Page images
PDF
EPUB

principe d'une base d'opérations. « Toujours ses directions furent choisies avec discernement; ses marches rapides et bien coordonnées toujours il sut profiter de ses succès pour se mettre à l'abri d'un revers: toujours il prépara le plus de chances en sa faveur (1).

Tels sont les titres de Gustave-Adolphe au surnom de Restaurateur de l'art militaire. Les écrivains du XIXe siècle ont cherché à diminuer sa gloire, les uns au profit de capitaines français qui vivaient avant lui (2), les autres au profit de la tactique et du courage des armées impériales (3): mais il lui en reste encore assez pour être, après Turenne, le plus grand homme de guerre du XVIIe siècle.

(1) Rocquancourt, Cours d'art et d'histoire militaires, tome I, p. 365. (2) Encyclopédie moderne, article Bataille, par le général Lamarque; ROCQUANCOURT, Cours d'art et d'histoire militaires, tome I, pages 362, 367, 398. Voyez aussi NAPOLÉON-LOUIS-BONAPARTE, Études sur le passé et l'avenir de l'artillerie, tome 1, pages 307 et 308.

(3) Histoire de la guerre ( en allemand), par Brandt, tome IV, xvi siècle, 1838, page 276.

CHAPITRE VIII.

TURENNE.

(1611-1672.)

Turenne fut nommé maréchal de France en 1643, à trente-deux ans, pour la prise de Trino. « Il avait été quatre ans capitaine, quatre ans colonel, trois ans maréchal-de-camp, cinq ans lieutenant-général. Il avait servi sous quatre généraux le prince d'Orange son oncle, auquel il disait devoir ses préceptes pour bien choisir un camp et bien attaquer une place; le duc de Weymar : il disait de lui qu'il faisait toute chose de rien; le cardinal de la Valette, de qui il avait appris à renoncer aux fausses délicatesses de la cour et de la galanterie pour prendre le ton des camps; eufin le duc d'Harcourt, duquel il apprit que la diligence et l'activité sont les plus grands moyens de réussite dans les affaires de guerre (1).

(4) Mémoires de Napoléon dans le tome VI de la Bibliothèque historique et militaire, page 798.

Arrivé, au mois de décembre 1643, à Colmar, pour prendre le commandement des troupes Weymariennes (2), Turenne s'occupa de les réorganiser, et au printemps de 1644 elles montaient à 4,000 fantassins et 5,000 cavaliers. Après avoir occupé VieuxBrisach et Freybourg, il poursuivit le baron de Merci vers les sources du Danube et le battit, mais, revenu sur la rive gauche du Rhin, il ne put empêcher le comte de Merci de s'emparer de Freybourg. — Condé vint alors avec 10,000 hommes joindre Turenne et prendre le commandement de l'armée : il livra le 3 août la bataille de Freybourg, où les Français vainqueurs furent tellement épuisés qu'ils ne purent poursuivre les impériaux; mais ils s'emparèrent de Philisbourg, Worms, Mayence et du Bas-Palatinat. Après le départ de Condé, Turenne, par des manœuvres habiles, réussit à empêcher la jonction de Merci et du duc de Lorraine, et s'empara de Kreutzach : il terminait mieux la campagne qu'il ne l'avait commencée.

Dans la campagne do 1645, Turenne fut battu à Mergentheim (Marienthal), le 2 mai par Merci, mais il parvint à rallier son armée, et, huit jours après sa défaite, il se trouvait à la tête d'une armée de 15,000 hommes, lorsqu'il reçut l'ordre de ne pas agir. Condé vint le 9 juillet prendre le commandement de l'armée et livra le 4 août la bataille de Nordlingen qui fut vivement disputée.

(2) Ces troupes passèrent au service de France grâce à l'argent qu'avança un négociateur habile, Allemand d'origine et nommé Barthélemy Hervart. Ce fut ce même négociateur qui, lorsque Turenne se jeta, en 4648, dans le parti de la Fronde, retint cette armée dans le devoir, ce qui coûta 250,000 livres qu'il avanca encore. Il était fort riche et devint plus tard contrôleur-général des finances.

Deux mémoires remis à Hervart pour le guider dans ces négociations et leurs suites, sont curieux à lire en ce qu'ils font bien voir comment on achetait alors une armée : ils sont signés du roi et contresignés Letellier; l'un est du 9 janvier 4649 et l'autre du 28 janvier 1630. On les trouve dans le recueil de lettres intitulé: Documents inédits concernant l'histoire de France et particulièrement l'Alsace et son gouvernement sous le règne de Louis XIV, par M. Vanhuffel, Paris 1840, chez Charles Hing gray.

