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n'avait présenté que deux hommes aussi grands: et l'humanité attendit mille ans avant d'en avoir taillé un à cette hauteur » (1).

Rien n'a manqué à la gloire de Charlemagne : l'église reconnaissante en a fait un saint et l'épithète de grand est restée partie intégrante de son nom. Comme fondateur d'empire, comme pacificateur, comme administrateur, Charlemagne n'est point au-dessous d'une pareille gloire; mais comme guerrier, comme général, il la mérite plutôt pour les résultats qu'il obtint que pour l'habileté avec laquelle il conduisit ses guerres : son secret était en effet plus politique que militaire: il avait le plus grand soin de maintenir la division parmi ses ennemis et tombait à l'improviste sur les révoltés qu'il châtiait avec énergie. Les historiens impartiaux sont assez d'accord (2) à cet égard et quelques citations montreront que comme homme de guerre, Charlemagne est inférieur à Alexandre, à Hannibal et à César.

«L'histoire de Charlemagne, dit M. le lieutenant colonel Rocquancourt dans son Cours élémentaire d'art et d'histoire militaires, (3) est assez connue pour qu'on n'ait aucun doute sur l'étendue de sa puissance et sur ses victoires; mais on ne peut former que des conjectures sur l'organisation et la manière de combattre de ses armées. Charles avec son aptitude et un génie extraordinaire

(1) T. LAVALLÉE, Histoire des Français, tome I, p. 164. Cette citation montre que l'auteur considère comme les plus grands hommes produits par l'humanité : Alexandre, César, Charlemagne, Napoléon.

(2) Un des dissidents est M. le major wurtembergeois de Kausler. — On lit en effet dans son Essai d'une histoire militaire de tous les peuples, en allemand, tome III, Ulm, 4828, p. 589 : « Comme général, Charlemagne paraît encore plus remarquable que comme homme d'État. Par l'étendue de ses vues pour ses plans d'opérations, et l'uniformité de sa conduite, il exécutait avec facilité les plus grandes expéditions et avec rapidité les plus rudes campagnes. Sa persévérance dans les entreprises difficiles, son mépris de tout danger personnel, le placent à côté des héros de l'antiquité. »

(4) Tome 1, page 244.

pour le gouvernement et pour la guerre, et l'expérience acquise pendant un règne de quarante-sept ans, rempli d'expéditions dans tous les pays et contre des ennemis de plus d'une espèce, améliora vraisemblablement quelques parties de la discipline; mais encore est-il douteux qu'il ait fait revivre la tactique romaine, ainsi que le P. Daniel cherche à l'insinuer: car si cela avait eut lieu, l'art ne se serait point retrouvé, sous ses successeurs, au point où il était, et même au-dessous de ce qu'il était du temps de Charles-Martel son aïeul; la guerre contre les Saxons eût été abrégée : la cavalerie, sous son règne, n'aurait pas pris un ascendant décidé sur l'infanterie, et ses paladins ne seraient pas devenus des héros de romans: preuve évidente que déjà la prouesse avait pris la place de la tactique avec laquelle elle est à peu près incompatible.

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« Pour bien juger, dit Gibbon, de la réputation que Charlemagne a obtenue dans le métier des armes, il faut considérer quels furent ses troupes, ses ennemis et ses actions. Alexandre fit des conquêtes avec les soldats de Philippe : mais les deux héros qui précédèrent Charlemagne lui léguèrent leur nom, leurs exemples et les compagnons de leurs victoires. C'est avec ces vétérans, et à la tête de ses armées supérieures en nombre, qu'il accabla des nations sauvages ou dégénérées, qui ne pouvaient se réunir pour leur sûreté commune: et jamais il ne combattait un peuple qui eût le même nombre de troupes, la même discipline et les mêmes armes que lui. La science de la guerre a été perdue, et s'est ranimée avec les arts de la paix: mais aucun siége ou aucune bataille bien difficile ou d'un succès bien éclatant n'illustra ses campagnes, et il dut voir d'un œil d'envie les triomphes de son grand-père sur les Sarrazins. Après son expédition d'Espagne, son arrière-garde fut défaite dans les Pyrénées; et ses soldats, dont la position était sans remède, et dont la valeur était inutile, purent en mourant accuser le défaut d'habilé ou de circonspection de leur général » (1).

(4) Décadence de l'Empire romain, édition du Panthéon littéraire, t. 2. P. 371.

CHAPITRE V.

GENGIS-KHAN.

( 1164-1227. }

Gengis (mieux Tchinggis) ne savait ni lire ni écrire; et presque tous ses sujets, Mongols ou Tartares, étaient aussi ignorants que lui leurs exploits se sont conservés par tradition.

