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ples, & avoir été peut-être amaffées par beaucoup d'exactions violentes? Les dépouilles des Provinces & des Villes font facrifiées à la curiofité d'un jour, & montrées en fpectacle pour attirer la frivole admiration d'un vulgaire groffier, fans fe propofer le moindre fruit ni la moindre utilité. Rien ne marque plus fenfiblement une profonde ignorance du véritable ufage des richeffes, de la folide gloire, & de ce qui mérite à jufte titre l'eftime des hom

mes.

Mais que dire d'une pompe facrée, & d'une folemnité de religion, qui eft convertie en une école publique d'ivrognerie & de licence, qui n'eft propre qu'à exciter toutes les paffions les plus honteufes, à porter à la diffolution, à corrompre tous les fpectateurs, & qui n'offre qu'un dangereux étalage de tous les inftrumens de la débauche, & de tous les motifs les plus puiffans pour y engager; & cela fous le prétexte d'honorer les Dieux? Quelle Divinité, qui fouffre une pompe fi fcandaleule, & qui l'exige!

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S. V. Commencement du règne de Ptolémée Philadelphe. Mort de Démétrius de Phalère. Seleucus cède fa femme, & une. partie de fon Empire à fon fils Antiochus. Guerre de Séleucus contre Lyfimaque : celui ci eft tué dans un combat. Seleucus lui-même eft affaffiné par Ptolémée Céraunus, qu'il avoit comblé de bienfaits. Meurtre des deux fils d'Arfinoe par Céraunus fon frère, & exil de cette Princeffe. Céraunus en est bien-tôt puni par l'irruption des Gaulois, qui le tuent dans un combat. Leur tentative contre le temple de Delphes. Antigone s'établit dans la Macédoine.

AN. M

283.

PTOLEME'E Philadelphe, après la mort de fon père, demeura feul maître 3721. de tous fes Etats, qui étoient l'Egypte, Av. J. C & beaucoup d'autres Provinces qui en dépendoient; favoir la Phénicie, la CéléSyrie, l'Arabie, la Libye, l'Ethiopie, Theocrit Fifle de Cypre, la Pamphylie, la Cili- Idyll 7cie, la Lycie, la Carie, & les Ifles Cyclades.

Philadelphe, tant que Soter vécut, avoit diffimulé fon reffentiment contre Démétrius de Phalère pour le confeil qu'il avoit donné à fon père, lorfqu'il délibéroit fur le choix d'un fucceffeur. Mais, dès qu'il fe vit feul maître, il le fit arrêter, & l'envoya bien gardé dans un fort écar té, où il ordonna qu'on le retînt en prifon jufqu'à ce qu'il eût réfolu ce qu'il en Dogs. feroit. Une piquûre d'afpic mit fin à la vie Laërtim de Demetr

M S

Cicer. in

Rabir.
Pofth.

de ce grand homme, qui méritoit un meilleur fort.

Le témoignage favorable que lui renOrat. pro dent Cicéron, Strabon, Plutarque, Diodore de Sicile, & plufieurs autres, ne laiffe aucun lieu de douter, ni de fa probité, ni de la fageffe de fon gouvernement. Il nous refte à examiner ce qu'on a pensé de fon éloquence.

2. 23.

Le

caractère de fes écrits, comme Cicéron le marque en plufieurs endroits, étoit la douceur, l'élégance, les graces, la parure & l'ornement; de-forte qu'il étoit facile d'y reconnoitre le disciple de Théophrafte. Il excelloit dans le genre d'éloquence qu'on appelle tempéré ou orné. Son ftile, d'ailleurs tranquille & paifible, étoit annobli & décoré par des métaphores brillantes & hardies, qui relevoient le fond de fon difcours, d'ailleurs peu riche en fentimens & en tout ce qui fait le grand & le fublime. On le regardoit plutôt comme un Athléte formé à l'om

Demetrius Phalereus in hoc numero haberi poteft: difputator fubtilis, orator parum vehemens, dutcis tamen, ut Theophrafti difcipulum poffis agnofcere. Offic. 1. 1. n. 3.

