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VIII.

LES Opinions relâchées plaisent tant aux hommes naturellement, qu'il eft étrange qu'elles leur déplaifent.

L'EXPÉRIENCE ne prouve-t-elle pas au contraire qu'on n'a de crédit fur l'efprit des peuples qu'en leur propofant le difficile, l'impoffible même à faire & à croire. Les ftoïciens furent refpectés parce qu'ils écrafaient la nature humaine. Ne propofez que des choses raisonnables, tout le monde répond: nous en favions autant. Ce n'eft pas la peine d'être infpiré pour être commun. Mais commandez des chofes dures, impraticables; peignez la Divinité toujours armée de foudres; faites couler le fang devant les autels; vous ferez écouté de la multitude, & chacun dira de vous: Il faut bien qu'il ait raifon, puisqu'il débite fi hardiment des chofes fi étranges.

Je ne vous envoie point mes autres remarques fur les Penfées de M. Pafcal, qui entraîneraient des difcuffions trop longues. On a voulu donner pour des lois, des penfées que Pafcal avait probablement jetées fur le papier comme des doutes. Il ne fallait pas croire démontré ce qu'il aurait réfuté lui-même.

Fin des remarques fur les penfées de M. Pafcal.

DES THEISTES,

TRADUITE DE L'ALLEMAND.

O

Vous qui avez fu porter fur le trône la philofophie & la tolérance, qui avez foulé à vos pieds les préjugés, qui avez enfeigné les arts de la paix comme ceux de la guerre ! joignez votre voix à la nôtre, & que la vérité puiffe triompher comme vos armes.

Nous fommes plus d'un million d'hommes dans l'Europe qu'on peut appeler theifles; nous ofons en attefter le DIEU unique que nous fervons. Si l'on pouvait raffembler tous ceux qui fans examen se laissent entraîner aux divers dogmes des fectes où ils font nés, s'ils fondaient leur propre cœur, s'ils écoutaient leur fimple raifon, la terre ferait couverte de nos femblables.

Il n'y a qu'un fourbe ou un homme absolument étranger au monde qui ofe nous démentir, quand nous dirons que nous avons des frères à la tête de toutes les armées, fiégeans dans tous les tribunaux, docteurs dans toutes les églifes, répandus dans toutes les profeffions, revêtus enfin de la puiffance fuprême.

Notre religion eft fans doute divine, puifqu'elle a été gravée dans nos cœurs par DIEU même, par ce maître de la raison univerfelle qui a dit au Chinois, à l'Indien, au Tartare, & à nous: Adore-moi, & fois jufte.

Notre religion eft auffi ancienne que le monde, puifque les premiers hommes n'en pouvaient avoir d'autre, foit que ces premiers hommes fe foient appelés Adimo & Procriti dans une partie de l'Inde, & Brama dans l'autre, ou Prométhée & Pandore chez les Grecs, ou Oshireth & Isheth chez les Egyptiens, ou qu'ils aient eu en Phenicie des noms que les Grecs ont traduits par celui d'Eon; foit qu'enfin on veuille admettre les noms d'Adam & d'Eve donnés à ces premières créatures dans la fuite des temps par le petit peuple juif. Toutes les nations s'accordent en ce point, qu'elles ont anciennement reconnu un feul DIEU auquel elles ont rendu un culte fimple & fans mélange, qui ne put être infecté d'abord de dogmes fuperftitieux.

Notre religion, ô grand homme! eft donc la feule qui foit universelle, comme elle eft la plus antique & la feule divine. Nations égarées dans le labyrinthe de mille fectes différentes, le théifme eft la bafe de vos édifices fantastiques; c'eft fur notre vérité que vous avez fondé vos abfurdités. Enfans ingrats, nous fommes vos pères, & vous nous reconnaissez tous pour vos pères quand vous prononcez le nom de DIEU.

Nous adorons depuis le commencement des chofes la Divinité unique, éternelle, rémunératrice de la vertu, & vengereffe du crime; jufque-là tous les hommes font d'accord, tous répètent après nous cette confeffion de foi.

Le centre où tous les hommes fe réuniffent dans tous les temps & dans tous les lieux eft donc la vérité, & les écarts de ce centre font donc le menfonge.

Que DIEU eft le père de tous les hommes.

SI DIEU a fait les hommes, tous lui font également chers, comme tous font égaux devant lui; il eft donc abfurde & impie de dire que le père commun a choisi un petit nombre de ses enfans pour exterminer les autres en fon nom.

Or, les auteurs des livres juifs ont pouffé leur extravagante fureur jusqu'à ofer dire que dans des temps très-récens par rapport aux fiècles antérieurs, le DIEU de l'univers choifit un petit peuple barbare efclave chez les Egyptiens, non pas pour le faire régner fur la fertile Egypte, non pas pour qu'il obtînt les terres de leurs injuftes maîtres, mais pour qu'il allât à deux cents cinquante milles de Memphis égorger, exterminer, de petites peuplades voifines de Tyr, dont il ne pouvait entendre le langage, qui n'avaient rien de commun avec lui, & fur lefquelles il n'avait pas plus de droit que fur l'Allemagne. Ils ont écrit cette horreur; donc ils ont écrit des livres abfurdes & impies.

Dans ces livres, remplis à chaque page de fables contradictoires; dans ces livres écrits plus de fept cents ans après la date qu'on leur donne; dans ces livres plus méprifables que les contes arabes & perfans, il eft rapporté que le DIEU de l'univers defcendit dans un buiffon pour dire à un pâtre âgé de quatre-vingts ans: Otez vos fouliers. . . . que chaque femme de votre horde demande à fa voifine, à fon hôteffe, des vafes d'or & d'argent, des robes, & vous volerez les Egyptiens. (a)

(a) Exode, chap. III,

Et je vous prendrai pour mon peuple, & je ferai votre DIEU. (b)

Et j'endurcirai le cœur du pharaon, du roi. (c)

Si vous obfervez mon pacte, vous ferez mon peuple particulier fur tous les autres peuples. (d)

Jofue parle ainfi expreffément à la horde hébraïque: S'il vous paraît mal de fervir Adonaï, l'option vous eft donnée, choififfez aujourd'hui ce qu'il vous plaira; voyez qui vous devez fervir, ou les dieux que vos pères ont adorés dans la Mefopotamie, ou bien les dieux des Amorrhéens chez qui vous habitez. (e)

Il eft bien évident par ces paffages, & par tous ceux qui les précèdent, que les Hébreux reconnaiffaient plufieurs dieux; que chaque peuplade avait le fien; que chaque dieu était un dieu local, un dieu particulier.

Il eft même dit dans Ezéchiel, dans Amos, dans le difcours de St Etienne, que les Hébreux n'adorèrent point le dieu Adonaï dans le défert, mais Remphan & Kium.

Le même Jofue continue & leur dit : Adonaï eft fort & jaloux.

N'eft-il donc pas prouvé par tous ces témoignages que les Hébreux reconnurent dans leur Adonaï une espèce de roi visible aux chefs du peuple, invisible au peuple, jaloux des rois voifins, & tantôt vainqueur, tantôt vaincu?

Qu'on remarque furtout ce paffage des Juges : Adonai marcha avec Juda & fe rendit maître des montagnes,

(b) Exode, chap. VI. c) Ibid. chap. VII.

(d) Ibid. chap. XIX.
(e) Ibid. chap. XXIV.

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