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DES

ARMES SPÉCIALES.

MEMOIRE SUR LA FABRICATION DE LA POUDRE A CANON.
Par BRADDOCK, Commissaire de l'Ordnance,

Traduit de l'anglais avec notes et remarques,

Par GABRIEL SALVADOR, Capitaine d'artillerie.

SECTION VI. ESSAI DES POUDRES.

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163. L'étude de la poudre présente des difficultés depuis les premières opérations de la fabrication jusqu'aux épreuves qui ont pour but de déterminer sa puissance d'explosion. Les nombreuses méthodes qui ont été essayées et qui sont encore en usage pour l'évaluation de cette force explosive, sont une preuve suffisante des difficultés qui accompagnent cette évaluation indispensable pour reconnaître les produits de bonne fabrication.

164. Pour conduire les épreuves d'essai avec habileté, surtout lorsqu'on opère sur des poudres d'espèces différentes et dont les procédés de fabrication ne sont pas connus, il faut avoir une connaissance intelligente de la constitution de la poudre et de son action; cette connaissance est indispensable soit pour diriger les épreuves de manière à obtenir des résultats satisfaisants, soit pour déduire de ces résultats des conclusions judicieuses qui puissent inspirer de la confiance.

Dans les essais de poudre, il se produit quelquefois, comme on l'a déjà fait observer, des anomalies si extraordinaires qu'on ne saurait les concilier; les résultats sont quelquefois si singuliers, si inattendus, qu'ils ne paraissent t. 4. no 8. aout 1848. 3° sérik. (ARM, SPĹc.)

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pas acceptables. Néanmoins, je continue à penser que ces anomalies apparentes sont réellement produites par des causes certaines, comme ces phénomènes particuliers qui se produisent parfois dans l'observation des lois naturelles les mieux connues. C'est à découvrir ces causes réelles d'irrégularité que consiste la difficulté; si elles étaient connues, il serait facile d'en déduire les règles qui donneraient la solution de tous les cas du problème.

165. Je crois que les vrais principes qui doivent guider pour essayer et titrer les poudres quant à leur force réelle et leur qualité ont été assez généralement méconnus. La méthode française qui consiste à enfermer hermétiquement la poudre dans la chambre des mortiers-éprouvettes n'est certainement pas rigoureuse, car dans ces instruments les poudres de très-bonne ou de très-mauvaise qualité ne donnent pas de grandes différences de portée. La méthode anglaise parait plus fondée sur les vrais principes, et elle est sans contredit préférable au mortier-éprouvette français pour indiquer les qualités réelles de la poudre. Mais je ne veux pas anticiper ici sur les considérations qui viendront plus tard au moment de la comparaison des diverses méthodes d'épreuve. Seulement c'est un point de première importance de déterminer quel est le procédé particulier d'épreuve auquel on peut s'arrêter, et c'est ce que j'espère établir dans cette section.

166. Ce serait sans contredit un avantage incontestable si l'on pouvait se borner à une épreuve unique qui serait décisive, étant calculée de manière à indiquer à la fois la force expansive de la poudre, et les effets qu'elle doit produire dans les circonstances pratiques du service. Une méthode qui permettrait de déduire avec confiance de cette épreuve les conséquences produites dans les effets pratiques par la

nature, la quantité, la qualité de la poudre employée, serait satisfaisante de tout point. Mais je ne sache pas d'épreuve unique qui remplisse toutes ces conditions, ne serait-ce que d'une manière approximative. L'objection fondamentale à faire contre l'emploi d'une seule épreuve d'essai, c'est que quels que soient les résultats donnés à l'aide de ce moyen par la comparaison entre deux poudres de fabrication différente, des résultats semblables ne sont plus obtenus si l'on vient à comparer ces deux mêmes poudres en employant des charges de guerre avec les pièces de différents calibres qui sont en usage dans le service.

167. L'homme pratique chargé de constater les portées d'épreuve de réception de la poudre, doit désirer sans doute l'emploi d'une méthode facile qui lui permettrait non-seulement de déterminer par une seule épreuve la portée actuelle de la poudre, mais encore de reconnaître si cette poudre a les qualités suffisantes pour produire tel effet particulier que les besoins du service peuvent réclamer. Comme je viens de le dire, il n'y a pas d'épreuve qui puisse fournir toutes ces données. Ces renseignemetns ne peuvent être obtenus qu'en faisant au moment du besoin des épreuves sur la poudre que l'on doit employer; c'est par des tâtonnements pratiques que les portées pourront alors être déterminées. Ces remarques s'appliquent également aux poudres de bonne ou de mauvaise qualité. Pour être sûr de ses portées l'officier d'artillerie devra donc faire les essais lui-même, et ces essais devront être répétés toutes les fois que changera soit la poudre, soit le calibre des pièces employées. Ainsi qu'on l'a déjà vu au paragraphe 155, les poudres de même dénomination ne donnent pas des portées égales, et ces portées varient encore suivant qu'on emploie différentes pièces d'un même calibre; par consé

quent une épreuve d'essai de ce genre ne peut donner pour les besoins du service d'autres indications que celle-ci : une telle charge de poudre a donné telle portée dans telle pièce d'un calibre désigné avec laquelle l'épreuve a été faite.

168. Je dois prémunir ici contre une erreur assez répandue. On a souvent regardé l'égalité de portée comme constatant l'égalité de qualité entre les poudres. Admettre cette conclusion d'une manière générale c'est commettre une très-grande erreur. J'indiquerai plus tard d'une manière spéciale quelques cas où l'on peut conclure que l'égalité des portées fournies par des poudres différentes indique qu'elles sont également bonnes; mais ce sera pour établir ce fait que la distance à laquelle une poudre essayée peut lancer une bombe ou un boulet, ne donne une appréciation exacte de ses qualités que dans des circonstances très-particulières. Je vais citer ici les résultats de nombreuses expériences comparatives faites entre les poudres anglaises et celles de Bombay. La portée de la poudre anglaise étant dans chaque cas prise pour unité, et la portée de la poudre de Bombay étant réduite en fraction de cette unité; je ferai remarquer seulement que dans la première épreuve la poudre indienne avait donné la même portée que la poudre anglaise.

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