Page images
PDF
EPUB

bientôt, servi de prétexte aux Français pour bombarder toutes leurs places dans les Pays-Bas, et les leur ravir avec une extrême facilité. Elle a prodigieusement contribué à exalter chez nous la fièvre révolutionnaire, et à nous inspirer de l'horreur pour les étrangers, que l'on nous dépeignait comme des cannibales. On peut dire que cette malencontreuse attaque ne deviendrait avantageuse à ceux qui l'ont entreprise, que dans le cas où nous nous laisserions persuader, par cet exemple, qu'il ne faut pas bombarder les villes de nos ennemis.

BOMBARDEMENT DE THIONVILLE

Par l'armée coalisée, en 1798,

A défaut de renseignements fournis sur cette opération par un militaire, nous empruntons textuellement les détails que l'on va lire, à l'Histoire de Thionville par G.-S. Teissier, sous-préfet de l'arrondissement, Metz, 1828.

Le siége de Thionville en 1792, a été, si l'on en croit la plupart des écrivains des guerres de la révolution, d'une part une attaque longue, acharnée et dans laquelle les lois de la guerre n'ont pas même été respectées; d'autre part une défense opiniâtre, où l'on voit se développer dans une population irritée de ses désastres, les sentiments si vantés des guerriers de l'antiquité.

L'histoire de cette ville, écrite sous la dictée de témoins oculaires, ne peut copier les bulletins révolutionnaires dont on se servait pour exalter l'imagination du peuple. C'est assez que le prétendu incendie de Thionville, la destruction de ses remparts, la ruine de ses habitants aient été peints pour les Parisiens dans les bruyantes scènes des boulevarts; que des gravures aient fixé sur le papier ses épouvantables désastres; qu'enfin une foule de compilateurs aient fait passer ces rêveries dans leurs écrits.

La vérité toute simple et tout entière est, qu'à la suite de ce siége, la ville n'avait pas une dégradation de cinquante francs; il n'y eut ni incendie, ni commencement d'incendie...

Au moment où l'armée coalisée opéra son mouvement pour envahir la France, le duc de Brunswick avait décidé de commencer par le siége de Thionville.

La reddition immédiate de Longwy et de Verdun fut, pour les alliés, le présage de celle de Thionville; et ce fut probablement cette opinion qui fit juger superflue une attaque dans les règles.

Après avoir complété l'investissement le 23 août, le général assiégeant attendit jusqu'au 5 septembre pour faire sommer la place; le conseil de guerre réuni aux corps administratifs, répondit qu'à part toute opinion, un ensemble de gens d'honneur ne pouvait poser les armes sur des invitations qui n'étaient que des menaces. Cette dernière phrase parut renfermer un sens profond; on l'interpréta, et l'on jugea au quartier général d'Hettange-la-Grande, que pour mettre à couvert la responsabilité des chefs militaires et civils, il fallait simuler une attaque de vive force, à la suite de laquelle ils pussent capituler. Dans la soirée du mercredi 5 septembre, des bat

teries à découvert furent placées d'une part sur la hauteur qui domine le village de Haute Yutz près de la chapelle Hennequin, de l'autre, près du hameau de la Briquerie. On commença à tirer à minuit vingt minutes; le feu cessa à la naissance du jour : l'artillerie des remparts rendit coup pour coup et démonta plusieurs pièces. Cette attaque si bruyante qui fit cacher les femmes et les enfants dans les plus profonds caveaux, ne coûta la vie à personne chez les assiégés; elle ne mit le feu nulle part. Néanmoins, si l'on en croit le général Wimpfen, gouverneur, dans ses premiers rapports officiels, la ville était foudroyée par une artillerie formidable de gros canons, d'obusiers et de mortiers; et les alliés entremêlaient leurs batteries de manière à envelopper la place de tous les genres de feu. Si l'on en croit nos historiens, les Thionvillois voyaient arriver les projectiles sans plus d'émotion que les joueurs ne reçoivent les balles de paume. Le sang-froid des habitants était extrême au milieu d'une pluie de bombes et de feu; aucun incendie n'éclata malgré les nombreux artifices qui furent lancés sur Thionville; les habitants savaient éteindre si à-propos les mèches des bombes et des obus, qu'ils couraient peu de dangers. (1).

L'aurore du 6 septembre arriva, alors cessa l'attaque.

Voilà ce siége exalté par M. de Jouy dans l'Hermite en province, et par tant d'autres qui ont puisé leurs matériaux dans les déclamations officielles dont la tribune de la convention retentissait, M. de Wimphen, lui-même, avait aidé à cette renommée; plus tard il s'en repentit et il réduisit les évènements à ce qu'ils étaient en effet. La ville a été bombardée, disait-il, dans une lettre imprimée, adressée le 5 février 1793,

(1) Nouveau dictionnaire des siéges et batailles.

t. 3. no 1. — JANVIER 1848. — 3a série. (arm. spé.)

5

à Pache, ministre de la guerre, mais durant deux heures et demie; et pas une toise de toiture n'a été brûlée, pas un dégât de dix écus n'a affligé aueun propriétaire.

On voit qu'il n'était pas rigoureusement nécessaire d'être du métier pour rendre compte de l'attaque de Thionville; il suffisait d'être homme de conscience; et tel était M. Teissier, connu personnellement de l'auteur de ce traité, lorsque cet administrateur exerçait les fonctions de sous-préfet à Saint-Etienne, avant d'être nommé à la préfecture de l'Aude. Il aimait les Thionvillois, au milieu desquels il a vécu longtemps; et leur en a donné la preuve en écrivant l'histoire de leur ville. Si ses anciens administrés eussent été des héros en 1792, il se serait plu à leur rendre cette justice: l'amour seul de la vérité l'a porté à tenir un autre langage.

Les folliculaires et les compilateurs ne sont pas les seuls qui aient présenté cet événement sous les plus fausses apparences. Des ingénieurs qui sont les oracles de la science, des officiers du plus grand mérite, qui ont le droit d'être crus sur parole, et qui, par cette raison, ne devraient jamais se permettre d'altérer la vérité dans l'intérêt d'un système, les d'Arçon, les Carnot, nous citent à l'envi l'affaire de Thionville comme exemple d'une résistance obstinée à un bombardement à outrance; et ne manquent

pas d'en conclure qu'il faut mépriser ce genre d'attaque. Nous demandons à nos lecteurs quel cas on doit faire d'une doctrine qui se base sur de pareilles erreurs. Nous voudrions croire qu'elles sont involontaires; mais la haute position qu'occupaient ces ingénieurs, nous en fait sérieusement douter; et il est bien difficile d'admettre qu'ils n'aient pas su la vérité sur le bombardement de Thionville.

SIEGE DE CHARLEROI

par les Français, en 1794.

Ce siége eut trois actes: il fut deux fois levé par l'intervention d'une armée autrichienne accourue au secours de la place.

A la première reprise, les généraux Desjardins et Charbonnier envoyèrent le commandant Marescot reconnaître la fortification. Celui-ci s'assure que les ouvrages sont parfaitement à l'abri d'un coup de main; la garnison qui les défend est de trois mille hommes.

Le lendemain, 31 mai, les généraux persistent dans leur projet d'escalade; mais ils veulent le faire précéder par un bombardement, dans le dessein d'intimider les habitants et la garnison. Comme il ne se présente aucun officier d'artillerie, le commandant du génie détermine l'emplacement de deux petites batteries situées, l'une sur la rive droite, l'autre sur la

« PreviousContinue »