«La victoire était encore aux Bavarois, lorsqu'à la nuit l'infanterie qui occupait le village d'Allerheim ayant eu connaissance de la mort de son général en chef, le comte de Merci, se croyant cernée par Turenne, et ignorant la position qu'avait repris Jean-de-Vert, eut la simplicité de capituler. Cette résolution inattendue donna la victoire aux Français. Le vaincu se trouva vainqueur (1). » Après la bataille, Nordlingen capitula, mais l'armée française était épuisée, et Nordlingen, et les autres places dont elle s'était emparées, furent reprises par les Impériaux, malgré les efforts de Turenne.

En 1646 Turenne fit, pour rejoindre l'armée Suédoise, une marche célèbre. Parti de Mayence, il descendit le long de la rive gauche le Rhin, qu'il traversa à Wesel; puis il remonta ce fleuve sur la rive droite jusqu'à la Lahn: la jonction s'opéra à Giessen sur cette rivière. Aidé des Suédois il s'empara de Rain, mais pendant ce temps 1,500 hommes entrèrent dans Augsbourg, ce qui fit renoncer Turenne à l'assiéger il se porta sur le Danube, et, se saisissant des magasins de l'archiduc, le força à évacuer son camp de Memingen.

La campagne de 1647 fut employée par Turenne à apaiser la révolte des troupes Weymariennes auxquelles il était dû six mois de solde en septembre cependant, une fois la révolte comprimée, il dut se porter dans le Luxembourg, où il reçut l'ordre de s'arrêter.

En 1648 Turenne envahit la Bavière qu'il ravagea cruellement, après avoir gagné (16 mai) le combat de Zusmershausen. Le 24 octobre, le traité de Westphalie fut signé à Munster.

En 1649, 1650 et 1651, eurent lieu les guerres civiles de la Fronde, pendant lesquelles Turenne combattit contre la cour, même à la tête d'une armée espagnole. Cette conduite, due surtout à son amour pour la charmante duchesse de Longueville, est une tache à sa mémoire. Pendant la campagne de 1652 la guerre civile dura

(4) Mémoires de Napoléon, dans le tome VI de la Bibliothèque historique et militaire, page 802.

encore, mais Turenne avait changé de camp: il commandait alors les troupes du Roi contre le prince de Condé, qu'il battit au combat de Bleneau (7 avril) et à la bataille du faubourg Saint-Antoine (3 juillet).

La campagne de 1653 se passa en manœuvres. L'armée espagnole était alors commandée par l'archiduc qui avait plus d'intérêt que Condé à la ménager. Inférieur en forces, Turenne cotoya l'armée espagnole, fut surpris à Mont-Saint-Quentin, mais échappa à l'ennemi, et trouva à une demi-lieue une excellente position où il s'entoura de retranchements, ce qui lui arrivait fréquemment.

En 1654 Turenne prit Stenai et s'approcha des lignes des Espagnols qui assiégeaient Arras ces lignes étaient fortes, et, malgré le désir de la cour de dégager Arras, Turenne hésitait à les attaquer : cependant il voulut les reconnaître. A cet effet, le 19 août, il les cotoya à portée de mitraille; «<elles tirèrent, lui tuèrent quelques hommes, ce qui excita des observations de la part des personnes qui l'accompagnaient, à quoi il répondit: Cette marche serait imprudente, il est vrai, si elle était faite devant le quartier de Condé; mais j'ai intérêt à bien reconnaître la position, et je connais assez le service espagnol pour savoir qu'avant que l'archiduc en soit instruit, qu'il en ait fait prévenir le prince de Condé, et ait tenu son conseil, je serai rentré dans mon camp. Voilà qui tient à la 、partie divine de l'art (1). Après sa réunion avec les maréchaux de la Ferté et d'Hocquincourt, voyant son armée plus forte, Turenne attaqua les lignes espagnoles sur trois points différents et réussit à les percer. Ce beau fait d'armes lui fit grand honneur.

[ocr errors]

Dans la campagne de 1655 Turenne passa l'Escaut à Bouchain et le repassa à Neuville delà il marcha sur l'armée espagnole, postée auprès de Valenciennes, et la força de lever son camp. L'armée française s'empara ensuite des places de Fresnes et de SaintGuislain.

A) Mémoires de Napoléon, dans la Bibliothèque historique et milvaire, Tome VI, page 824.

« PreviousContinue »