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loix & les coutumes des Achéens. Après la célèbre bataille de Leuttres, les Lacédémoniens & les Thébains, par estime pour leur vertu, les prirent pour arbitres dans un différend qu'ils avoient en

tre eux.

Le gouvernement de cette République étoit Démocratique, c'eft-à-dire entre les mains du peuple. Elle conferva fa liberté jufqu'au tems de Philippe & d'Alexandre; mais fous eux, & depuis eux, elle fut, ou foumife aux Macédoniens qui s'étoient rendus maîtres de la Gréce, ou opprimée par de cruels Ty

rans.

Elle étoit compofée de douze* villes renfermées dans le Péloponnèle, qui toutes enfemble n'en valoient pas une bon-ne. Elle ne fe fignala d'abord par aucune action éclatante, parce que parmi fes citoyens il n'y en avoit aucun qui fe diftingât des autres par un mérite particulier. On verra dans la fuite quel changement un homme feul y apporta par fes grandes qualités. Depuis la mort d'Alexandre, cette petite République fut livrée à tous les maux que la difcorde entraîne après elle. L'amour du bien public n'y dominoit plus. Chaque ville ne fongeoit plus qu'à fes propres intérêts. Leur état n'avoit plus rien de fixe ni de ftable, parce qu'el les changeoient de maîtres à mesure que la

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*Ces douze villes étoient, Patra, Dyma, Phara; Tritaa, Leontium, Aegira, Pellene, Aegium Bura j Geraunia, Olenus, Helice.

la Macédoine en changeoit, foumifes d'a bord à Démétrius, puis à Caffandre, & en dernier lieu à Antigone furnommé Gonatas, qui y laiffa dominer les Tyrans dont il difpofoit, afin qu'elles ne puffent pas fe fouftraire à fon autorité.

:

Vers la 124. Olympiade, c'est à dire à peu près dans le tems de la mort de Ptolémée Soter père de Philadelphe, & du paffage de Pyrrhus en Italie, la République des Achéens reprit fes premiers ufages, & rentra dans l'ancienne concorde. Ceux de Patre & de Dyme en jettèrent les premiers fondemens. Les Tyrans furent chaffés des villes. Réunies toutes enfemble comme autrefois, elles ne firent plus qu'un feul corps de République. Il y avoit un confeil public où fe décidoient les affaires. Un greffier commun en te. noit les régîtres. L'affemblée avoit deux préfidens que les villes nommoient tour à tour. Mais bien-tôt après on jugea à pro•pos de les réduire à un feul.

Le bon ordre qui regnoit dans cette petite République, où l'égalité, la liber té, l'amour de la juftice & du bien public, étoient les règles fondamentales du gouvernement, y attira plufieurs villes voifines, qui furent affociées à fes loix & à fes priviléges. Sicyone fut une des premières qui s'y joignit, & ce fut par le moyen d'Aratus l'un de fes citoyens, qui jouera dans la fuite un grand role, & deviendra fort illuftre.

AN. M.

3724. Av. J. C.

280.

Sicyone, qui gémiffoit depuis long-tems Plut. in fous le joug des Tyrans, venoit de faire Arato,p.

un

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un effort pour le secouer, en mettant en place Clinias, l'un de fes premiers & de fes plus braves citoyens ; & déja le gouvernement paroiffoit fe rétablir, & prendre une meilleure forme. Mais Abantidas, pour fe faifir de la tyrannie, trouva le moyen de s'en défaire; & de tous fes parens ou amis, il chaffa les uns, & tua les autres. Il cherchoit auffi Aratus fils de Clinias, qui n'avoit que fept ans, pour le faire mourir. Mais parmi le trouble & le defordre dont la maifon étoit pleine lorfque le père fut tué, cet enfant se déroba avec ceux qui prirent la fuite; & errant par la ville faifi de frayeur, & fans aucun fecours, il entra par hazard fans être vu dans la maifon de la fœur du Tyran. Cette femme, naturellement généreufe, & d'ailleurs perfuadée que c'étoit fous la conduite de quelque Dieu que cet enfant s'étoit réfugié chez elle, le cacha avec grand foin; & la nuit venue elle l'envoya fecrettement à Argos.

