent connu la doctrine des diables en Chaldée. Les pythoniffes évoquèrent des ombres. Et même l'auteur de l'Exode, quel qu'il foit, eft fi perfuadé de l'existence de la magie, qu'il repréfente les forciers attitrés de Pharaon opérant les mêmes prodiges que Moïfe. Ils changèrent leurs bâtons en ferpens comme Moïfe, ils changèrent les eaux en fang comme lui, ils couvrirent comme lui la terre de grenouilles, &c. Ce ne fut que fur l'article des poux qu'ils furent vaincus; fur quoi on a très-bien dit que les Juifs en favaient plus que les autres peuples en cette partie.

Cette fureur de la magie, commune à toutes les nations, difpofa les hommes à une cruauté religieufe & infernale, avec laquelle ils ne font certainement pas nės, puifque de mille enfans vous n'en trouvez pas un feul qui aime à verfer le fang humain.

Nous ne pouvons mieux faire que de transcrire ici un paffage de l'auteur de la Philofophie de l'hiftoire, (p) quoiqu'il ne foit pas de notre avis en tout.

,, Si nous lisons l'hiftoire des Juifs écrite par un ,, auteur d'une autre nation, nous aurions peine à ,, croire qu'il y ait eu en effet un peuple fugitif " d'Egypte, qui foit venu par ordre exprès de DIEU (†) Ou l'introdu&ion à l'Essai fur les mœurs &c.

,, immoler fept ou huit petites nations qu'il ne con

naiffait pas, égorger fans miféricorde toutes les , femmes, les vieillards, & les enfans à la mamelle,

& ne réferver que les petites filles; que ce peuple ,, faint ait été puni de fon Dieu quand il avait été "affez criminel pour épargner un feul homme dévoué ,, à l'anathème. Nous ne croirions pas qu'un peuple ,, fi abominable eût pu exifter fur la terre; mais , comme cette nation elle-même nous rapporte tous ces faits dans fes livres faints, il faut la croire.

Je ne traite point ici la question fi ces livres ont " été infpirés. Notre fainte Eglife, qui a les Juifs en horreur, nous apprend que les livres juifs ont été " dictés par le DIEU créateur & père de tous les ,, hommes; je ne puis en former aucun doute, ni me " permettre même le moindre raifonnement.

,, Il eft vrai que notre faible entendement ne peut ,, concevoir dans DIEU une autre fageffe, une autre ,, justice, une autre bonté que celle dont nous avons ‚ l'idée; mais enfin, il a fait ce qu'il a voulu ; ce n'est " pas à nous de le juger; je m'en tiens toujours au " fimple hiftorique.

,, Les Juifs ont une loi par laquelle il leur eft " expreffément ordonné de n'épargner aucune chofe, , aucun homme dévoué au Seigneur; on ne pourra le racheter, il faut qu'il meure, dit la loi du Lévitique chapitre XXVII. C'eft en vertu de cette loi qu'on " voit Jephté immoler fa propre fille, le prêtre Samuel ,, couper en morceaux le roi Agag. Le Pentateuque ›› nous dit que dans le petit pays de Madian, qui eft ,, environ de neuf lieues quarrées, les Ifraélites ayant

trouvé fix cents foixante-quinze mille brebis,

,, foixante & douze mille bœufs, foixante & un mille

ânes, & trente-deux mille filles vierges, Moïfe ", commanda qu'on maffacrât tous les hommes, toutes "les femmes, & tous les enfans, mais qu'on gardât les "filles, dont trente-deux feulement furent immolées. "Ce qu'il y a de remarquable dans ce dévouement, ,, c'eft que ce même Moïfe était gendre du grand-prêtre "des Madianites, Jethro, qui lui avait rendu les "plus fignalés fervices, & qui l'avait comblé de ,, bienfaits.

"Le même livre nous dit que Jofué, fils de Nun, " ayant paffé avec fa horde la rivière du Jourdain à "pied fec, & ayant fait tomber au fon des trompettes , les murs de Jéricho dévoué à l'anathème, il fit périr " tous les habitans dans les flammes; qu'il conferva ,, feulement Rahab la paillarde & fa famille qui avait " caché les espions du faint peuple; que le même " Jofué dévoua à la mort douze mille habitans de la " ville de Hai; qu'il immola au Seigneur trente & " un rois du pays, tous foumis à l'anathème & qui , furent pendus. Nous n'avons rien de comparable à " ces affaffinats religieux dans nos derniers temps, fi " ce n'eft peut-être la St Barthelemi & les maffacres ⚫ d'Irlande.

,, Ce qu'il y a de trifte, c'eft que plufieurs perfonnes doutent que les Juifs aient trouvé fix cents " foixante & quinze mille brebis, & trente-deux mille

filles pucelles dans le village d'un défert au milieu ,, des rochers; & que perfonne ne doute de la ,, St Barthelemi. Mais ne ceffons de répéter combien les ,, lumières de notre raison font impuiffantes pour nous " éclairer fur les étranges événemens de l'antiquité,

,, & fur les raifons que DIEU, maître de la vie & de , la mort, pouvait avoir de choisir le peuple juif pour "exterminer le peuple cananéen. "

Nos chrétiens, il le faut avouer, n'ont que trop imité ces anathèmes barbares tant recommandés chez les Juifs: c'eft de ce fanatifme que fortirent les croifades qui dépeuplèrent l'Europe pour aller immoler en Syrie des Arabes & des Turcs à JESUS-CHRIST; c'eft ce fanatifme qui enfanta les croifades contre nos frères innocens appelés hérétiques; c'eft ce fanatisme toujours teint de fang qui produifit la journée infernale de la St Barthelemi, & remarquez que c'eft dans ce temps affreux de la St Barthelemi que les hommes étaient le plus abandonnés à la magie. Un prêtre nommé Séchelle, brûlé pour avoir joint aux fortiléges les empoisonnemens & les meurtres, avoua dans fon interrogatoire que le nombre de ceux qui fe croyaient magiciens paffait dix-huit mille; tant la démence de la magie eft toujours compagne de la fureur religieufe, comme certaines maladies épidémiques en amènent d'autres, & comme la famine produit fouvent la pefte.

Maintenant, qu'on ouvre toutes les annales du monde, qu'on interroge tous les hommes, on ne trouvera pas un feul theifte coupable de ces crimes. Non, il n'y en a pas un qui ait jamais prétendu favoir l'avenir au nom du diable, ni qui ait été meurtrier au nom de DIEU.

On nous dira que les athées font dans les mêmes termes, qu'ils n'ont jamais été ni des forciers ridicules, ni des fanatiques barbares. Hélas! que faudra t-il en conclure? que les athées, tout audacieux, tout

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