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fans lefquels il n'ofoit en difpofer. Il é crivit effectivement à Omar Caliphe d'alors, dont la réponse fut: Que fi ces livres contenoient la même doctrine que l'Alcoran, ils n'étoient d'aucun ufage, parce que l'Alcoran étoit fuffifant, & contenoit toutes les vérités néceffaires; mais que s'ils contenoient des chofes contraires à l'Alcoran, il ne falloit pas les fouffrir. En conféquence, il lui ordonnoit, fans autre examen, de les brûler tous. On les donna aux bains publics, où ils fervirent pendant fix mois à les chauffer au lieu de bois; ce qui fait bien voir le nombre prodigieux de livres qu'il y avoit dans cette bibliothéque. Ainfi périt ce tréfor inestimable de science.

Le Muséon du Bruchion ne fut pas brûlé avec la bibliothéque qui en dépenStrab. 1. doit. Strabon, dans la defcription qu'il 7-p-793. en donne, nous dit que c'étoit un grand bâtiment près du Palais fur le port; qu'il regnoit tout autour un portique, où fe promenoient les philofophes; que les membres de la Société y étoient gouvernés par un Préfident, dont le pofte étoit fi confidérable & fi honorable, que fous les Prolémées c'étoit toujours le Roi qui le choififfoit lui-même, & après eux l'Empereur Romain; & qu'ils avoient une falle où ils mangeoient tous enfemble aux dépens du public qui les entretenoit fort bien.

C'eft fans doute à ce Muféon qu'Alexandrie eft redevable de l'avantage dont elle a joui pendant plufieurs fiécles, d'ê tre la plus grande Ecole de toute cette

par

partie du Monde, & d'avoir formé un grand nombre d'excellens hommes dans la littérature; & en particulier, c'est de là que l'Eglife a tiré quelques-uns de fes illuftres Docteurs, comme Clément d'Alexandrie, Ammonius, Origène, Anatolius, Athanafe, & plufieurs autres; car tous ceux que je viens de nommer, y avoient étudié.

Il y a apparence que ce fut Démétrius de Phalère qui le premier en fut Préfident. Il n'eft pas douteux qu'il avoit l'Intendance de la bibliothéque; & Plutar- Plut. in que nous apprend que ce fut lui qui fit à Apophth Ptolémée la première ouverture d'une bi- P. 189. bliothéque d'Auteurs de politique & de gouvernement, l'affurant qu'il y trouveroit des confeils qu'aucun de fes amis n'oferoit lui donner. En effet, c'est-là prefque l'unique moyen qui refte à la vérité d'approcher des Princes, & de leur montrer, fous des noms empruntés, leurs devoirs & leurs défauts. Quand le Roi eut goûté cet excellent avis, & qu'il fut en train d'affembler les livres qu'il lui falloit pour cette première vue, il n'eft pas difficile de juger que cela le mena bien plus loin, & qu'il porta la chofe jufqu'à amaffer toutes fortes d'autres livres pour la bibliothèque dont nous parlons. Qui pouvoit mieux l'aider dans l'exécution de ce noble & magnifique projet, que Démétrius de Phalère, qui étoit un Savant du premier ordre, auffi-bien qu'un très-habile Politique?

On a vu ci-deffus ce qui avoit amené Plan in
L 7
Dé.

Demetr. Démétrius dans la Cour de ce Prince. Il P. 892. y fut reçu à bras cuverts par Ptolémée SoLaert, in ter, qui le combla d'honneurs, & en fit Demetr. fon confident. Il le confultoit, préféra

Diog.

Phal.

3719.

285.

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blement à tous fes autres Confeillers, fur

les affaires les plus importantes ; comme il fit en particulier fur celle qui regardoit la AN. M. fucceffion à fa Couronne. Ce Prince, deux ans avant fa mort, prit la réfolution Av. J. C. d'abdiquer la Royauté, & de la céder à un de fes enfans. Démétrius âcha de l'en diffuader, en lui faifant envifager qu'il ne lui refteroit plus d'autorité s'il fe dépouilloit a nf, & qu'il étoit dangereux de fe donner un maître. Le voyant abfolument déterminé à cette abdication, il lui confeilla de fuivre dans ce choix l'ordre prefcrit par la nature, & fuivi prefque géné. ralement par toutes les nations, en fe déclarant pour l'aîné des enfans qu'il avoit eus d'Eurydice fa première femme. Le crédit de Bérénice l'emporta fur un avis fi équitable & fi fage, qui devint bien tôt funefte à fon auteur.

