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Il enfeigne non-feulement la modeftie, mais encore l'humilité il recommande toutes les vertus.

X L I I.

Des philofophes grecs, & d'abord de Pythagore.

Tous les philofophes grecs ont dit des fottifes en physique & en métaphyfique. Tous font excellens dans la morale; tous égalent Zoroastre, Confutzée, & les brachmanes. Lifez feulement les vers dorés de Pythagore, c'est le précis de fa doctrine; il n'importe de quelle main ils foient. Dites-moi fi une feule vertu y eft oubliée.

XLII I.

De Zaleucus.

REUNISSEZ tous vos lieux-communs, prédicateurs grecs, italiens, cfpagnols, allemands, français, &c.; qu'on diftille toutes vos déclamations, en tirera-t-on un extrait qui foit plus pur que l'exorde des lois de Zaleucus?

Maîtrisez votre ame, purifiez-la, écartez toute pensée criminelle. Croyez que DIEU ne peut être bien fervi par les pervers; croyez qu'il ne ressemble pas aux faibles mortels que les louanges & les préfens féduifent: la vertu feule peut lui plaire.

Voilà le précis de toute morale & de toute religion.

X LIV.

D'Epicure.

DES pédans de collége, des petits-maîtres de féminaire ont cru, fur quelques plaifanteries d'Horace & de Petrone, qu'Epicure avait enfeigné la volupté par les préceptes & par l'exemple. Epicure fut toute fa vie un philofophe fage, tempérant, & jufte. Dès l'âge de douze à treize ans il fut fage; car lorsque le grammairien qui l'inftruifait lui récita ce vers d'Héfiode:

Le chaos fut produit le premier de tous les êtres :

Hé! qui le produifit, dit Epicure, puisqu'il était le premier? Je n'en fais rien, dit le grammairien; il n'y a que les philofophes qui le fachent. Je vais donc m'inftruire chez eux, répartit l'enfant; & depuis ce temps jufqu'à l'âge de foixante & douze ans il cultiva la philofophie. Son teftament, que Diogène de Laërce nous a conservé tout entier, découvre une ame tranquille & jufte; il affranchit les esclaves qu'il croit avoir mérité cette grâce: il recommande à fes exécuteurs testamentaires de donner la liberté à ceux qui s'en rendront dignes. Point d'oftentation, point d'injufte préférence; c'est la dernière volonté d'un homme qui n'en a jamais eu que de raisonnables. Seul de tous les philofophes, il eut pour amis tous fes difciples, & fa fecte fut la feule où l'on fût aimer, & qui ne fe partagea point en plufieurs autres.

Il paraît, après avoir examiné fa doctrine & ce qu'on a écrit pour & contre lui, que tout fe réduit à la

dispute

dispute entre Mallebranche & Arnauld. Mallebranche avouait que le plaifir rend heureux, Arnauld le niait; c'était une dispute de mots, comme tant d'autres difputes où la philofophie & la théologie apportent leur incertitude, chacune de fon côté.

X L V.

Des floïciens.

Si les épicuriens rendirent la nature humaine aimable, les ftoïciens la rendirent presque divine. Réfignation à l'être des êtres, ou plutôt élévation de l'ame jufqu'à cet être; mépris du plaisir, mépris même de la douleur, mépris de la vie & de la mort, inflexibilité dans la juftice; tel était le caractère des vrais ftoïciens; & tout ce qu'on a pu dire contre eux, c'est qu'ils décourageaient le refte des hommes.

Socrate, qui n'était pas de leur fecte, fit voir qu'on pouvait pouffer la vertu auffi loin qu'eux, fans être d'aucun parti; & la mort de ce martyr de la Divinité eft l'éternel opprobre d'Athènes, quoiqu'elle s'en foit repentie.

Le ftoïcien Caton eft, d'un autre côté, l'éternel honneur de Rome. Epiclète dans l'esclavage eft peutêtre fupérieur à Caton, en ce qu'il est toujours content de fa mifère. Je fuis, dit-il, dans la place où la Providence a voulu que je fufse: m'en plaindre, c'est l'offenfer.

Dirai-je que l'empereur Antonin eft encore au-deffus d'Epictete, parce qu'il triompha de plus de féductions, Philofophie &c. Tome I.

K

& qu'il était bien plus difficile à un empereur de ne se pas corrompre, qu'à un pauvre de ne pas murmurer? Lifez les pensées de l'un & de l'autre, l'empereur & l'esclave vous paraîtront également grands.

Oferai - je parler ici de l'empereur Julien? Il erra fur le dogme, mais certes il n'erra pas fur la morale. En un mot, nul philosophe dans l'antiquité qui n'ait voulu rendre les hommes meilleurs.

Il y a eu des gens parmi nous qui ont dit que toutes les vertus de ces grands-hommes n'étaient que des péchés illuftres. Puiffe la terre être couverte de tels coupables!

X L V I.

Philofophie eft vertu.

Il y a eu des fophiftes qui furent aux philofophes ce que les finges font aux hommes. Lucien fe moqua d'eux; on les méprifa: ils furent à-peu-près ce qu'ont été les moines mendians dans les univerfités. Mais n'oublions jamais que tous les philofophes ont donné de grands exemples de vertu, & que les fophiftes, & même les moines, ont tous refpecté la vertu dans leurs écrits.

XLVI I.

D'Efope.

JE placerai Efope parmi ces grands - hommes, & même à la tête de ces grands-hommes, foit qu'il ait été le premier Pilpay des Indiens, ou l'ancien précurfeur de Pilpay, ou le Lokman des Perfes, ou le Akkim des Arabes, ou le Hacam des Phéniciens, il n'importe; je vois que fes fables ont été en vogue chez toutes les nations orientales, & que l'origine s'en perd dans une antiquité dont on ne peut fonder l'abyme. A quoi tendent ces fables auffi profondes qu'ingénues, ces apologues qui femblent visiblement écrits dans un temps où l'on ne doutait pas que les bêtes n'euffent un langage? Elles ont enfeigné prefque tout notre hémisphère. Ce ne font point des recueils de fentences faftidieufes qui laffent plus qu'elles n'éclairent; c'est la vérité elle-même avec le charme de la fable. Tout ce qu'on a pu faire, c'est d'y ajouter des embelliffemens dans nos langues modernes. Cette ancienne fageffe eft fimple & nue dans le premier auteur. Les grâces naïves dont on l'a ornée en France, n'en ont point caché le fond refpectable. Que nous apprennent toutes ces fables? qu'il faut être jufte.

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