Demetrius Phalereus, eruditiffimus ille quidem,fed non tam armis inftitutus, quàm palæftra. Itaque delectabat magis Athenienfes, quàm inflammabat. Proefferat enim in folem & pulverem, non ut è militari tabernaculo, fed ut è Theophrafti, doctiffimi hominis, umbraculis.... fuavis videri maluit,quàm gravis; fed fuavitate ea,qua perfunderet animos, non qua perfringeret: & tantùm ut memoriam concinnitatis fux, non (quemadmodum de Pericle fcripfit Eupolis) cum delectatione aculeos etiam relinqueret in animis eorum à quibus effet auditus. De clár, Orat, n, 37. & 38

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l'ombre & dans le repos pour les jeux & pour les fpectacles, que comme un foldat endurci par l'exercice des armes, & fortant de fa tente pour combattre l'ennemi. Ses difcours, à la vérité, portoient dans les cœurs je ne fais quoi de doux & de tendre; mais ils n'infpiroient point cette force & cette ardeur qui enflamme les efprits, & n'y laiffoient tout au plus que le fouvenir agréable d'une douceur & d'une grace paffagère, com me il arrive après les concerts les plus harmonieux.

Ce genre d'éloquence, quand on fait le renfermer dans de juftes bornes, a fon prix & fon mérite, il faut l'avouer; mais,... comme il eft rare & difficile de garder cette jufte mefure, & de réprimer les faillies d'une riche & vive imagination, qui n'eft pas toujours guidée par le jugement, cette éloquence dégénère, & devient, par fa beauté même, un appas dangereux, qui gâte enfin & corrompt le goût. C'est l'effet que produifit, felon la remarque de Cicéron & de Quintilien, deux bons juges en cette matière, le ftile fleuri & femé de graces, propre à Démétrius. Jufqu'à lui avoit regné à Athènes une éloquence noble & majeftueule, dont le caractère étoit une beauté natu

relle

* Hæc ætas effudit hanc copiam; & ut opinio mea fert, fuccus ille & fanguis incorruptus ufque ad hanc ætatem oratorum fuit, in qua naturalis ineffet, non fucatus, nitor... Hic (Phalereus) primus inflexit orationem, & eam mollem teneramque. reddidit. De clar. Orat, n. 36.-38.

Juftin.

pag. 18.

relle & fans fard. Démétrius fut le pre mier qui y donna atteinte. A cette éloquence mâle & folide, il en substitua une, s'il étoit permis de s'exprimer ainfi tendre & doucereufe, qui amollit les efprits, & rendit enfin le mauvais goût dominant.

Après la mort de Ptolémée, il reftoit encore deux des Capitaines d'Alexandre Lyfimaque & Séleucus, qui avoient été jufques-là toujours unis d'intérêt & d'amitié, & joints ensemble par des traités & des confédérations. Touchant déja à la fin de leur vie, (car tous deux avoient quatre-vingts ans paffés ) ils auroient dû, ce femble, ne penfer qu'à mourir dans l'union dans laquelle ils avoient vécu. Mais tout au contraire ils ne fongeoient qu'à fe faire la guerre, & à s'entredétruire l'un l'autre. Voici ce qui donna occafion à leur quérelle.

Lyfimaque, après avoir donné fon fils. 1. 17 c. 1. Agathocle à Lyfandra une des filles de: Appian. Prolémée, en époufa lui-même une autreIn Syriac. Pag. 128, nommée Arfinoé, & en eut plufieurs enPaufan. fans. Les intérêts différens de ces deux in Attic. fœurs les portèrent à entrer dans toutes fortes d'intrigues pour fe faire un parti puiffant quand Lyfimaque viendroit à mourir. De quoi ne font pas capables. des femmes & des mères ambitieufes !" Les raifons d'intérêt n'étoient pas les feules qui mettoient entre elles une fi grande oppofition: la divifion de leurs mères y contribuoit auffi beaucoup. Lyfandra étoit fille d'Eurydice, & Arfinoé de Bé

rénice..

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