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prendre les occasions qui s'offriraient de défaire ses ennemis : de pourvoir à ce que les vivres ne lui manquassent point, de tenir toujours ses soldats en exercice et en haleine pour pouvoir exécuter ses desseins avec promptitude et bon ordre (1).

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César n'arriva à Alexandrie qu'avec 3200 hommes; aussi la lutte qu'il eut à y soutenir fut-elle terrible et manqua-t-il d'y périr lui et ses Commentaires (2). Cela ne l'empêcha pas de partir ensuite avec 1000 hommes seulement pour combattre Pharnaze, roi de Pont: avec ces 1000 hommes et les débris de trois légions qu'il trouva sur place, il battit Pharnaze à Zéla. C'est par les mots célèbres : Veni, vidi, vici, qu'il rendit compte à Rome de cette campagne rapide.

Je l'avoue, j'ai un faible pour César je le trouve plus grand qu'Alexandre, plus grand qu'Hannibal. Comme ce dernier il eut de rudes ennemis à combattre : ce furent d'abord les Gaulois, peuple inconstant et indocile, mais ennemi valeureux et sans cesse renaissant ce furent ensuite, dans la guerre civile, les Romains eux-mêmes commandés par des généraux tels que Pompée, Labiénus et Scipion. J'oubliais les Bretons, les Espagnols et les Numides, et bien d'autres, car César combattit dans presque toutes les parties du monde alors connu. Comme Hannibal il fut souvent obligé de se créer une armée, une flotte, des machines, d'immenses fortifications: ce dont il avait besoin, il le faisait sortir de terre et ne s'en vantait pas. Pompée s'en vantait, mais il était impuissant à être grand s'il n'avait à sa disposition tous les moyens dont un État civilisé peut armer la main d'un général.

César prenait la peine d'instruire et d'exercer lui-même ses trou

(1) Le Parfait capitaine, Abrégé des guerres des Gaules, livre 4", re

marques.

(2 Pendant la défense de la presqu'île contre les Alexandrins, César, se trouvant dans un vaisseau rempli de fugitifs qui s'ouvrit, nagea pour en atteindre un autre et tint entre ses dents ses Commentaires pour ne les donner ni à l'ennemi, ni aux flots. » (Histoire de la guerre, antiquité, par Ciriacy, 1828, en allemand, p. 444. )

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pes, leur enseignant la manière dont il fallait combattre. chaque Pour d'ennemi différent. J'en cite deux exemples. genre combattre la cavalerie Numide, il leur disait de tantôt avancer, de tant t reculer, de tantôt feindre l'attaque et décocher le javelot (1).

A Pharsale, pour combattre la belle jeunesse de Rome, il se contenta de leur jeter ces mots en passant: Frappez au visage. Tout en descendant aux détails, César n'oubliait rien d'essentiel, et ses instructions à ses lieutenants, quoique courtes, étaient nettes et suffisantes. Pour mieux s'expliquer dans ces instructions, il avait soin de recueillir tous les renseignements topographiques possibles sur les pays où il agissait. Aussi, « il ne se trouva jamais embarrassé. Perdait-il une communication, il en établissait une autre. Sa dernière et plus sûre base était un camp d'armée, son but d'opérations le point le plus rapproché de l'ennemi, sa plus courte ligne d'opérations le chemin du combat: César l'employait presque continuellement. Il se conservait toujours l'initiative. Il devait surtout la victoire à la surprise et à l'inattendu de son apparition. Les circonstances ne pouvaient le réduire que pour peu de temps à la défensive. C'était presque alors qu'il était le plus redoutable, lorsque son adversaire se croyait près de triompher. Aucun des défauts de cet adversaire n'échappait à son regard d'aigle, et il savait en profiter avec la rapidité de l'éclair. De chaque désastre il faisait jaillir la victoire (2). »

Le nom de César a eu plus de retentissement que ceux d'Alexandre et d'Hannibal est-ce parce qu'il est le plus grand homme du plus grand des peuples de l'antiquité? est-ce parce que ses armes visitèrent plus de pays que les armes d'Alexandre et d'Hannibal? est-ce enfin parce que son nom servit sous l'Empire romain à désigner une dignité, et que de nos jours encore Kaiser en Allemagne et Czar en Russie veulent dire Empereur? Je ne sais, mais il me semble que César a bien mérité toute la gloire attachée à son nom par la postérité.

(4) Hirtius, Guerre d'Afrique, chapitre 74.

(2) Histoire de la guerre, Antiquité, par Ciriacy, 1828, en allemand, p. 364.

PARIS. - Imprimerie d'A. SIROU, rue Saint-Jacques, Ho.

DES

ARMES SPÉCIALES.

LE PLUS GRAND HOMME DR GUEREE

DISSERTATION HISTORIQUE

Par ED. DE LA BARRE DUPARCQ, capitaine du génie.
(Voir notre numéro de Septembre 1848.)

CHAPITRE IV.

