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ainsi que tout le terre-plein du bastion, sera flanqué de trèsprès par le flanc yz du cavalier de courtine, comme l'indique la ligne 17-17. Si de plus on élève au point 9 un parapet réunissant le flanc moyen avec le cavalier, et sur la ligne 48-10 un second parapet qui intercepte à l'ennemi parvenu sur la face du bastion la vue sur le terre-plein de la courtine, on obtiendra un excellent retranchement de bastion, qui sera encore plus fort si l'on revêt le fossé 15-16, ce qui forcerait l'assiégeant à l'ouvrir par la mine ou par l'artillerie. On considère, avec raison, comme nécessaire le revêtement de semblables fossés de retranchement, parce que cela seul les met à l'abri de l'assaut, puisque de simples talus de terre, si bien flanqués et si hauts qu'ils soient, arrêtent rarement un ennemi entreprenant qui ne craint pas de perdre des hommes.

Le cavalier Cg (fig. 1) a au reste le défaut que sa face 12-C est trop courte, et par conséquent contient trop peu d'artillerie pour agir avec une grande énergie contre les travaux d'attaque. Speckle a heureusement remédié à ce défaut dans sa manière renforcée. Les faces et les flancs du cavalier fgh sont parallèles aux faces et aux flancs du bastion, et forment un cavalier assurément de même espèce que celui que Vauban et Cormontaingne, 150 ans après Speckle, nous recommandent comme modèle. Le cavalier fgh forme en outre un meilleur retranchement que dans la première manière, parce que le terre-plein de la face ab du bastion est très-énergiquement flanqué par le flanc haut u du bastion voisin et par la longue face fg du cavalier, qui oppose presque un front égal à l'ennemi logé sur la face du bastion.

Il résulte de ce que nous venons de dire que Speckle était convaincu de la nécessité de bons retranchements construits

à l'avance dans l'intérieur des bastions, et qu'il savait disposer les cavaliers, dans ce but, avec le même succès que Vauban et Cormontaingne. Toute la gloire que ces célèbres ingénieurs ont recueillie pour le tracé et l'emploi de leurs cavaliers doit donc au moins être partagée par Speckle, qui écrivait 150 années avant eux. Cela justifie parfaitement la conjecture que tous deux connaissaient l'ouvrage de Speckle et qu'ils les lui empruntèrent.

V. « Une grande partie des flancs, ou mieux tous les flancs, doivent être perpendiculaires sur les lignes de défense. » Dans la première manière (fig. 1), Speckle trace ses flancs de bastion perpendiculaires sur la courtine. Nous avons expliqué le vice de ce tracé à propos de la fortification italienne. Malgré cette position des flancs, Speckle était pourtant profondément convaincu de la nécessité du flanquement à angle droit, car il place la batterie 18, la partie 1-2 du flanc moyen et la partie 13-14 du haut flanc, perpendiculairement sur la ligne de défense, ce qui procure au fossé de la face cf du bastion un très-énergique flanquement perpendiculaire. Il est difficile de dire par quel motif Speckle n'a pas placé les autres parties de ses triples flancs perpendiculairement sur les lignes de défense. Peut-être a-t-il sacrifié à la mode dominante, ou peut-être n'eut-il pas le courage de rejeter entièrement une disposition qui était employée de son temps par les ingénieurs de tous les pays. Quoi qu'il en soit, nous voyons dans la Manière renforcée (fig. 4) toutes les parties du flanc haut u et du flanc bas e tracées perpendiculairement sur la ligne de défense dn.

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On nommait toujours jusqu'à présent le Français comte de Pagan comme le premier ingénieur qui eût placé ses flancs à angle droit sur la ligne de défense, et, malgré le

mérite de ses autres propositions, on basait de préférence. sur cette position de flancs sa principale gloire. Mais de quel droit les Français voudront-ils à l'avenir attribuer l'honneur de cette invention au comte de Pagan, lorsque Speckle fit connaître ce même tracé 70 ans avant lui.

Les flancs retirés ont toujours le défaut de retenir l'intérieur du bastion. Ce défaut est très-remarquable dans la première manière et a pour résultat l'exiguïté du cavalier Cg. Mais Speckle corrigea complétement ce défaut dans sa manière renforcée (fig. 4) en ne retirant aucune partie du flanc.

Pour donner au flanc bas H (fig. 1) plus de vues sur la face ch du bastion, il ne tire pas, comme les Italiens, la ligne kl parallèlement à la courtine, mais il la porte vers l'extérieur. Il a été suivi dans cette disposition par tous les ingénieurs qui ont retiré leurs flancs, c'est-à-dire jusqu'à Vauban.

