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S Ier.

POINTS SAILLANTS DE LA BIOGRAPHIE DE VAUBAN.

Vauban se créa lui-même il fut ce que nous appelons aujourd'hui fils de ses œuvres. Il naquit le 15 mai 1655, d'Albin Leprestre écuyer et d'Edmée Cormignolt, à SaintLéger de Foucheret (1). Son nom de baptême est Sébastien : plus tard, comme on faisait alors, il ajouta à son nom de Sé. bastien Leprestre celui de Vauban, d'un petit fief que possédait sa famille, et c'est sous ce nom de Vauban que sa réputation est devenue européenne.

Comme on le voit, la famille de Vauban était noble, mais d'une fort petite noblesse et de plus très-pauvre en outre Vauban était le cadet de cette famille. Il était donc pour lui de toute nécessité de se frayer la route des honneurs par son mérite personnel. Il y parvint en s'appuyant sur son épée pour conquérir des places à la France, sur sa plume et son crayon pour lui en construire. Et cette origine modeste était telle ment connue, que, lorsqu'il fut devenu maréchal de France et que Louis XIV lui eut accordé toute sa confiance, les courtisans envieux lui reprochèrent sa naissance en termes amers,

(1) Département de l'Yonne, arrondissement d'Avallon, canton de Quarré-les-Tombes.

qui se traduisent par ces mots du duc de Saint-Simon, le plus fier représentant de la noblesse française : « Vauban, petit gentilhomme de Bourgogne tout au plus. »

Orphelin et sans ressources, Vauban fut recueilli et élevé suivant les uns par le prieur de Saint-Jean de Semur, suivant les autres par le curé de son village auquel il servit quelque peu de domestique (1), et qui lui apprit les éléments de l'arithmétique et de la géométrie. Mais bientôt, ennuyé d'une semblable misère et se sentant capable de mieux faire, il s'échappe et va s'engager comme cadet dans le régiment de Condé qui combattait contre le pouvoir royal; c'était en 1651, on était en pleine Fronde. Vauban devint rapidement officier grâce à ses exploits, et sa réputation commençait déjà à s'asseoir quand, en 1653, il fut fait prisonnier par les troupes de Mazarin, qui, pour l'attacher au service de Louis XIV, lui offrit une lieutenance et l'envoya, au siége de Sainte-Menehould, servir sous les ordres du chevalier de Clerville (2), auquel

(1) Notice historique sur Vauban, par le général Chambray, de l'académie des sciences et belles-lettres de Prusse, Paris, 1855, p. 10.

(2) Le général Haxo possédait un manuscrit du chevalier de Clerville, dont il existe des copies dans les archives de quelques bureaux du génie. Ce manuscrit est intitulé Discours sur les causes du siége de Dunkerque et de ce qui s'est passé et est notable en icelui, 1658. Clerville y doane de grands éloges au cardinal de Mazarin : parmi ces éloges, en général outrés, nous avons remarqué le suivant qui indique un des fils de la sage ligne de conduite politique, grâce à laquelle, avec des talents fort ordinaires, Mazarin sut se maintenir au pouvoir malgré ses nombreux ennemis. « La justice de ce ministre, dit Clerville, est que, quand on a fait ce que l'on doit, il n'accuse des événements que la fortune, et n'a pas moins de soin de consoler ceux qu'elle

il devait, sans s'en douter alors, succéder comme commissaire général des fortifications. Son brevet d'ingénieur est du

3 mai 1655.

Pendant ses loisirs, Vauban se consacra à l'étude de son art, au lieu de dissiper, comme ses camarades, son temps en plaisirs futiles il acquit ainsi de grandes connaissances que son génie sut heureusement mettre en œuvre, lorsque la fortune, qui lui fut toujours fidèle, vint le prendre par la main. C'est une remarque générale: presque tous les grands hommes ont grandi dans la solitude, et se sont préparés aux événements par l'étude, avant de paraitre sur la scène du monde.

En 1658, Vauban fut demandé par le maréchal de la Ferté, sous les ordres duquel il avait déjà servi et qui avait su apprécier son mérite, pour diriger les travaux du siége de Gravelines cette place tomba en notre pouvoir, et grâce à Vauban, Turenne s'empara bientôt également d'Oudenarde et d'Ypres.

