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une fois qu'il les a pris d'assaut, ne peut plus y être vu et battu par le feu des ouvrages situés en arrière s'ils sont ouverts à la gorge, la cavalerie peut s'en emparer comme le fit à la bataille de la Moskowa la cavalerie française.

Nous ne cherchons donc point à atténuer les imperfections nombreuses des retranchements de campagne. Mais s'en suit-il qu'il faille y renoncer pour cela?..... Non, certes.

Si un retranchement n'est pas un bouclier à toute épreuve contre les armes à longue portée, nul doute qu'il ne diminue beaucoup leurs ravages. L'abaissement du terre plein, l'emploi des traverses, le rehaussement des crêtes du parapet d'une des faces pourront toujours servir de remède contre les coups de revers et d'enfilade. Quant aux inconvénients attachés à l'ouverture ou à la fermeture des ouvrages, peut-être parviendra-t-on à les atténuer au moyen de chevaux de frise ou autres obstacles très portatifs qui s'installeront à la gorge en guise de traverse et tout en fermant le passage à la cavalerie ennemie, ne masqueront pas la vue de l'intérieur du terre-plein aux batteries situées en arrière.

Nous sommes disposé à croire que la cause des rares applications qu'on a faites en France de la fortification de campagne pendant les guerres du XIX siècle est due, moins aux imperfections de cette science qu'aux dispositions particulières aux soldats et même aux généraux français, ainsi que nous l'avons dit au commenment de ce chapitre... -A quoi bon tant de remuements de terre pour une durée d'un jour, de deux ou

trois peut-être? Ainsi raisonnent les troupes et souvent les chefs eux-mêmes, ceux surtout qui ne consultent pas les officiers des armes spéciales sur les travaux de leur compétence. Et cependant, prenons un exemple.

Un général est envoyé pour occuper avec une brigade une position importante: une hauteur à laquelle est appuyée son aile droite, lui paraît propre à former le pivot du mouvement qu'il doit effectuer par sa gauche pour se mettre en ligne avec le reste de l'armée: mais, pour pouvoir renforcer son aile marchante, avec quelques bataillons tirés de la droite, il lui importerait de fortifier la hauteur à laquelle celle-ci est appuyée. Il a envoyé deux bataillons pris au régiment qui forme sa droite à son aile gauche: le bataillon restant a un effectif de 600 hommes et pourra disposer de 8 pièces de canon. Quelle espèce de poste retranché convient-il de lui préparer? Et surtout combien de temps, et d'hommes faudra-t-il employer pour construire à ce bataillon un retranchement, qui lui permette de défendre la hauteur comme si le régiment était au complet? Contre un ennemi qui a de l'artillerie du calibre de 8. Par exemple. Le général fait appeler un officier du génie pour le consulter: celui-ci après avoir fait son calcul, répond que si le général peut disposer de 1000 hommes, convenablement répartis en ateliers, il suffira de 12 heures pour construire une redoute de 57m de côté pouvant contenir 600 hommes d'infanterie et en outre 8 pièces de canon, dont 4 sur les saillants et 4 sur les faces, et d'une épaisseur de parapet suffisante pour résister au boulet de 8 (1).

(1) Le problème à résoudre est celui-ci : Connaissant-la forno yuméri

Il est probable que cette réponse décidera le général, puisque cette garantie, si ce n'est d'un succès éclatant, tout au moins d'une résistance opitiâtre sur ce point, n'aura coûté que douze heures de travail à 1000 hommes de sa brigade et cela peut-être pour épargner la vie d'un grand nombres d'entre eux.

Les passages de rivière agressifs, c'est-à-dire, ceux qui s'opèrent sur le territoire ennemi, sont presque toujours des opérations délicates ou dangereuses.

