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TOUT

In Deo vivimus, movemur, & fumus.

Tout fe meut, tout respire, & tout exifte en DIEU.

ARATUS,

RATUS, cité & approuvé par St Paul, fit cette confeffion de foi chez les Grecs.

Le vertueux Caton dit la même chofe dans Lucain:

Jupiter eft quodcumque vides, quocumque moveris.

Mallebranche eft le commentateur d'Aratus, de St Paul, & de Caton. Il a réuffi en montrant les erreurs des fens & de l'imagination; mais quand il a voulu développer cette grande vérité, que Tout eft en DIEU, tous les lecteurs ont dit que le commentaire eft plus obfcur que le texte.

Avouons avec Mallebranche que nous ne pouvons nous donner nos idées.

Avouons que les objets ne peuvent par eux-mêmes nous en donner; car comment fe peut-il qu'un morceau de matière ait en foi la vertu de produire dans moi une pensée ?

Donc l'être éternel, producteur de tout, produit les idées, de quelque manière que ce puisse être.

moi

Mais qu'eft-ce qu'une idée? qu'eft-ce qu'une fenfation, une volonté, &c.? C'eft moi apercevant, fentant, moi voulant.

On fait enfin qu'il n'y a pas plus d'être réel appelé idée, que d'être réel nommé mouvement; mais il y a des corps mus.

Philofophie &c. Tome I.

De même, il n'y a point d'être réel particulier nommée mémoire, imagination, jugement; mais nous nous fouvenons, nous imaginons, nous jugeons.

Tout cela eft d'une vérité incontestable.

Lois de la nature.

MAINTENANT, comment l'être éternel & formateur produit-il tous ces modes dans des corps organisés ?

A-t-il mis deux êtres dans un grain de froment dont l'un fera germer l'autre? A-t-il mis deux êtres dans un cerf dont l'un fera courir l'autre? non, fans doute; mais le grain eft doué de la faculté de végéter, & le cerf, de celle de courir.

Qu'est-ce que la végétation? c'est du mouvement dans la matière. Quelle eft cette faculté de courir? c'est l'arrangement des muscles qui, attachés à des os, conduifent en avant d'autres os attachés à d'autres muscles.

C'eft évidemment une mathématique générale qui dirige toute la nature, & qui opère toutes les productions. Le vol des oiseaux, le nagement des poiffons, la course des quadrupèdes, font des effets démontrés des règles du mouvement connues.

La formation, la nutrition, l'accroiffement, le dépériffement, des animaux, font de même des effets démontrés de lois mathématiques plus compliquées.

Les fenfations, les idées, de ces animaux peuventelles être autre chofe que des effets plus admirables de lois mathématiques plus utiles?

Mécanique des fens.

Vous expliquez par ces lois comment un animal fe meut pour aller chercher fa nourriture; vous devez donc conjecturer qu'il y a une autre loi par laquelle il a l'idée de fa nourriture, fans quoi il n'irait pas la chercher.

DIEU a fait dépendre de la mécanique toutes les actions de l'animal; donc DIEU a fait dépendre de la mécanique les fenfations qui causent ses actions.

Il y a dans l'organe de l'ouïe un artifice bien fenfible; c'est un hélice à tours anfractueux qui détermine les ondulations de l'air vers une coquille formée en entonnoir; l'air preffé dans cet entonnoir entre dans l'os pierreux, dans le labyrinthe, dans le veftibule, dans la petite conque nommée Colimaçon; il va frapper le tambour légèrement appuyé fur le marteau, l'enclume & l'étrier, qui jouent légèrement en tirant ou en relâchant les fibres du tambour.

Cet artifice de tant d'organes, & de bien d'autres encore, porte les fons dans le cervelet; il y fait entrer les accords de la mufique fans les confondre; il y introduit les mots qui font les courriers des penfées, dont il refte quelquefois un fouvenir qui dure autant que la vie.

Une induftrie non moins merveilleufe lance dans vos yeux, fans les bleffer, les traits de lumière réfléchis des objets; traits fi déliés & fi fins, qu'il femble qu'il n'y ait rien entre eux & le néant; traits fi rapides qu'un clin d'œil n'approche pas de leur vîtesse. Ils peignent

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dans la rétine les tableaux dont ils apportent les contours. Ils y tracent l'image nette du quart du ciel.

Voilà des inftrumens qui produifent évidemment des effets déterminés & très-différens, en agiffant fur le principe des nerfs, de forte qu'il eft impoffible d'entendre par l'organe de la vue, & de voir par celui

de l'ouïe.

L'auteur de la nature aura-t-il difpofé avec un art fi divin ces inftrumens merveilleux, aura-t-il mis des rapports fi étonnans entre les yeux & la lumière, entre l'air & les oreilles, pour qu'il ait encore befoin d'accomplir fon ouvrage par un autre fecours? La nature agit toujours par les voies les plus courtes: la longueur du procédé eft une impuissance; la multiplicité des fecours eft une faibleffe.

Voilà tout préparé pour la vue & pour l'ouïe; tout l'eft pour les autres fens avec un art auffi induftrieux. DIEU fera-t-il un fi mauvais artifan que l'animal formé par lui pour voir & pour entendre, ne puisse cependant ni entendre ni voir, fi on ne met dans lui un troisième perfonnage interne qui faffe feul ces fonctions? DIEU ne peut-il nous donner tout d'un coup les fenfations, après nous avoir donné les inftrumens admirables de la fenfation?

Il l'a fait, on en convient, dans tous les animaux; perfonne n'est affez fou pour imaginer qu'il y ait dans un lapin, dans un lévrier, un être caché qui voie, qui entende, qui flaire, qui agiffe pour eux.

par

La foule innombrable des animaux jouit de fes fens des lois univerfelles; ces lois font communes à eux & à nous. Je rencontre un ours dans une forêt; il a entendu ma voix comme j'ai entendu fon hurlement;

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