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De là diverses applications spéciales indiquées par le colonel Pictet avec une sagacité remarquable. L'emploi contre l'infanterie, celui contre la cavalerie, et contre l'artillerie, l'usage à faire des fusées dans l'attaque et la défense des hauteurs, l'attaque et la défense d'un village, d'une redoute, d'une rivière, les surprises et les embuscades, et enfin la guerre de montagne. —Nous ne pouvons qu'indiquer ces différentes applications de peur de dépasser les limites d'une simple notice, mais nous engageons vivement les officiers des armes spéciales à les lire dans l'original.

QUATRIÈME PARTIE.

Dans la quatrième partie de son travail l'auteur s'occupe des fusées de gros calibre et de leur emploi. Il en a fait lui-même de 100 livres qui avaient un tir rasant à 10o d'élévation; celle qui correspondrait au calibre de 24 livres usité en Angleterre devrait avoir un diamètre de 75 mm. Ces premières, sous l'élévation de 45° portent à 3,300 m. environ, et comme les portées croissent à peu près comme les diamètres, et que la fusée de 50 mm. porte à 3,000 m. sous l'angle de 45°, il est probable que

celle de 75 mm. construite d'après sa méthode dépasserait la portée de 4,000 m.

La justesse du tir va en croissant avec le calibre, et cependant plus elles sont pesantes moins elles ont de vitesse au départ. Cela tient à ce que toutes proportions égales, d'ailleurs, les poids augmentent comme les cubes, tandis que les surfaces d'inflammation ne croissent que comme les carrés des diamètres. Si la vitesse du départ est moindre, en revanche la durée du feu est plus grande et directement proportionnelle au calibre. La vitesse s'accélère done plus longtemps, atteint à un maximum supérieur et se conserve mieux à raison de la moindre résistance de l'air. D'où il suit que la trajectoire est plus courbée au départ et plus aplatie ensuite que celle des fusées légères; aux courtes distances le tir est moins rasant, il l'est davantage aux grandes portées.

La force de pénétration des fusées anglaises de 24 cst indiquée par l'auteur comme étant de 3,50 m. à 6,00 m.; mais il faudrait connaître la nature des terres sur lesquelles l'expérience a été faite. Celles de 75 mm., qu'il prépare, ayant plus de vitesse que ces dernières, pourront donc traverser de part en part les épaulements des ouvrages de campagne, et les batteries de brèche de 4 m. d'épaisseur. Le rôle des fusées dans l'attaque d'une place forte se borne au bombardement sous ce rapport, comme facilité de service et de transport, elles sont préférables aux bombes. Dans la défense elles peuvent être d'une utilité immense. En effet, en adoptant l'idée émise par un officier-général français dans le Journal des armes spéciales, dès que le front

d'attaque de la place serait connu, on établirait dans le parapet, de 2 m. en 2 m. des tuyaux en fonte qui le traverseraient dans toute son épaisseur, leur extrémité intérieure aboutissant au talus de la banquette et leur extrémité extérieure dirigée sur la crète du chemin couvert. On conçoit qu'alors la batterie de brèche établie contre la face droite du bastion sera battue par au moins 10 tubes à fusée de cette même face et enfilée par 6 ou 8 tubes disposés dans la face gauche de la demi-lune collatérale. Cette défense peut être d'un effet irrésistible, et nous paraît, comme à l'auteur, digne d'une sérieuse attention de la part des ingénieurs.

Quant aux parcs de l'ennemi et aux magasins à poudre établis d'ordinaire à 3,500 m. du canon de la place, ils ne seraient pas à l'abri des fusées de 75 mm., qui peuvent porter à 4,000 m. de distance, et dont on se servirait pour les incendier.

Nous terminerons ici la notice sur l'Essai sur les propriétés et la tactique des fusées de guerre; nous ne doutons pas que cet ouvrage ne soit mûrement examiné par les hommes compétents auxquels il se signale par l'énoncé de faits neufs, curieux, et parfaitement authentiques. L'auteur a fait preuve dans ce travail consciencieux d'une sagacité remarquable et d'une méthode intelligente dans la recherche des lois auxquelles obéit la fusée. Il peut dès à présent compter au nombre des officiers distingués qui auront le plus avancé la connaissance de ce nouveau c important projectile.

JOURNAL

DES

ARMES SPÉCIALES.

RÉFLEXIONS ET ÉTUDES

SUR LES

BOUCHES A FEU

DE SIÉGE, DE PLACE ET DE COTE, PAR M. THIROUX, Chef d'escadron d'artillerie.

CHAPITRE IV. DES MORTIERS.

Les bombes étant destinées à enfoncer les voûtes ou planchers des magasins de l'ennemi et à y mettre le feu, à écraser ses blindages et ses abris, agissent par percussion et par explosion; en outre elles labourent les terre- pleins des ouvrages et les fossés, d'entonnoirs plus ou moins profonds, dus à leur force explosive; elles démolissent les pas de sousvis, détruisent les ponts de communication et finissent par rendre la circulation très-difficile.

Quant aux effets produits par les éclats sur les hommes, ils sont toujours assez minimes, attendu que la grande masse qu'on est obligé de donner aux bombes pour augmenter leur force de pénétration, fait qu'elles s'enfoncent assez profondément dans le sol, et alors une partie des éclats restent enfouis, tandis que les autres sont lancés sous de grands angles; les plus dangereux étant ceux qui rasent les parois de l'entonnoir produit par l'explosion de la bombe: on conçoit que ces éclats sont d'autant moins à craindre que la bombe a pénétré plus profondément dans la terre.

D'après ces considérations on doit peu compter sur les effets des éclats des bombes et il n'y a réellement lieu à considérer ces projectiles, que comme moyen de destruction

TOME 4. N° 12. — DÉCEMBRE 1848.

3 SERIE. (ARM. SPÉC.)

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par écrasement et explosion, et comme moyen de mettre le feu.

La probabilité du tir des bombes est en faveur de l'assiégeant, car les ouvrages de l'assiégé présentent un but vaste qu 'il est bien facile d'atteindre, tandis que les batteries d'attaque ne présentent que des bandes étroites qu'il est difficile de toucher.

La plus grande vitesse de chûte qu'un projectile donné puisse acquérir en tombant librement dans l'air d'une hauteur indéfinie, produit le plus grand enfoncement vertical qu'on puisse obtenir; en effet, quelle que grande que soit l'élévation du mortier et quelle que forte que soit sa charge, il ne lancera jamais sa bombe à une hauteur assez grande, pour lui donner la vitesse verticale de chûte dont il est ques

tion ici.

La masse de la bombe doit être évidemment telle que sa pénétration soit aussi grande que possible; il faut en outre que ce projectile contienne non-seulement une charge de poudre suffisante pour vider l'entonnoir, dont la pénétration mesurée dans le sens vertical, forme la ligne de moindre résistance; mais qu'il contienne la quantité de matières incendiaires nécessaires pour mettre le feu. Il me semble que la masse de nos bombes actuelles n'est pas assez grande, leur vide intérieur étant calculé pour une charge dont on ne fait presque jamais usage: ainsi, par exemple, la bombe de 22 c. pesant 22 k. vide a pour maximum d'enfoncement vertical 0 m. 60 tandis que l'obus de la marine de même diamètre pesant 26 k. vide s'enfoncerait de 86 c. c'est-àdire un peu plus que la bombe de 27; la bombe de 26 k. peut contenir 1 k. de poudre et 480 gr. de matières incendiaires c'est-à-dire autant de roche à feu qu'on en met dans les bombes de 27 et de 32 c.

On voit donc que l'obus de la marine est à peu près sus

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