Aussi a-t-on soin, en général, une fois le pont lancé, et avant que le passage des troupes ne commence, de se faire protéger et flanquer par les feux d'une nombreuse artillerie, et de bien choisir son point de passage; mais souvent ces précautions n'ont pas suffi. Si la rive opposée est bien défendue, le plus brillant courage peut

que d'une troupe, le nombre de pièces qui doivent l'accompagner, ainsi que le nombre d'hommes que l'on devra distribuer par mètre courant de la ligne de feu, déterminer la longueur du côté d'une redoute carrée destinée à recevoir cette garnison.

Soit Rx le côté de la redoute.

Gla force numérique de la garnison

n le nombre d'hommes à répartir par mètre courant sur la banquette.

p le nombre de pièces à mettre en batterie en capitale

q le nombre de pièces à mettre en batterie sur les faces.

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échouer devant des charges de cavalerie lancées sur des têtes de colonnes à peine formées, au debouché du pont, et si le pont n'est pas masqué aux vues de l'artillerie ennemie, le meilleur flanquement ne l'empêchera pas d'être coulé par les boulets.

En conséquence, s'il sagit du passage d'un corps d'armée considérable, le général en chef ne devra pas hésiter pour assurer le succès de son opération, à construire une tête de pont. Mais, dira-t-on, en aura-t-il le loipir? Prenons encore un exemple.

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Supposons que le général chargé d'opérer sur le territoire ennemi de l'autre côté du fleuve qui l'en s'épare, soit à la tête de 12 à 15,000 hommes environ. Il lancera un pont de bateaux en amont ou en aval du point qu'il a choisi pour le passage de sa division, et détachera quelques bataillons d'infanterie légère, du canon et de la cavalerie pour attirer ailleurs l'attention de l'ennemi. Pendant ce temps, il fera passer le fleuve sur des radeaux à un détachement de sapeurs du génie et à un régiment escortant 3000 travailleurs. En douze heures de travail ces 3000 hommes pourront, sous la pro

133+40 173 - 57
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On sait d'ailleurs qu'il faut quatre journées de travail à un homme pour faire un mètre courant d'un profil d'épaisseur suffisante pour résister au boulet de 8, composé de rampe, de banquette, parapet et fossé cubant 6, 20 de déblai et 7", 0/0 de remblai; donc, si l'ouvrage présente 57 mètres courants en tout, et qu'on ne veuille y employer qu'une journée, il faudra avoir un nombre de travailleurs égal 57 × 4 - 228 h. pour une face; à 228 × i - 912 h. soit 1,000 h. pour les quatre côtés de la redoute.

tection d'un cordon de sentinelles et du canon de la rive opposée, construire une tête de pont sur le tracé d'un ouvrage à cornes, ayant 200 mètres de côté extérieur, deux longues faces de 150 mètres, une courtine de 80 mètres et des flancs de 30 mètres de longueur; sur la perpendiculaire de la courtine on ajoutera un redan de 80 mètres de côté flanqué par les faces de l'ouvrage à cornes. Les longues faces de l'ouvrage à cornes seront vers leur point d'intersection avec le fleuve. coupées par des intervalles de 20 mètres de largeur et flanquées par des batteries situées sur la rive opposée. (1) 3000 hommes environ, rangés sur trois rangs, suffiront pour garnir les banquettes de cette tête de pont; et sous la protection de cet ouvrage dont le terre-plein présente pour le déploiement des troupes, environ 30,000 mètres carrés de surface, et qui masque complètement le pont, l'armée pourra, en toute sûreté, effectuer son passage et maintenir sa position sur l'autre rive contre une attaque sérieuse de l'ennemi.

Ce résultat ne vaut-t-il pas le travail de 3000 hommes pendant 12 heures, et l'histoire ne fourmille-t-elle pas au contraire, d'exemples de passage de rivières tentés en présence de l'ennemi qui ont échoué faute de

(1) Le développement de crête intérieure de ces ouvrages étant de 760, mètres, sans défalquer les coupures, si l'on compte quatre journées de travail pour la construction d'un mètre courant d'un profil d'ouvrage de campagne, d'épaisseur suffisante pour résister au boulet de 8, il s'en suit que les 760 mètres seront faits en douze heures de temps par quatre fois 760 ou 3,010 hommes.

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