Gengis conquit d'abord tout le désert qui se trouve entre la muraille de la Chine et le Volga, puis il attaqua la Chine dont ses ancêtres étaient tributaires. Dans sa première expédition contre ce pays il prit quatre-vingt-dix villes, et consentit à la paix sous condition d'un tribut d'or et de soie, plus une princesse de la Chine, cinq cents jeunes hommes et cinq cents jeunes vierges. Dans sa seconde expédition il prit Pékin et augmenta son Empire des cinq provinces méridionales de la Chine.

Gengis attaqua ensuite Mohammed, sultan de Kharizm, le vainquit près du Jaxarte dans une grande bataille, où il opposa 700000 hommes aux 400000 combattants de l'armée ennemie : 160000 de ces derniers restèrent sur place. Après sa victoire, Gengis, qui avait formé un corps d'ingénieurs et de mécaniciens chinois, assiégea successivement les nombreuses places de l'Empire de

Mohammed et s'en empara. Il ravagea ensuite et convertit en un désert tout le pays situé depuis la mer Caspienne jusqu'à l'Indus. Mohammed périt abandonné de ses sujets dans une île déserte de la mer Caspienne : son fils Gelaleddin, malgré sa valeur, fnt vaincu, et l'empereur Mongol, forcé de céder aux murmures de ses troupes, interrompit le cours de ses conquêtes. Chargé des dépouilles de l'Asie, il revint lentement et trouva « au-delà de l'Oxus et du Jaxarte, les deux généraux qu'il avoit détachés avec 30000 hommes pour réduire les provinces méridionales de la Perse. Après avoir renversé tout ce qui s'offrait à leur passage, forcé le défilé de Derbend, traversé le Volga et le désert, et fait le tonr entier de la mer Caspienne, ils revenaient triomphants d'une expédition dont l'antiquité n'offrait point d'exemples, et qu'on n'essaya jamais de renouveler; Gengis signala son retour par la défaite de tous les peuples tartares rebelles ou indépendants, et mourut dans un âge avancé, au sein de la gloire, en exhortant ses fils d'achever la conquête de la Chine (1).

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Ses exhortations furent suivies : Ses fils conquirent la Chine entière, puis envahirent et ravagèrent la Georgie, la Circassie, la Russie et les frontières de l'Allemagne : ils brûlèrent Moscou, détruisirent Lublin et Cracovie, et firent trembler l'Europe.

Au point de vue de l'art militaire, Gengis-Khan jette peu d'éclat, et ses talents guerriers sont certes bien inférieurs à ceux d'Alexandre-le-Grand, d'Hannibal et de César. Mais il fut un des plus grands conquérants de la terre, et c'est à ce titre qu'il figure dans cette dissertation. Petit prince tartare régnant sur treize mille familles, et dont le nom véritable était Temugin, il sut par son génie se créer un empire qui avait à sa mort plus de quinze cents lieues de large, de Pékin à la mer Caspienne.

(4) GIBBON, Décadence de l'Empire romain, édition du Panthéon litteII, p. 787.

raire,

CHAPITRE VI.

TAMERLAN.

1336-1405.

Tamerlan descendait de Gengis Khan par les femmes simple chef de tribu, mais doué de grands talents militaires, il eut toute sa vie l'ambition d'aspirer à la monarchie universelle. La plus digne occupation d'un prince, dit-il, dans ses Instituts, est de conquérir le monde. La politique eut aussi une grande part dans ses succès, ce qu'il explique par la maxime suivante : Un projet sagement combiné produit plus d'effet qu'un corps de 100,000 cavaliers.

Proclamé empereur du Djagataï en 1370, après bien des vicissitudes et des combats, il choisit Samarkand pour sa capitale et y établit le siége de son Empire.

En 1371, il ouvrit la série de ses conquêtes. D'une activité infatigable il «< n'était jamais content qu'il ne fût venu à bout des affaires qu'il avait commencées » (1) : aussi, avant sa mort, avait-il ajouté vingt-six couronnes à celle du Djagataï.

Il soumet d'abord le pays des Djettes et le Kharizm : les Djettes se révoltèrent plusieurs fois, et il fallut dix ans pour les réduire entièrement.

Il envahit ensuite (1380) la Perse ruinée par quarante années de discordes civiles. En 1387, il s'empare d'Ispahan dont il fait mas

(4) CHERIF-EDDIN-ALI, Histoire de Tamerlan, traduite par Petis de la Croix, Paris, 1722, 4 vol. in-42, tome I, page 223.

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