AN. M.

3721.

283.

Vers la fin de l'année où nous fommes, mourut Prolémée Soter Roi d'Egypte, la Av. J. C. feconde année après qu'il eut appellé fon fils à l'Empire, à l'âge de quatre-vingtsquatre ans. Il fut le plus habile & le plus honnête homme de fa race, & laiffa des exemples de prudence, de juftice & de clémence, qu'aucun prefque de fes fucceffeurs ne fe mit en peine d'imiter. Pendant les quarante ans à peu près qu'il gouverna l'Egypte depuis la mort d'Alexandre, il l'éleva à ce haut point de grandeur & de

puiffance, qui la rendit fupérieure à prefque tous les autres Royaumes. Il conferva fur le Trône l'amour de la fimplicité & l'éloignement du fafte qu'il y avoit portés. Il étoit acceffible à fes fujets jufqu'à la familiarité; mangeoit fouvent chez eux; & quand il donnoit lui-même à manger, il ne rougiffoit point d'emprunter des plus riches leur vaiffelle, parce qu'il en avoit fort peu à lui, & uniquement ce qu'il lui en falloit pour fon ufage ordinaire; & Plut. i quand on lui repréfentoit que la Royauté Apophth. fembloit demander plus d'opulence, il ré- P. 181. pondoit que la véritable grandeur d'un Roi n'étoit pas d'être riche lui-même, mais d'enrichir les autres.

§. IV. La pompe de Ptolémée Philadelpbe Roi d'Egypte.

PTOLEME'E Philadelphe, après que fon père eut abdiqué la Royauté en fa faveur donna aux peuples, en montant fur le Trône, la fête la plus magnifique dont il foit parlé dans l'antiquité. Athénée nous en a laiffé une longue defcription, tirée de Callixène le Rhodien, qui avoit fait l'hiftoire d'Alexandrie. Don Bernard de Montfaucon la rapporte dans fes antiquités. Je l'inférerai ici toute entière, parce qu'elle. eft fort propre à faire connoitre jufqu'où alloit la richeffe & l'opulence de l'Egypte. D'ailleurs, les Auteurs anciens parlant fort fouvent de pompes facrées, de proceffions & de fêtes folemnelles à l'honneur de leurs Divinités, j'ai cru en devoir

don

Athen.

lib. s. p.

donner une fois une idée par la defcription d'une des plus célèbres qui foient connues. On fait bon gré à Plutarque, qui fait fans ceffe mention de triomphes chez les Romains, d'avoir fait une peinture exacte & détaillée de celui de Paul Emile, qui fut un des plus magnifiques. Si la defcription que je donne ici,paroit hors d'œu vre & trop longue, on peut l'omettre, & paffer fans interruption à la fuite de l'hiftoire; car j'avertis par avance qu'elle fera ennuyeufe.

Cette pompe folemnelle dura un jour entier depuis le matin jufqu'au foir, & fut 197.-203. conduite par le cours de la ville d'Alexandrie. Elle étoit divifée en plufieurs parties, & formoit plufieurs pompes féparées. Sans parler de celle du père & de la mè re du Roi, les Dieux avoient chacun leur pompe avec les ornemens qui avoient rapport à leur histoire.

Athénée ne rapporte que ce qui compo foit celle de Bacchus en particulier; paroù l'on peut juger jufqu'où alloit la magnificence du tout enfemble.

Les premiers qui marchoient,étoient des Silènes, vêtus les uns de robes de couleur de pourpre, & les autres de robes d'un rouge foncé; deftinés les uns & les autres à écarter la foule.

Après les Silènes venoient les Satyres, au nombre de vingt de chaque côté, portant chacun une lampe dorée.

Ovulaт- Après eux marchoient des Victoires, dont θυμιατής p100. les afles étoient d'or. Ces Victoires por. toient des vases où l'on faifoit brûler des

par

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