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prit de fon mari pour faire accorder à fon gendre une flotte & de l'argent, qui lui fervirent à rentrer dans fes Etats. Voilà par où commença la fortune d'un Prince exilé, qui a paffé pour le plus grand Capitaine de fon fiécle; & il faut avouer que toutes les démarches de fa jeuneffe annonçoient un rare mérite, & donnoient de grandes efpérances pour l'avenir.

AN. M.

3708.

AN. M.

Nous avons vu qu'Athènes s'étoit révoltée contre Démétrius, & lui avoit fermé fes portes. Lorfque ce Prince crut a- Plut. in voir pourvu à la fureté de ce qu'il poffé- Demetr.p. doit en Afie, il marcha contre cette vil-904.-905. le rebelle & ingrate, pour la punir comme elle le méritoit. La première année fut employée à réduire les Mefféniens, & à foumettre d'autres villes qui avoient quitté fon parti. La fuivante, il retourna contre Athènes, qu'il ferra de près, & qu'il réduifit à la dernière extrémité en lui coupant les vivres. Une flotte de cent cinquante vaiffeaux que le Roi Ptolémée envoyoit au fecours des Athéniens, & qui parut près d'Egine, ne leur donna qu'une courte joie; car ces vaiffeaux voyant qu'il en arrivoit à Démétrius un grand nombre du Péloponnèfe, & plufieurs autres de Cypre, & que tous ensemble ils montoient au nombre de trois cens, levèrent les ancres, & s'enfuirent.

Quoique les Athéniens euffent ordonné par un décret peine de mort contre quiconque oferoit parler de paix & d'accommodement avec Démétrius, l'extrême difette qu'ils fouffroient, les obligea de lui K 6

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3709.

Av. J. C.

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ouvrir leurs portes. Quand il y fut entré, il commanda aux habitans de s'affembler tous dans le théatre. Il environna la scène de gens armés, plaça fes gardes aux deux côtés de l'échafaut où fe jouent les piéces; & defcendant par l'efcalier d'enhaut comme les Acteurs, il fe montra à cette multitude qui étoit plus morte que vive, & qui attendoit dans un tremblement qui ne peut s'exprimer, l'arrêt de fa condamnation. Mais, dès le commencé. ment de fon difcours, il diffipa toutes leurs craintes. Car il n'éleva point fa voix com*me un homme en colère, & n'ufa point de termes emportés ni infultans; mais adouciffant fon ton, & leur faifant feule. ment des plaintes avec douceur & amitié, il leur pardonna, leur rendit fes bonnes graces, leur donna cent mille mesures de blé, & rétablit les Magiftrats qui leur étoient les plus agréables. On peut juger de la joie du peuple par la crainte & la frayeur qu'il avoit reffentie. Quelle feroit la gloire d'un Prince qui fcutiendroit toujours un fi beau & fi admirable caractère!

Après avoir réglé les affaires dans Athè nes, il forma le deffein de domter les Lacédémoniens. Le Roi Archidamus vint à fa rencontre, & s'avança jufqu'à Mantinée. Démétrius le défit dans un grand combat, & l'ayant mis en fuite, il fejetta dans la Laconie, donna un fecond combat à la vue même de Sparte, où il fit cinq cens prifonniers, & tua deux cens hommes für la place; de-forte qu'on le

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regardoit déja comme maître de la ville, qui n'avoit jamais encore été prise..

Mais, dans ce moment, il reçut coup fur coup deux nouvelles qui lui donnèrent bien d'autres foins. La première é-toit que Lyfimaque venoit de lui enlever tout ce qu'il avoit en Afie: & l'autre, que Ptolémée avoit fait une defcente en Cypre, & pris toute l'Ifle excepté Salamine, où s'étoient retirées fa mère, fa femme & fes enfans, & qu'il affiégeoit cette place avec vigueur. Démétrius laiffa tout pour courir à leur fecours. Peu de tems après il apprit que la ville s'étoit rendue. Prolémée eut la générosité de relâcher la mère, la femme & les enfans de fon ennemi fans rançon, & de les lui renvoyer avec toutes les perfonnes, l'équipage & les effets qui leur appartenoient. 11 leur fit même, en partant, des préfens magnifiques, qu'il accompagna de toutes fortes d'honneurs.

