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le parti catholique, et navra de douleur Gustave-Adolphe et tout le parti protestant.

<< L'arrogance et le despotisme de l'Empereur poussèrent enfin la plupart des membres de la diète à se déclarer en faveur de Gustave-Adolphe; et la ruine d'une ville de l'Empire, d'abord si funeste au parti protestant, finit par lui être favorable. A la terreur causée par cet événement succéda bientôt une juste indignation: le désespoir donna du courage aux plus timides, de la force aux plus faibles, et du sein des ruines de Magdebourg les libertés germaniques se relevèrent triomphantes » (1).

Après avoir forcé l'électeur de Brandebourg à faire alliance avec lui, le roi de Suède marcha vers Pappenheim et campa à Werben près du confluent de l'Elbe avec la Havel. Tilly marcha au secours de Pappenheim, et chercha à combattre les Suédois, mais le roi refusa la bataille. Pendant ce temps le général suédois Tott achevait la conquête du Mecklembourg.

Le landgrave de Hesse-Cassel, puis l'électeur de Saxe se jetèrent alors dans les bras de Gustave-Adolphe.

Tilly s'empara de Leipzig, et, le 7 septembre 1631, fut vaincu près de cette ville par les armées réunies des Suédois et des Saxons. Dans cette bataille « les dispositions du roi méritent d'être examinées avec attention. Jamais avant lui on n'avait fait mouvoir les troupes avec autant de promptitude et d'habileté sur le champ de bataille, jamais on n'avait fait un emploi aussi judicieux de l'artillerie, et nous croyons que les écrivains militaires n'ont pas rendu à ces dispositions la justice qui leur est due. Le roi de Suède veut porter les coups décisifs sur l'aile gauche ennemie; dans ce but, il se place lui-même à son extrême droite; son centre est défendu par une batterie nombreuse, les autres pièces sont en réserve, ou distribuées par régiment; lorsque toute sa gauche est enfoncée, il

(1) SCHILLER, Guerre de trente ans, traduite par madame la baronne de Carlowitz, page 483.

présente à l'instant de nouvelles troupes à son ennemi pour dégarnir son front; le moment suprême est-il arrivé? toute l'artillerie légère est réunie avec promptitude en une seule batterie sur le point décisif; enfin, le roi, en poursuivant toujours ses succès sur sa droite, pendant que le centre combat, se trouve par le fait avoir le premier mis en pratique l'ordre oblique rendu si célèbre par le grand Frédéric (1). »

Sept mille Impériaux périrent à Leipzig: le nombre des blessés et des prisonniers monta à plus de 5,000; toute l'artillerie, les caissons, les bagages, les munitions, et plus de cent drapeaux ou étendards, tombèrent au pouvoir du vainqueur qui ne perdit que 2700 hommes. Tilly se sauva avec 600 hommes et Pappenheim avec 1,400. Les Saxons avaient agi mollement et tout le mérite du gain de la victoire appartenait aux Suédois, aux mains desquels Mersebourg et Halle ne tardèrent pas à tomber.

«La bataille de Leipzig, si glorieuse pour Gustave-Adolphe, amena, a écrit Schiller, de grands changements dans la conduite de ce monarque et dans l'opinion que l'Allemagne s'était formé sur son compte. Il venait de se mesurer avec le plus grand capitaine de l'époque; ses théories militaires et le courage de ses soldats s'étaient trouvés aux prises avec la tactique d'un guerrier mûri par l'expérience, et avec la valeur éprouvée de l'élite des troupes impériales; et il était sorti victorieux de cette lutte. Aussi, dès ce mo ment, le vit-on montrer plus de confiance en lui-même ; ses opérations militaires avaient une allure plus franche et plus hardie; et, dans les situations les plus critiques, il conserva cette noble assurance qui inspire toujours de grandes actions (2). »

Reconnaissant que pour se rendre maître de la situation, il fallait avant tout conquérir le centre de l'Allemagne, Gustave-Adolphe renonça au plan de marcher sur Vienne, et pénétra en Franconie.

(1) Études sur le passé et l'avenir de l'artillerie, par le prince Napoléon-Louis Bonaparte. Paris, 4846, tome I, page 330.

(2) Guerre de trente ans, traduction de Carlowitz, page 204.

En peu de temps il affranchit le Palatinat, envahit les archevêchés de Mayence, Wurtzbourg et Bamberg, s'étend en vainqueur sur les deux rives du Lech (1) et du Danube, et entre à Munich pendant que ses alliés chassent les Impériaux du Mecklembourg et de la Bohême. A ces revers se joint bientôt une invasion de la Hongrie par les Turcs et la position de l'Empereur redevient si critique qu'il supplie Wallenstein de redevenir son généralisime ce dernier finit par accepter sous la condition expresse que son pouvoir serait illimité, et qu'on lui concéderait, outre le Mecklembourg, un des Etats héréditaires de l'Autriche.

Wallenstein, après avoir réorganisé l'armée impériale, soumit la Bohême, opéra sa jonction avec l'électeur de Bavière Maximilien, conserva le commandement des deux armées et se dirigea brusquement vers le Palatinat où il assiégea les Suédois campés autour de Nuremberg. Mais la disette ne tarda pas à se faire sentir des deux côtés. Alors Gustave-Adolphe, affligé de la misère qu'il avait sous les yeux, sortit de ses retranchements et offrit la bataille. Wallenstein l'ayant refusé, le roi attaqua les retranchements des Impériaux, mais, après avoir perdu 2,000 hommes, il fut obligé de rentrer dans son camp, et, le 8 septembre 1632, il décampa laissant garnison dans Nuremberg: aussitôt Wallenstein partit en incendiant son camp et tous les villages voisins.

