Page images
PDF
EPUB

MÉMOIRE

SUR LA FABRICATION

DE LA POUDRE A CANON.

T. 3. N° 5. MAI 1848. 3 SERIE. (ARM. SPÉc.)

26

SUR LA FABRICATION

DE LA POUDRE A CANON,

Par BRADDOCK, Commissaire de l'Ordnance,

Traduit de l'anglais avec notes et remarques,

Par GABRIEL SALVADOR, Capitaine d'artillerie.

Suite.

OBJECTIONS A LA CARBONISATION DANS LES

CYLINDRES.

47. On a fait cette objection contre le procédé de distillation en vase clos, qu'on courait le risque de brûler le bois outre mesure; mais lorsque ce procédé est bien compris l'objection ne conserve plus de va'eur, car le danger signalé ne se produit pas dans la pratique. Mais, lors même que les règles de l'opération ne sont pas encore bien déterminées par une pratique suffisante, si l'on a le soin de retirer le charbon, ou de faire cesser le feu lorsque les dernières portions d'acide s'écoulent, et que le gaz produit prend une couleur d'un bleu violet, la distillation sera parfaite et il n'y aura pas le moindre danger de surcarbonisation. Néanmoins, la pratique est la meilleure règle pour la conduite de l'opération (1).

(1) Voir les Essais de chimie de Parke, pour un fait singulier produit par suite d'une légère altération dans les appareils de distillation dans l'une des poudreries appartenant à l'industrie privée.

48. Le charbon peut être rendu extrêmement dur par l'effet d'une température très-élevée. Soumis à l'action de la pile, il acquiert assez de dureté pour rayer le verre, et même pour résister à l'action d'un feu modéré. « Il est rendu d'autant moins combustible qu'il ne subit aucune altération lorsqu'on l'allume sur une plaque de fer au contact de l'air. Lorsqu'il est dans cet état, le charbon est tout à fait impropre à la fabrication de la poudre; ainsi lorsque la distillation est complète, la continuation du chauffage devient nuisible.

49. Dans le courant de l'année 1802, quelques expériences furent faites à Madras par le capitaine Bishop et Benjamin Roëbuck sur l'emploi du charbon distillé en cylindres; ils reconnurent que de la poudre fabriquée avec du charbon chauffé avec excès ne donnait des portées que de 42 yards (ou 38,22), tandis que la poudre fabriquée avec du charbon convenablement distillé donnait des portées de 157 yards (142,8). Ces expériences prouvent que l'emploi d'un charbon mal préparé suffit pour diminuer toutes les qualités de la poudre.

50. On a fait aussi contre l'emploi des cylindres l'objection que ce mode de carbonisation était fort coûteux. En Angleterre, les produits liquides de la distillation du bois sont utilement employés; et il m'a été dit que la vente payait à peu près la dépense du combustible. Le débit de ces produits n'étant pas le même dans ce pays, celui dont l'emploi est le plus utile est le goudron liquide, qui, mêlé avec de l'esprit-de-vin, forme un très-bon vernis noir, et remplace avec avantage dans plusieurs cas l'emploi du goudron ordinaire. Ainsi, par exemple, il est d'un très-bon usage pour

la conservation des pièces de bois ou de fer exposées à l'action de l'atmosphère. Si, dans ce pays (les Indes), le procédé ordinaire de carbonisation pouvait être perfectionné au point d'obtenir du charbon libre de sels déliquescents sans employer le procédé des cylindres, ce serait sans doute une économie dans la fabrication ajoutée à une amélioration importante dans les qualités de la poudre. Car, ainsi qu'il a déjà été dit, la potasse n'est pas seulement une substance étrangère aux éléments constitutifs de la poudre, mais sa présence est des plus fâcheuses à cause de sa propriété déliquescente qui désagrège les éléments de la poudre, et diminue d'autant plus ses effets que cette désagrégation est plus prononcée.

51. Je crois que l'amélioration dans le procédé ordinaire peut être obtenue, sinon entièrement, du moins en partie. Le bois employé dans les charbonneries des manufactures royales en Angleterre est empilé en chantiers et exposé à toutes les variations de l'atmosphère. Si, dans les Indes, le bois de la plante du gram-bush était exposé avant d'être carbonisé aux fortes pluies d'une mousson, une partie des sels solubles serait probablement entraînée; le charbon obtenu absorberait beaucoup moins l'humidité, et par suite la poudre perdrait moins de ses qualités dans les climats pluvieux. Des faits viennent au reste à l'appui de cette opinion. Des feuilles de noisetier réduites en cendre ont donné dans une expérience 26 p. 010 du poids des cendres en sels solubles; des feuilles du même arbre qui, avant l'incinération, avaient trempé quelque temps dans de l'eau froide, ont donné seulement 8,20 p. 010 de sels solubles. La citation suivante du Catéchisme de chimie, de Parke, confirme encore notre opinion: le docteur Preschier a montré, dit

ce savant chimiste, que la potasse toute formée existe dans le suc des végétaux, quelquefois libre, quelquefois combinée avec des acides; et il a été reconnu que si ces végétaux étaient plongés pendant quelque temps dans l'eau et brûlés ensuite, ils ne donnaient plus de potasse.

52. Quant à cette opinion, que, par la surcarbonisation du bois, on dégage de l'hydrogène du charbon, et on le rend plus dur et moins propre à la fabrication de la poudre, voici, je crois, comment il faut l'entendre. D'abord il est douteux que le charbon renferme une quantité d'hydrogène assez notable pour être utile; et de plus on sait que l'hydrogène ne se trouve pas réuni au carbone, à moins que ce ne soit à l'état de combinaison. Le charbon peut accidentellement renfermer de l'hydrogène à cause de sa propriété d'absorber une certaine quantité de tous les gaz, et parce que l'hydrogène est un des produits de la distillation du bois.

-

La surcarbonisation rend le charbon plus dur, et par suite moins propre à la fabrication de la poudre. Le fait est bien établi, quoique la cause n'en soit pas tout à fait expliquée. C'est à une propriété mécanique qui dépend de la dureté qu'il faut peut-être l'attribuer; comme, à mon avis, c'est probablement l'extrême dureté du diamant ou carbone pur qui rend si difficile la combustion de cette pierre précieuse. Je suis porté à croire pourtant que la nature et les propriétés du charbon destiné à la fabrication de la poudre n'ont pas été suffisamment étudiées. Le chimiste pratique, soit pour ses analyses, soit pour ses expériences, préfère, je crois, le charbon qui a été fortement carbonisé; plus la carbonisation est complète, meilleur il est; mais un charbon pareil diffère dans ses propriétés physiques de celui qui est employé pour la fabrication de la poudre.

« PreviousContinue »