· Aratus, fauvé ainfi d'un fi grand danger, fentit dès ce moment s'allumer et lui la haine la plus violente & la plus vive contre les Tyrans, & elle s'augmenta toujours avec l'âge. Il fut élevé avec grand foin chez les hôtes & les amis que fon père avoit à Argos. La tyrannie, en affez peu de tems, avoit déja passé par plufieurs mains à Sicyone, lorfqu'Aratus qui commençoit à entrer dans l'âge d'homme, fongea à en délivrer entièrement fa patrie. Il étoit en grande confidération, tant à caufe de fa naiffance que

de

de fon courage, qui étoit accompagné d'une gravité au deffus de fon âge, & d'un fens ferme & raffis. Ces qualités, qui étoient connues, faifoient que les bannis de Sicyone avoient particulièrement les yeux fur lui, le regardant comme leur reffource & comme leur. futur Libérateur. Is ne fe trompoient

pas.

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3752. Av. J. C.

252.

Aratus, âgé de vingt ans forma une AƑ... · M, confpiration contre le Tyran, c'étoit alors Nicoclès; & quoique les efpions envoyés par celui ci à Argos l'obfervallent de près, il fut fi bien couvrir fon deffein, & le conduifit avec tant de prudence & de fecret, qu'il vint à bout d'entrer de nuit dans Sicyone par efcalade. Le Tyran fut trop heureux de fe fauver de la ville par des conduits fouterrains. Comme le peuple s'affembloit en tumulte, ne fachant rien de tout ce qui fe paffoit, un héraut cria à haute voix qu'Aratus, fils de Clinias, appelloit les citoyens à la liberté. Auffi-tôt ils courent en foule au Palais du Tyran, & y mettent le feu. En un moment le Palais fut embrafé. Il n'y eut pas un feul homme de tué ou de bleffé ni de part ni d'autre, le bonheur d'Aratus ayant confervé cette action pure & netté du fang des citoyens; ce qui faifoit fa joie & fon triomphe. Il rappella les bannis, qui n'étoient pas moins de cinq

cens.

Sicyone commençoit à jouir de quelque repos; mais Aratus n'étoit point fans inquiétude & fans embarras. Au dehors,

il s'appercevoit qu'Antigone jettoit un œil d'envie fur fa ville, & cherchoit les moyens de s'en emparer depuis qu'elle avoit recouvré fa liberté: au dedans, il voyoit, à l'occafion des bannis, des femences de divifion & de difcorde, dont il craignoit extrêmement les fuites. J'expliquerai bien-tôt ce qui y donnoit lieu. Il crut que, dans la conjoncture délicate où il fe trouvoit, le parti le plus fage & le plus für étoit d'unir Sicyone à la Ligue des Achéens. Il n'eut pas de peine à y réuffir; & ce fut.un des plus grands fervices qu'il rendit à fa patrie.

Ce n'eft pas que la puiffance des Achéens fût grande. Ils n'avoient, comme je l'ai déja obfervé, que de très-peti, tes villes. Leur pays n'étoit ni bon ni riche, & ils habitoient le long d'une côte qui n'avoit ni ports ni abris. Mais, avec cette médiocrité, & cette foibleffe apparente, ils furent ceux qui firent le mieux comprendre que les forces des Grecs étoient invincibles toutes les fois qu'ils avoient de l'ordre & de la difcipline, qu'ils ⚫ demeuroient bien unis, & qu'ils étoient conduits par un Général fage & expérimenté. Auffi ces mêmes Achéens, qui étoient fi peu de chofe en comparaifon de l'ancienne puiffance de la Gréce, en prenant toujours de bons confeils, en de⚫meurant étroitement unis ensemble, en n'étouffant point le mérite de leurs cóncitoyens par l'envie, mais aimant à s'y foumettre avec docilité; non feulement fe maintinrent libres au milieu de tant de

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