Le généralisime abandonna alors l'électeur de Bavière et se dirigea seul sur la Saxe pour empêcher les Saxons de conquérir la Silésie. Il traversa dans sa route la Thuringue, le Voigtland et la Misnie qu'il mit à feu et à sang, et arriva à Leipzig, mais l'entrée à Erfurth du roi de Suède, qui venait secourir son allié, le fit rétrograder jusqu'à Mersebourg.

Le 6 novembre 1632 eut lieu la bataille de Lutzen où Wallens

(4) Le passage du Lech (22 mars 1631) fut forcé, en présence de l'armée de Tilly, grâce à soixante-douze pièces braquées sur la rive opposée et qui furent pointées avec une grande habileté : le roi de Suède lui-même pointa plus de soixante coups: ce passage est un de ses plus beaux faits d'armes.

tein se mesura avec le héros du Nord. La bataille fut sanglante, Gustave Adolphe y périt, mais, après sa mort; le duc Bernard de Weimar prit le commandement et acheva de gagner la victoire. Wallenstein abandonna toute son artillerie sur le champ de bataille et évacua immédiatement la Saxe.

Bien instruit de la science militaire, telle que l'avait successivement constituée l'expérience des anciens et des modernes, GustaveAdolphe la perfectionna encore et ce fut aux améliorations qu'il y introduisit qu'il dut ses succès.

Il réduisit à six rangs la profondeur de son infanterie, et la divisa, pour la rendre plus mobile, en petits bataillons indépendants tous commandés par un chef particulier. Cette réduction de profondeur diminuait les ravages causés par les boulets, et, alongeant son front, donnait à ses feux un plus grand développement et lui permettait de ranger en ordre de bataille ses troupes sur deux lignes avec réserves trois avantages qu'il avait sur les troupes impériales rangées suivant l'ordre profond, en gros bataillons et en gros escadrons.

Il divisa sa cavalerie, toujours composée de, cavalerie légère et rangée sur trois ou quatre rangs, en petits escadrons, et lui ordonna de ne faire feu qu'à bout portant et de charger à l'arme blanche. Cette tactique frappait d'étonnement les Impériaux qui, malgré toute l'autorité de Wallenstein, eurent de la peine à s'y familiariser. « Tous les succès du roi, dit un auteur allemand) 1), furent préparés par la cavalerie, ce qui doit étonner quand on songe à l'état ou elle se trouvait sous ses prédécesseurs. De l'état d'arme méprisée il l'éleva en quelques campagnes à l'état d'arme principale. Un grand nombre des exploits de Poméranie, les succès de Burgstall, Breitenfeld, et en partie ceux du Lech et de Lutzen lui appartiennent. Rien ne prouve mieux la confiance que le roi avait en elle

(1) Histoire de la guerre ( en allemand), par Brandt, tome IV, xvi siecle, Berlin, 1838, page 275.

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que le fait qu'il aimait surtout combattre à sa tête. Gustave-Adolphe était un général de cavalerie du premier mérite. »

Il mélangea souvent l'infanterie et la cavalerie, employa peu les tirailleurs, réduisit l'armure à la cuirasse et au casque, donna à ses soldats des vêtements chauds, et distingua ses régiments par la couleur de leurs casaques.

Il perfectionna et allégea le mousquet, adopta la giberae pour mettre les cartouches, et, par des exercices bien entendus et souvent répétés, parvint à obtenir un feu d'infanterie notablement amélioré et bien supérieur à celui des armées impériales.

Il allégea son artillerie et accéléra la rapidité de son tir. Il la plaçait par sections devant son infanterie et attachait des pièces à chaque régiment. Il eut toujours un nombre de pièces plus grand que celui indiqué par les proportions jusqu'alors admises, de même que dans son infanterie il multiplia les mousquetaires.

Sa discipline était sévère et il donnait lui-même l'exemple en partageant les fatigues et les privations du soldat.

Il faisait usage de fortifications passagères pour couvrir ses communications et fortifier ses camps: les retranchements dont il s'entourait, entr'autres ceux de Werben et de Nuremberg, s'élevaient à la hâte, car ses troupes étaient habituées à ce genre de travail comme à tous les autres: de nos jours ces camps retranchés pourraient encore servir de modèles.

Voici quel était généralement l'ordre de bataille de Gustave-Adolphe: l'infanterie au centre, l'artillerie répartie sur toute la ligne, la cavalerie aux ailes, - le tout ordinairement sur deux lignes. C'est encore, sauf pour l'artillerie, l'ordre de bataille suivi de nos jours.

Gustave excella surtout à choisir et à conserver ses bases et ses lignes d'opérations: il en avait compris toute l'importance que nul n'avait pressentie avant lui. Cette conservation était du reste une des nécessités de la multiplication dans les armées du nombre des armes à feu, car pour ces armes il fallait d'immenses munitions et il était essentiel de pouvoir toujours arriver à leur lieu de dépôt. Gustave avait augmenté l'inconvénient en augmentant la proportion de cette arme il dut songer an remède et c'est ce qu'il fit en posant le

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