curgue; & c'eft ce qui caufa fa ruine. Trois jours après qu'Antigone fut entré fort, fort, qu'il fe rompit une veine, & perdit beaucoup de fang. Ce fymptome fut fuivi d'une fièvre continue très-violente, dont il mourut. Il avoit nommé auparavant pour fon fucceffeur Philippe, fils de Démétrius, âgé pour lors de quatorze ans; ou plutôt il lui remit le fceptre, dont il n'avoit été que dépofitaire. Cependant Cléomène arriva à Alexandrie. Quand il falua le Roi pour la première fois, il en fut reçu affez froidement, & fans aucune diftinction marquée. Mais, quand il eut donné des preuves de fon grand fens, & qu'il eut fait voir dans fa conversation ordinaire la franchise & la fimplicité Laconique, affaifonnées de grace fans baffeffe, & même d'une fierté noble, telle qu'elle convenoit à fa naiffance & à fon rang, alors Ptolémée connut tout fon prix, & l'eftima infiniment plus que tous les Courtifans qui ne cherchoient qu'à lui plaire par de baffes flateries. Il eut honte même & fe repentit d'avoir négligé un fi grand homme, & de l'avoir abandonné à Antigone, qui par fa défaite avoit acquis beaucoup de réputation, & augmenté infini ment fa puiflance. Il tâcha donc de con- AN. M. foler & de relever Cléomène par toutes 3782. fortes d'honneurs, & l'encouragea en lui Av. J. C. promettant qu'il le renverroit en Gréce avec une flotte & de l'argent, & qu'il le rétabliroit fur le Trône. Il lui affigna une penfion de vingt-quatre talens par an, dont il s'entretint lui & fes amis avec une quatre mille écus. grande fimplicité, épargnant tout le refte pour. 222 Vingt 221. pour l'employer à fubvenir aux néceffités de ceux qui fe retiroient de Gréce en EAN. M. gypte. Mais Ptolémée mourut avant qu'il 3783. eût pu accomplir la promeffe qu'il avoit Av. J. C. faite à Cléomène de le renvoyer dans fa patrie. Ce Prince avoit regné vingt-cing Strab. 1. ans. C'est le dernier de cette race qui ait 17. p. 796. eu de la modération & quelque vertu. Prefque tous ceux qui vinrent après lui, furent des monftres de débauche & de fcélérateffe. Depuis la paix avec la Syrie, il s'étoit appliqué principalement à étendre fa domination du côté du midi. Monum. Auffi la pouffa-t-il tout le long de la mer Adulit. rouge, fant du côté de l'Arabie que de Detroit celui de l'Ethiopie, jufqu'au détroit qui la de Babel- joint à l'Océan méridional. Ptolemée fon fils, furnommé Philopator, lui fuccéda. AN. M. Quelque tems auparavant il étoit arrivé 3782. à Rhodes un grand tremblement de terre AV. J. C. qui y caufa des dommages confidérables. mandel. 222. Polybg. Tous les murs, tous les arfenaux, tous lib.5.pag. les endroits du port où les vaiffeaux é428-431 toient enfermés, furent ruipés en partie. Le fameux Coloffe, qui paffoit pour une des merveilles du monde, fut abbattu & entièrement détruit. On s'imagine aisément que ce tremblement n'épargna, ni les maifons particulières, ni les édifices publics & les temples. La perte montoit à des fommes immenfes.. Dans ce defastre commun, les Rhodiens, réduits à la dernière extrémité, députèrent chez tous les Princes voisins pour implorer leur fecours. Il y eut entre eux, pour confoler & foula. ger cette ville défolée, une émulation bien digne de louange, & qui eft fans exemple. Hiéron & Gélon en Sicile, & Ptolémée en Egypte, fe fignalèrent entre tous les autres. Les premiers fournirent plus de cent talens (cent mille écus, ) & poferent dans la place publique deux ftatues, l'une du peuple Rhodien, l'autre du peuple Syracufain, dont la première étoit couronnée par l'autre, pour marquer, dit Polybe, que les Syracufains comptoient avoir reçu eux-mêmes une grace & un bienfait d'avoir pu procurer quelque foulagement à ceux de Rhodes. Ptolémée, fans parler de beaucoup d'autres dépenses qui montoient à des fommes confidérables, fournit trois cens talens (trois cens mille écus,) un million de mefures de froment, de la matière pour bâtir dix galères à cinq rangs de rames, & autant à trois rangs, une quantité infinie de bois pour d'autres bâtimens; en particulier, pour rétablir le Coloffe, trois mille talens, c'eft-à dire neuf millions. Antigone, Sélecus, .Prufias, Mithridate, & tous les autres Princes, auffi bien que toutes les villes, fignalèrent leur libéralité. Les particuliers voulurent auffi entrer en part de cette gloire, & l'on cite une Dame appellée Chryféis, véritablement di-Chryféis gne de fon nom, qui feule fournit cent fignifie mille mefures de froment. Que les Princes d'à préfent, dit Polybe, qui croient avoir beaucoup fait quand ils ont donné quatre ou cinq mille écus, comprennent combien ils font éloignés de ceux dont on vient de parler. En affez peu d'années Rho d'or. 496 HIST. DES SUCCESS. D'ALEXANDRE. Rhodes fut rétablie dans un état plus opulent & plus magnifique qu'elle n'avoit jamais été, à l'exception du Coloffe. Ce Coloffe étoit une ftatue d'airain d'une grandeur prodigieufe, comme je l'ai marqué ci-devant. On prétend que l'argent qu'on leva dans la contribution dont je viens de parler, montoit à cinq fois Strab. autant que la perte. Les Rhodiens, au 14. p. 652 lieu d'employer cet argent, comme c'étoit la principale intention de ceux qui l'avoient donné, à relever ce Coloffe, prétendirent que l'oracle de Delphes le leur avoit défendu, & gardèrent cet argent dont ils s'enrichirent. Le Coloffe demeura abbattu comme il étoit fans qu'on y touchât pendant 894. ans, au bout def quels (l'an de Jefus-Chrift 672.) Moawias, Zonar. le fixième Calife ou Empereur des Sarafab regne zins, ayant pris Rhodes, le vendit à un Imperat, marchand Juif, qui en eat la charge de Cedre- neuf cens chameaux, c'est-à-dire, qu'en Conftantis 7:45 comptant huit quintaux pour une charge, l'airain de ce Coloffe, après le déchet de tant d'années par la rouille, & ce qui vraifemblablement en avoit été volé, fe montoit encore à fept cens vingt mille livres ou à sept mille deux cens quintaux. Fin du feptième Tome. TABLE |