CHARLEMAGNE.
742-814 )

En montant sur le trône, Charlemagne comprit qu'il fallait donner de la stabilité au royaume des Francs; qu'il fallait consolider les conquêtes de Peppin d'Herstall, de Charles-Martel, et de Peppine-Bref. Dans ce but, au nord et au midi, il repoussa et contint, ou extermina, les peuples envahisseurs, ce qui exigea pendant son règne cinquante-trois expéditions: « dix-huit contre les Saxons, sept contre les Sarrasins d'Espagne, sept contre les Sarrasins d'Italie, quatre contre les Abares, trois contre les Danois, quatre contre les Slaves, cinq contre les Lombards, deux contre les Grecs, une contre les Thuringiens, une contre les Aquitains, deux contre les Bretons. >>

A la mort de Peppin-le-Bref, l'Aquitaine se "souleva : Charles marcha contre cette province, défit le vieux duc Hunold,, désarma les Aquitains et bâtit sur la Dordogne un château-fort destiné à maintenir le pays dans l'obéissance.

La soumission des Saxons dura trente-trois ans ; ce fut la plus pénible des conquêtes de Charlemagne : ce peuple courageux se T. 4. No 10.- - OCTOBRE 1848. — 3′′ SÉRIE. (ARM. SPÉC.)

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remuait, se révoltait sans cesse. Toujours vaincu, toujours cruellement puni, il finit par donner des ôtages et par abandonner le culte des idoles. Charlemagne le convertit par la force, punissant, comme un indice de révolte, chaque infraction aux préceptes de la religion chrétienne. Il espérait que leur conversion ferait plus pour leur soumission que la puissance de ses armes. Il abattait leurs forêts, y construisait des forts, y bâtissait des villes et des abbayes: enfin il transplantait des populations entières.

Didier, roi des Lombards, ayant menacé Rome, le pape Adrien appela les Francs à son secours. Charles traversa les Alpes, battit les Lombards et arriva jusqu'à Rome où il fut reçu en libérateur. Il acheva ensuite la conquête de la Lombardie, força Didier à se faire moine, et ajouta à ses titres de roi des Francs et de Patrice des Romains, celui de roi des Lombards.

Charlemagne marcha ensuite contre les Sarrasins d'Espagne, s'empara de Pampelune et se porta sur Sarragosse. Mais, ne trouvant pas autant d'alliés qu'il y comptait, il retrograda et c'est à son retour qu'il fut surpris, par les Vascons d'Espagne et les Arabes, dans les défilés de Roncevaux où périt le célèbre Roland. Le roi des Francs revint sur ses pas pour se venger, et fit pendre Lupus, le duc des Vascons; puis il organisa l'Aquitaine en quinze comtés qu'il confia à des vassaux dévoués, et forma de l'Aquitaine, de la Vasconie et de la Septimanie un royaume à part, posté en face des Arabes et destiné à leur résister: il donna ce royaume à son fils Louis.

Pendant ces guerres et leurs intervalles, Charlemagne organisait l'administration de son royaume. Il chercha à centraliser, ce qui était difficile à une époque où la féodalité se formait et se consolidait; il confia le gouvernement des provinces à des gouverneurs qui levaient des troupes, percevaient les impôts, rendaient la justice, et veillaient à l'entretien des monuments publics, des routes et des ponts. Des envoyés royaux (missi dominici) inspectaient les provinces et les gouverneurs. En outre il réforma le clergé, restaura les lettres et les arts, et mit tous ses soins à améliorer le sort misérable des esclaves.

Toutes ses frontières étaient menacées: Charlemagne fut obligé de soumettre les Thuringiens, les Bretons et les Bavarois. Son fils Peppin, qu'il avait fait roi d'Italie, ravagea le pays des Huns et força le roi des Arabes à se faire chrétien.

Les Arabes passèrent les Pyrénées, s'emparèrent de Narbonne et ravagèrent la Septimanie. Alors Louis pénétra en Espagne, fut vainqueur des Arabes et des Vascons et s'empara de Barcelone et de Tortose dès-lors le bassin de l'Ebre appartint aux Francs.

Avec tant de puissance et tant de gloire, Charlemagne alla à Rome se faire couronner, de la main du pape, empereur d'Occident: la cérémonie eut lieu le jour de Noël 800, c'est-à-dire quelques jours seulement avant le neuvième siècle.

Le nouvel empereur voulut profiter du prestige de sa nouvelle dignité pour achever de centraliser le pouvoir entre ses mains : et il exigea le serment de fidélité de tous ses sujets, excellente mesure qui tendait à porter atteinte, en faveur de la royauté, au pouvoir direct des propriétaires d'aleux sur leurs vassaux.

Les frontières étaient encore menacées, et pour les défendre il fallut que Charles fît de nouveau la guerre; mais il ne la fit plus en personne et fut remplacé soit par ses lieutenants, soit par ses fils. Comme les peuples limitrophes ne pouvaient plus envahir par terre l'empire des Francs, à cause des forts et des troupes qui défendaient de ce côté les frontières, ils montèrent leurs navires (1) et vinrent en pirates inquiéter les côtes de l'Océan : c'était un nouveau genre d'invasion qui devait plus tard devenir funeste à la France!

Le 28 janvier 814 « Charles mourut, après avoir régné quaran– te-six ans comme roi et quatorze comme empereur. L'antiquité

(4) Les Normands n'avaient pas seulement, comme on l'a répété souAent, des barques en osier ou en bois, mais bien aussi des navires de différentes dimensions qui leur permettaient de traverser les mers. Consuitez à cet égard, A. JAL, Archéologie navale, Paris, 1840, tome I, pages 134 et suivantes.

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