Speckle rejette les orillons à cause de leurs frais et croit atteindre le même but sans arrondir la partie non retirée du flanc.

VI. « Des galeries casematées sont nécessaires pour défendre le fond des fossés et écarter le mineur assiégeant. » L'importance des basses défenses de fossé fut reconnue de bonne heure par Speckle, qui résolut ce problème avec succès, car le fond de la casemate b (fig. 1 ter) n'étant qu'à 1 pied (0TM 344) au-dessus de la surface de l'eau, on peut facilement des cmbrasures de cette casemate tirer à fleur d'eau.

Le second but de ces galeries casematées est d'aller à la rencontre du mineur assiégeant qui perce l'escarpe et de le repousser. Nous avons, dans ce but, trouvé dans le revêtement des Italiens une galerie de mines, parce que ces galeries étaient d'autant plus nécessaires à cette époque que la

brèche était alors plus fréquemment ouverte par le mineur que par l'artillerie. Speckle élargit tellement ces étroites galeries (dont le général français Marescot emprunta vraisemblablement ses galeries en décharge) qui ne pouvaient contenir que de l'infanterie, qu'elles purent recevoir de l'artillerie, et à cet égard il satisfaisait ainsi aux exigences actuelles de la fortification la plus récente. Mais Speckle considérait comme impraticables les casemates pour l'artillerie, à cause de l'impossibilité de faire convenablement évacuer la fumée. C'est une erreur qu'il partagea au reste avec les ingénieurs français jusqu'en ces derniers temps.Un défaut à signaler est que la couverture de ces galeries n'est pas suffisamment à l'épreuve de la bombe.

VII. « De grands ravelins donnent à la fortification bastionnée une grande valeur défensive. » Speckle reconnut que de petits ravelins sont d'une très-faible utilité, et que les ravelins aussi mal construits que ceux de Famagouste sont très-nuisibles à la défense. Il croit donc que la défense ne peut tirer d'avantages réels que de grands ravelins (demilunes). C'est bien là l'opinion de Vauban et de Cormontaingne sur cet ouvrage. Parmi les importantes améliorations que Vauban fit au tracé de Pagan on compte l'agrandissement de la demi-lune, et lorsque Cormontaingne perfectionna la manière de Vauban, la demi-lune lui parut une des plus importantes parties constitutives de la fortification. Il l'agrandit donc encore et lui donna plus de saillie dans la campagne, ce qui procura à la défense des avantages décisifs. Le corps des ingénieurs français considère encore aujourd'hui la fortification de Cormontaingne comme un type, et la supériorité de cette fortification repose principalement sur la grande saillie de la demi-lune. La renommée

attachée au nom de cet ingénieur distingué a donc sa véritable origine dans cette disposition.

Mais maintenant voici que l'ingénieur militaire allemand Daniel Speckle a donné, 150 ans plus tôt, une demi-lune qui est encore plus grande que celle de Cormontaingne. L'angle flanqué W (fig. 4) avance chez ce dernier au delà du polygone extérieur mv d'environ 280 pieds (87m 92), et le ravelin de Speckle d'environ 420 pieds (131m 88). Cormontaingne dirige la face Wx de sa demi-lune sur un point distant de 60 pieds (18m 84) de l'épaule du bastion : Speckle la dirige sur le saillant m. - Il reste toujours à Cormontaingne le mérite d'avoir reconnu les avantages des grandes demilunes, de les avoir développées scientifiquement et d'en avoir donné de nettes explications; mais il est impossible d'enlever à Speckle l'honneur de cette importante invention ! — Nous nous réservons de traiter de l'utilité des grandes demilunes lorsque nous exposerons la manière de Cormontaingne.

VIII. « Le chemin couvert est une des plus importantes parties de la fortification. » Nous avons développé dans l'exposition de la fortification italienne, les éminentes propriétés du chemin couvert. Speckle les reconnut dans toute leur extension, et son génie sut donner à cette partie de la forteresse une excellente disposition. La brisure en crémaillères de la crête donne au chemin couvert et à son glacis un énergique flanquement par la mousqueterie. Sa largeur et la vaste étendue de sa place d'armes rentrante, qui est beaucoup plus vaste que les plus grandes places d'armes de . Vauban, permettent aux troupes de sortie de s'y rassembler en forces imposantes. On sait quel grand mérite on fit à Vauban d'avoir agrandi les places d'armes de Pagan, et quelle

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