Pendant la paix qui suivit le traité des Pyrénées, de 1659 à 1666, Vauban fut chargé de fortifier Dunkerque. Cette place, la première qu'il construisit, fut son chef-d'œuvre : il y travailla toute sa vie, car en 1706, l'année d'avant sa mort, il traça et fit exécuter sous ses remparts un vaste camp retranché pouvant contenir 15,000 hommes. Il fut en outre chargé par Colbert de l'inspection des côtes de la Manche de Rouen à Dunkerque pour lui les travaux de la paix étaient aussi pénibles que les labeurs de la guerre.

Vauban fit un heureux emploi des troupes à l'exécution

a injustement opprimés, que de féliciter les autres qu'elle a comblés de ses faveurs. >>

des travaux publics: 50,000 hommes travaillèrent sous ses ordres aux fortifications de Dunkerque (1).

En 1667, après avoir été blessé à la joue devant Douai, Vauban revint conduire le siége de Lille, dont la prise lui valut, de la part du roi qui commandait l'armée, une lieutenance des gardes et une pension. Il rédige alors le projet de la citadelle de Lille, qu'il construit et dont il est nommé gouverneur l'année suivante, puis prend une part active aux améliorations des places conquises en Flandre.

En 1669, Vauban propose la création d'une compagnie de sapeurs destinés à être exclusivement instruits dans l'art des siéges (2): cette proposition ne reçoit d'exécution qu'en 1671.

En 1673, au siége de Maestricht (3), dont le roi lui confie la conduite exclusive quant au tracé des attaques, il élargit les zigzags des tranchées et les joint par des parallèles spacieuses pour permettre de marcher à l'ennemi sur un grand front cette nouvelle méthode étonne l'ennemi qui capitule le treizième jour de tranchée ouverte. « Jamais Paris, écrit Colbert au roi à propos de ce succès, n'a témoigné tant de joie.

(1) Sous Louis XIV, les troupes travaillèrent, entre autres constructions publiques, aux places de Longwi, Sarrelouis, Huningue, aux ports de Brest et de Rochefort, aux lignes de Flandre et d'Alsace, à divers camps retranchés, aux canaux du Languedoc et de Maintenon.

2. Voyez ce projet dans le Traité de l'attaque des places, édition Augoyat, p. 297 et suiv.

(3) Ce siége fut très-sanglant, à cause, dit Vauban, des incongruités (attaques partielles non ordonnées et inutiles) qui arrivèrent par la faute de gens qu'il ne veut pas nommer. Voyez Abrégé des services du maréchal de Vauban, fait par lui en 1705, publié en 1839 par M. Augoyal, lieutenant-colonel du génie, p. 8.

Dès dimanche au soir les bourgeois, de leur propre mouvement, sans ordre, ont fait partout des feux de joie, qui seront recommencés ce soir après le Te Deum (1). »

En 1677, au siége de Valenciennes, il fait changer l'usage de donner l'assaut la nuit, et depuis cette époque ils ont toujours lieu le jour, ce qui est avantageux en ce que l'assiégeant voit bien les ouvrages qu'il attaque: la nuit au contraire il ne les voit pas, tandis que l'assiégé qui connaît leur tracé et leurs dispositions particulières s'y dirige plus aisément. « Le roi, après mille honnêtetés sur l'heureux succès de ce siége, donna à Vauban une gratification de 25,000 écus, de son mouvement, sans l'avoir demandé ni prétendue; » mais bien « en considération de ses services et pour lui donner moïen de les continuer (2). »

Après la prise de Valenciennes on procède à l'attaque de Cambrai qui se rend promptement: mais la citadelle exige un siége en règle. Emportés par leur ardeur, quelques ingé nieurs proposent de prendre la demi-lare de vive force. Vauban s'y oppose. « Sire, dit-il au roi, vous y perdrez tel homme qui vaut mieux que le tavelin. » Et l'événement justifie sa prédiction on prend la demi-lune de vive force, mais on en est délogé et il faut s'en emparer de nouveau par une attaque en règle. Ce fait se reproduisit souvent: Vauban regardait les soldats comme ses propres enfants et veillait sur leur conservation avec une rare sollicitude (3) : jamais général, suivant la belle expression de Saint-Simon, ne fut plus

(1) Lettre du 4 juillet 1673.

(2) Etat du comptant de 1677, cité dans l'Histoire de la vie et de l'administration de Colbert, par M. Pierre Clément, 1846, p. 129. (3) Consultez Allent, Histoire du génie, p. 149 et 289.

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