La perte de Cypre fut bien-tôt fuivie pour Démétrius de celle de Tyr & de Sidon; & d'un autre côté Séleucus lui enleva la Cilicie. Ainfi en peu de tems il fe vit dépouillé de tout ce qu'il poffédoit, fans reffource & fans espérance pour l'avenir.

AN. M.

294.

S. II. Difpute des deux fils de Caffandre pour la Couronne de Macédoine. Démétrius, appellé au fecours d'Alexandre, fe défait de lui, & eft proclamé Roi par les Macédoniens. Il fait de grands préparatifs pour fe rendre maître de l'Afie. Puiffante ligue contre lui. Pyrrhus & Lyfimaque lui enlèvent la Macédoine, & la partagent entre eux. Mais bien-tot Pyrrbus eft obligé d'en fortir. Trifte fin de Démétrius, qui meurt en prifon.

JAMAIS Prince n'effuya de plus étranges revers de fortune, & ne fe vit expofé à de plus prompts changemens que Démétrius; & il y donnoit lieu par fon imprudence, s'amufant à de petites conquêtes qui ne le menoient à rien, pendant qu'il abandonnoit fes Provinces au premier occupant. Immédiatement après fes plus grands fuccès, il venoit d'être dépouillé de tous les Etats, & réduit prefque au defefpoir; & tout d'un coup une reffource inopinée s'offre à lui, d'où il avoit le moins lieu de l'attendre.

Dans la querelle des deux fils de Caf3710. fandre pour la Couronne, Theffalonice Av. J. C. leur mère favorifoit Alexandre qui étoit Plut. in le plus jeune. Antipater l'aîné en fut fi Demetr. outré, que de rage il la tua de fes propres P. 905. mains, quoiqu'elle le conjurât par fes mamin Pyrrh. Pag. 386. melles qu'il avoit fuccées, de lui épargner Juftin. 1. la vie. Alexandre, pour venger ce parri16. cap. 1. cide, appella à fon fecours Pyrrhus de l'Epire, & Démétrius du Péloponnèse. Pyr

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rhus arriva le premier, foumit plufieurs villes de Macédoine, en retint une partie pour le prix du fecours qu'il avoit donné à Alexandre, & après avoir réconcilié les deux frères, il fe retira. Démétrius furvint dans ce moment. Alexandre alla au devant de lui, le reçut avec beaucoup de marques d'amitié & de reconnoiffance, mais lui témoigna que l'état des affaires étoit changé, & qu'il n'avoit plus befoin de fon fecours. Ce compliment déplut à Démétrius. Alexandre redoutoit fa trop grande puiffance, & craignoit, en l'admettant dans fes Etats, de fe donner un maître. Au dehors cependant ils vivoient en amis, & fe donnoient des repas l'un à l'autre. Mais enfin Démétrius, fur un avis vrai ou fuppofé qu'Alexandre fongeoit à fe défaire de lui, le prévint, & le tua. Ce meurtre foule va d'abord les Macédoniens; mais quand il leur cut rendu compte de fa conduite, la haine qu'ils avoient pour Antipater infame meurtrier de fa mère, fit qu'ils fe déclarèrent pour Démétrius, & le procla mèrent Roi de Macédoine. Il conferva cette Couronne pendant fept ans. Antipater s'enfuit dans la Thrace, où il ne furvécut pas long-tems à la perte de fon Royaume.

Par la mort de Theffalonice & de fes deux fils, une des branches de la Famille Royale de Philippe Roi de Macédoine fe trouva entièrement éteinte, comme l'autre qui étoit par Alexandre le Grand, l'avoit éré par la mort du jeune Alexandre & d'Hercule fes deux fils. Ainfi ces deux Princes, qui par leurs guerres injuftes avoient.

por

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