169. Dans le cours de cette section on citera souvent à l'appui des propositions énoncées les résultats fournis par ce tableau, pour lequel j'ai adopté le système décimal afin de faire mieux ressortir la comparaison entre les effets produits. On remarquera qu'une poudre mauvaise qui dans une épreuve a donné une portée aussi grande qu'une poudre reconnue pour être de bonne qualité, ne donne plus, lorsqu'on emploie d'autres méthodes d'épreuve, que des portées qui sont des fractions rapidement décroissantes (le 173, le 174, le 1710o, le 1714o de celles fournies par la même poudre qu'elle avait égalée lorsqu'elles étaient employées toutes deux à forte charge. L'examen de ce tableau donne à mon avis la confirmation la plus péremptoire au principe que l'on veut établir, savoir : qu'il faut mettre une circonspection extrême dans l'évaluation des qualités des poudres d'après des épreuves particulières. Il ressort encore de cet examen qu'on peut choisir certaines méthodes d'épreuves au moyen desquelles les poudres de qualité inférieure, surtout celles qui n'ont été ni pressées, ni lissées, peuvent donner des portées aussi élevées que les meilleures poudres, malgré tous les soins apportés à la conduite des épreuves. Il n'est pas besoin de montrer combien est erronée l'évalua tion déduite de ces résultats.

DÉFINITIONS.

170. Avant d'aller plus loin, il est peut-être nécessaire de délinir deux ou trois termes auxquels on donnera plus tard une signification particulière et déterminée. Ces définitions préciseront mieux les points principaux sur lesquels l'attention doit se porter dans les épreuves des poudres. Nous dis tinguerons:

4. La force intrinsèque ou virtuelle de la poudre.

2o L'effet utile produit par cette force.

3o La qualité de fabrication.

171. La force intrinsèque ou virtuelle de la poudre ne peut être complétement évaluée par des épreuves faites avec un instrument ou une des bouches à feu employées dans le service. Une poudre de mauvaise qualité, dont l'explosion est lente, exigerait l'emploi d'un poids énorme pour que toute la poudre fût brûlée avant que l'obstacle ne fût mis en mouvement. Pour des épreuves de cette nature il faudrait des instruments particuliers, et de plus il y a tout lieu de croire que pour les épreuves de ce genre, les résultats obtenus dépendraient plus de la constitution chimique de la poudre que des procédés de fabrication, tandis que le contraire a lieu dans les circonstances ordinaires du service. Lorsqu'on parle d'évaluer la force intrinsèque de la poudre, il faut donc entendre que l'on parle de ces méthodes d'épreuve avec les pièces de calibre ordinaire, dans lesquelles les poudres de bonne qualité, employées à petite charge, donnent des portées supérieures à celles fournies par les poudres de mauvaise qualité; quoiqu'il arrive quelquefois que dans certains cas particuliers et sous l'influence de certaines circonstances, ces poudres de mauvaise qualité peuvent donner des portées égales et même plus grandes que celles des bonnes poudres

172. On entend par effet utile de la poudre, les portées absolues qu'elle donne dans les pièces de différents calibres et de différentes dénominations, avec les diverses charges employées dans les besoins ordinaires du service. La détermination de ces portées appartient aux officiers d'artillerie. L'épreuve des poudres n'a pour but que de donner une approximation des effets généraux qu'elle peut produire. La portée d'une poudre avec une certaine charge dans une

pièce désignée peut être considérée comme l'expression de son effet utile.

173. Sous cette dénomination: qualité de fabrication de la poudre, nous avons compris tout ce qui se rapporte à la pureté des substances élémentaires, à la perfection du mélange, au degré d'incorporation et à la pesanteur spécifique de la poudre. Nous indiquerons plus tard quels sont les moyens employés pour évaluer ces différents caractères.

174. Nous allons examiner maintenant quels sont les avantages et les inconvénients que présente l'emploi des instruments actuellement en usage pour les épreuves des poudres.

ÉPROUVETTES VERTICALES.

175. Dans l'éprouvette verticale ordinaire la poudre agit par impulsion au premier moment de sa combustion, le poids qui est placé au-dessus est immédiatement soulevé, la flamme s'échappe et une grande partie de la force d'impulsion de la poudre est perdue. L'objection à faire contre cette méthode d'épreuve c'est que la poudre n'agit point par pression et que par suite l'instrument ne peut donner des résultats exacts. Quatre drams (ou 7 gram.,08) de poudre brûlée dans l'éprouvette verticale qui est employée à la manufacture royale de Waltham Abbey soulèvent le poids supérieur qui est de 25 livres (ou 11 kilog.,25) à une hauteur de 3 pouce 1/2 (ou 8 cent.,85).

176. Afin de faire agir par pression les produits de la poudre comburée, et pour éviter l'objection ci-dessus signalée contre l'emploi de l'éprouvette verticale ordinaire, j'ai essayé de construire une éprouvette verticale en lui don

cet instrument, objection qui s'applique aussi, je le crains, à tous ceux construits sur le même principe, c'est qu'on ne peut avoir confiance dans les résultats obtenus (1), car ils présentent le plus souvent ces anomalies dont nous avons déjà indiqué les causes aux parag. 162 et 164. Les expériences suivantes font ressortir ces anomalies d'une manière évidente.

pouces.

Mortier de 5

pouces 172.

75 cent. 9 86 c. 02.

3 onces. 64 livres. 288 yards 217 yards 255 yards

3 onces. 16 livres. 175 yards 134 yards 39 yards

180. Dans les expériences relatées dans ce tableau, l'é

(1) Il n'est pas de méthode d'épreuve plus fautive que celle par l'éprouvette verticale dans laquelle la poudre d'un grain mou et humide donne des résultats plus élevés que la poudre d'un grain dur et propre au service. Lieutenant général CONGRÈVE.

prouvette verticale donne la supériorité à la poudre indienne d'Allahabad sur la poudre anglaise, tandis que les épreuves avec les autres instruments indiquent un résultat contraire. On remarquera aussi que la poudre de Bombay donne des résultats très-élevés avec l'éprouvette et le mortier de 8 pouces, et que la diminution de portée est tout à fait irrégulière avec le mortier de 5 pouces 1/2. Il serait aisé de multiplier ces exemples, mais ils suffisent pour montrer combien sont erronés les résultats fournis par l'éprouvette verticale.

MORTIER-ÉPROUVETTE.

181. Le mortier-éprouvette français ressemble beaucoup à notre mortier en bronze de 8 pouces, seulement il a une plus petite chambre qui ne peut renfermer qu'une petite quantité de poudre, environ deux ou trois onces; c'est de la capacité de cette chambre que le mortier prend le nom d'éprouvette à deux ou trois onces. Le projectile est de cuivre ou de bronze, d'une forme parfaitement sphérique et d'un poids de 64 livres; le vent du mortier est de 1/10 de pouce. Ces instruments donnent de grandes portées d'après ce principe que la force de la poudre est proportionnée à l'espace qu'elle occupe; toutefois ils ne sont pas propres à donner une évaluation exacte de la force virtuelle ou intrinsèque des poudres de différentes fabrications. Les expériences suivantes viennent à l'appui de cette opinion.