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des ordres à fes Lieutenans de lui fournir tout ce qui lui feroit néceffaire. Enfuite fur ce qu'on lui représenta de la valeur & de l'habileté de Démétrius, de fes rufes, de fes ftratagèmes, & de fa hardieffe dans l'exécution des deffeins où il voyoit la moindre ouverture, il jugea qu'il ne pouyoit fonger à rétablir un Prince de ce caractère, fans s'expofer lui-même. Ainfi, au lieu de continuer à le foutenir, il réfolut fa perte, & il fe mit auffi - tôt en marche à la tête d'une armée, pour venir fondre fur lui. Démétrius, qui en eut avis, fe pofta dans quelques endroits du mont Taurus où il jugea qu'il feroit trèsdifficile de le forcer, & envoya une feconde fois conjurer Séleucus de le laiffer paffer dans l'Orient pour s'y établir dans quelque pays des Barbares, & y finir fes jours tranquillement. En cas qu'il ne voulût point lui accorder cette grace, il le pria de lui permettre au moins de prendre des quartiers d'hiver dans fes Etats, & de ne pas l'expofer, en le chaffant, aux rigueurs de la faifon, de la faim & de la nudité, puifque ce feroit le li vrer fans défense à la difcrétion de fes ennemis.

Séleucus étoit fi prévenu contre le deffein de Démétrius fur l'Orient, que la propofition qu'il lui en fit, augmenta fa défiance; & tout ce qu'il lui accorda, fut de prendre des quartiers d'hiver dans la Cataonie, Province limitrophe de la Cappadoce, pour les deux plus rudes mois de l'hiver, avec ordre d'en fortir auffi - tốt après.

après. Pendant cette négociation, Séleucus mit de bonnes gardes à tous les paffages de Cilicie en Syrie; de-forte que Démétrius fut obligé d'avoir recours à la force pour le dégager. Il chargea fi vigoureusement les troupes qui gardoient les paffages dans les montagnes, qu'il les en chaffa, & s'ouvrit ainfi le chemin de la Syrie où il entra auffi-tôt.

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26.

Av. J. C.

Cet heureux fuccès ayant ranimé fon courage & l'efpérance de fes foldats, il fe préparoit à faire un dernier effort pour rétablir fes affaires; mais malheureufement pour ce Prince une groffe maladie le failit dans ce moment-là même, &. l'arrêta tout court. Pendant quarante AN. M. jours qu'elle dura, la plupart de fes foldats défertèrent; & il fe vit réduit, quand fa fanté fut affez rétablie pour recommen cer à agir, à un coup de defespoir, qui -étoit de tâcher de furprendre Séleucusdans fon camp à la faveur de la nuit avec une poignée de gens qui lui reftoit. Un déferteur en avertit Séleucus affez à tems pour faire manquer le coup. Ce deffein manqué augmenta encore la défertion. Il tâcha, pour dernière reffource, de regagner les montagnes, & de rejoindre fa flotte. Mais il trouva les paffages fi bien gardés, qu'il n'eut plus d'autre parti à prendre que celui de fe cacher dans les bois, où la faim l'obligea bien-tôt de fe rendre à Séleucus, qui le fit mener fous bonne garde dans la Querfonnèfe de Syrie près de Laodicée, où il le retint prifonnier. On lui accorda la liberté d'un La parc

parc pour la chaffe, & toutes les commodités de la vie en abondance.

Antigone ayant appris la détention de fon père, fut pénétré de la plus vive douleur, & écrivit à tous les Rois, & à Séleucus lui-même, pour le prier de relâcher fon père, s'offrant en otage pour lui, & offrant d'abandonner pour le prix de fa délivrance tout ce qui lui reftoit encore. Plufieurs villes & grand nom'bre de Princes firent pour lui la même prière. Lyfimaque, au contraire, envoya offrir à Séleucus une groffe fomme d'argent, s'il vouloit faire mourir fon prifonnier. Une propofition fi inhumaine & fi barbare fit horreur à Séleucus; & pour accorder une grace qui lui étoit demandée de tant d'endroits, il fembloit n'attendre que l'arrivée de fon fils Antiochus & de Stratonice, afin que Démétrius leur eût obligation de fa liberté.

Cependant ce Prince infortuné fupportoit fon malheur avec patience & courage, & il s'y accoutuma tellement dans la fuite, qu'il n'en paroiffoit plus affligé. Il s'exerçoit à la courfe, à la promenade, à la chaffe, plus heureux cent fois, s'il avoit bien connu fon bonheur, que lorfqu'agité par l'ambition comme par une violente frénéfie il couroit les terres & les mers. Car quel autre fruit ces prétendus Héros, qu'on appelle Conquérans, tirent-ils de tous leurs travaux, de toutes leurs guerres, & de tous les dangers auxquels ils s'expofent, fi-non de fe tourmenter eux-mêmes en tourmentant les

autres, & tournant fans ceffe le dos au repos & au bonheur, qui, fi on les en croit, eft le but de tous les mouvemens qu'ils fe donnent? Mais peu à peu le chagrin le prit: il ne fit plus d'exercice; fon corps devint pefant: il s'abandonna abfolument à l'ivrognerie & au jeu des dés, à quoi il paffoit les journées entières, cherchant par là fans doute à écarter les triftes pensées de fon état. Après avoir été détenu prifonnier pendant trois ans, il tomba dans une grande maladie caufée par l'inaction, la bonne chère & l'excès du vin, & il en mourut à l'âge de cinquante quatre ans. Antigone fon fils, à qui l'on envoya l'urne qui renfermoit les cendres de Démétrius, lui fit.de magnifiques funérailles. Nous verrons dans la fuite que cet Antigone, furnommé Gonatas, demeurera paifible poffeffeur du Royaume de Macédoine. La race de ce Prince, toujours regnante, alla de père en fils par plufieurs fucceffions en ligne directe jufqu'à Perfée, en qui elle finit, & fur lequel les Romains conquirent la Macédoine.

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AN. M.

3719.

Av. J. C.

285.

lib. 16.

S. III. Ptolémée Soter cède l'Empire à fon fils Ptolémée Philadelphe. Tour de Pharos bátie. Image de Serapis apportée à Alexandrie. Fameuje Bibliothèque établie alors dans cette ville, avec une Académie de Savans. Démétrius de Phalère préfidoit à l'une & à l'autre. Mort de Ptolémée Soter.

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PTOLE ME'E Soter, fils de Lagus après avoir regné vingt ans en Egypte avec le titre de Roi, & près de trenteFuftin. neuf depuis la mort d'Alexandre, fongea à mettre fur le Trône Ptolémée Philadelphe, un des fils qu'il avoit eus de Bérénice.. avoit encore plufieurs enfans de fes autres femmes, entre autres Ptolémée furnommé Ceraunus, ou le Foudre, qui étant fils d'Eurydice fille d'Antipater, & l'aîné de tous, regardoit la Couronne comme lui appartenant de droit après la mort de fon père. Mais Bérénice, qui, étant venue en Egypte fimplement pour y accompagner Eurydice quand elle fe maria, avoit fi bien charmé ce Prince par fa beauté, qu'il l'avoit époufée, prit un tel afcendant fur fon efprit, qu'elle lui fit préférer fon fi's à tous les enfans des autres Reines. Pour prévenir donc toutes les brouilleries & les guerres qui pourroient arri

*Ce mot fignifie amateur de fes frères. Prolémée fut ainfi furnommé par antiphrase, parce qu'il fit mourir deux de fes frères, qu'il prétendit lui avoir dresse des embuches. Paufan, lib. 1. pag. 12.

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