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après fa mort, fit deux mille quatre cents miracles; & les années fuivantes, trois mille de compte fait, parmi lesquels on ne nomme pourtant que quarantedeux morts reffufcités.

Je m'informe fi les autres Etats de l'Europe ont des hiftoires eccléfiaftiques auffi merveilleufes & auffi authentiques? Je trouve par-tout la même fageffe & la même certitude.

L V.

Pis qu'ignorance.

J'AI vu enfuite pour quelles fottifes inintelligibles les hommes s'étaient chargés les uns les autres d'imprécations, s'étaient détestés, perfécutés, égorgés, pendus, roués, & brûlés; & j'ai dit : S'il y avait eu un fage dans ces abominables temps, il aurait donc fallu que ce fage vécût & mourût dans les déferts.

L V I.

Commencement de la raifon.

JE vois qu'aujourd'hui, dans ce fiècle qui eft l'aurore de la raifon, quelques têtes de cette hydre du fanatifme renaiffent encore. Il paraît que leur poison eft moins mortel, & leurs gueules moins dévorantes. Le fang n'a point coulé pour la grâce versatile, comme il coula fi long-temps pour les indulgences plénières qu'on vendait au marché; mais le monftre subsiste encore; quiconque recherchera la vérité risquera d'être perfécuté. Faut-il refter oifif dans les ténèbres? ou faut-il

allumer un flambeau auquel l'envie & la calomnie rallumeront leurs torches? Pour moi, je crois que la vérité ne doit pas plus fe cacher devant ces monftres, que l'on ne doit s'abftenir de prendre de la nourriture dans la crainte d'être empoifonné.

Fin du philofophe ignorant.

O U

LE PRINCIPE D'ACTION.

DIATRIBE.

CE n'eft pas entre la Ruffie & la Turquie qu'il s'agit

de prendre un parti; car ces deux Etats feront la paix tôt ou tard fans que je m'en mêle.

Il ne s'agit pas de fe déclarer pour une faction anglaise contre une autre faction; car bientôt elles auront disparu pour faire place à d'autres.

Je ne cherche point à faire un choix entre les chrétiens grecs, les arméniens, les eutichiens, les jacobites, les chrétiens appelés papistes, les luthériens, les calviniftes, les anglicans, les primitifs appelés quakers, les anabaptiftes, les janféniftes, les moliniftes, les foniciens, les piétiftes, & tant d'autres ifles. Je veux vivre honnêtement avec tous ces meffieurs quand j'en rencontrerai, fans jamais difputer avec eux; parce qu'il n'y en aura pas un feul qui, lorsqu'il aura un écu à partager avec moi, ne fache parfaitement fon compte, & qui confente à perdre une obole pour le falut de mon ame ou de la fienne.

Je ne prendrai point parti entre les anciens parlemens de France & les nouveaux, parce que dans peu d'années il n'en fera plus question.

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Ni entre les anciens & les modernes, parce que ce procès eft interminable.

Ni entre les janféniftes & les moliniftes, parce qu'ils ne font plus, & que voilà, DIEU merci, cinq ou fix mille volumes devenus auffi inutiles que les œuvres de St Ephrem.

Ni entre les opéra bouffons français & les italiens, parce que c'eft une affaire de fantaisie.

Il ne s'agit ici que d'une petite bagatelle, de favoir s'il y a un Dieu; & c'eft ce que je vais examiner trèsferieusement & de très bonne foi, car cela m'intéresse, & vous auffi.

I.

Du principe d'action.

TOUT eft en mouvement, tout agit, & tout réagit dans la nature.

Notre foleil tourne fur lui-même avec une rapidité qui nous étonne; & les autres foleils tournent de même, tandis qu'une foule innombrable de planètes roule autour d'eux dans leurs orbites, que le fang circule plus de vingt fois par heure dans les plus vils de nos animaux.

Une paille que le vent emporte tend par fa naturė vers le centre de la terre, comme la terre gravite vers le foleil, & le foleil vers elle. La mer doit aux mêmes lois fon flux & fon reflux éternel. C'est par ces mêmes lois que des vapeurs qui forment notre atmosphère, s'échappent continuellement de la terre, & retombent en rofée, en pluie, en grêle, en neige, en tonnerres.

Tout eft action, la mort même eft agiffante. Les cadavres fe décompofent, fe métamorphofent en végétaux, nourriffent les vivans qui à leur tour en nourriffent d'autres. Quel eft le principe de cette action universelle?

Il faut que le principe foit unique. Une uniformité conftante dans les lois qui dirigent la marche des corps céleftes, dans les mouvemens de notre globe, dans chaque espèce, dans chaque genre d'animal, de végétal, de minéral, indique un feul moteur. S'il y en avait deux, ils feraient ou divers, ou contraires, ou femblables. Si divers, rien ne fe correspondrait; fi contraires, tout fe détruirait; fi femblables, c'est comme s'il n'y en avait qu'un; c'eft un double emploi.

Je me confirme dans cette idée qu'il ne peut exifter qu'un feul principe, un feul moteur, dès que je fais attention aux lois conftantes & uniformes de la nature entière.

La même gravitation pénètre dans tous les globes, & les fait tendre les uns vers les autres en raison directe, non de leurs furfaces, ce qui pourrait être l'effet de l'impulfion d'un fluide, mais en raifon de leurs maffes.

Le quarré de la révolution de toute planète eft comme le cube de fa distance au foleil; (& cela prouve en paffant ce que Platon avait deviné, je ne fais comment, que le monde eft l'ouvrage de l'éternel géomètre.)

Les rayons de lumière ont leurs réflexions & leurs réfractions dans toute l'étendue de l'univers. Toutes

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