Page images
PDF
EPUB

mer,

les ondes! Qui ne s'est plu, au bord de la à regarder blanchir l'écueil éloignél Il faut plaindre les anciens, qui n'avaient trouvé dans l'Océan que le palais de Neptune et la grotte de Protée; il était dur de ne voir que les aventures des Tritons et des Néréides dans cette immensité des mers, qui semble nous donner une mesure confuse de la grandeur de notre ame, dans cette immensité qui fait naître en nous un vague désir de quitter la vie, pour embrasser la nature et nous confondre avec son Auteur.

CHAPITRE II.

DB L'ALLEGORIE.

MAIS quoi! dira-t-on, ne trouvez-vous rien de beau dans les allégories antiques? Il faut faire une distinction.

L'allégorie morale, comme celle des Prières dans Homère, est belle en tout temps, en tout pays, en toute religion: le christianisme ne l'a pas bannie. Nous pouvons, autant qu'il nous plaira, placer au pied du trône du Souverain Arbitre les deux tonneaux du bien et du mal. Nous aurons même cet avantage, que notre Dieu n'agira pas injustement et au hasard, comme Jupiter: il répandra les flots de la douleur sur la tête des mortels, non par caprice, mais pour une fin à lui seul connue. Nous savons que notre bonheur ici-bas est coor

donné à un bonheur général dans une chaîne d'êtres et de mondes qui se dérobent à notre vue; que l'homme, en harmonie avec les globes, marche d'un pas égal avec eux à l'accomplissement d'une révolution que Dieu cache dans son éternité.

Mais si l'allégorie morale est toujours existante pour nous, il n'en est pas ainsi de l'allégorie physique. Que Junon soit l'air, que Jupiter soit l'éther, et qu'ainsi frère et sœur, ils soient encore époux et épouse, où est le charme de cette personnification? Il y a plus : cette sorte d'allégorie est contre les principes du goût, et même de la saine logique.

On ne doit jamais personnifier qu'une qualité ou qu'une affection d'un être, et non pas cet étre lui-même; autrement, ce n'est plus une véritable personnification, c'est seulement avoir fait changer de nom à l'objet. Je peux faire prendre la parole à une pierre; mais que gagnerai-je à appeler cette pierre d'un nom, allégorique? Or, l'ame, dont la nature est la vie, a essen

tiellement la faculté de produire; de sorte qu'un de ses vices, une de ses vertus, peuvent être considérés ou comme son fils, ou comme sa fille, puisqu'elle les a véritablement engendrés. Cette passion, active comme sa mère, peut à son tour croître, se développer, prendre des traits, devenir un être distinct. Mais l'objet physique, être passif de son essence, qui n'est susceptible ni de plaisir ni de douleur, qui n'a que des accidents et point de passions, et des accidents aussi morts que lui-même, ne présente rien qu'on puisse animer. Sera-ce la dureté du caillou, ou la sève du chêne, dont vous ferez un être allégorique? Remarquez même que l'esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphirs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles: c'est qu'il y a dans les arbres, dans l'eau et dans l'air un mouvement et un bruit qui rappellent l'idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l'ame. Mais, au

reste, cette sorte de petite allégorie matérielle, quoiqu'un peu moins mauvaise que la grande allégorie physique, est toujours d'un genre médiocre, froid et incomplet; elle ressemble tout au plus aux Fées des Arabes, et aux Génies des Orientaux.

le

Quant à ces dieux vagues que les anciens plaçaient dans les bois déserts et sur les sites agrestes, ils étaient d'un bel effet sans doute; mais ils ne tenaient plus au système mythologique : l'esprit humain retombait ici dans la religion naturelle. Ce que voyageur tremblant adorait en passant dans ces solitudes, était quelque chose d'ignoré, quelque chose dont il ne savait point le nom, et qu'il appelait la Divinité du lieu; quelquefois il lui donnait le nom de Pan, et Pan était le Dieu universel. Ces grandes émotions qu'inspire la nature sauvage n'ont point cessé d'exister, et les bois conservent encore pour nous leur formidable divinité.

Enfin, il est si vrai que l'allégorie physique, ou les dieux de la fable, détruisaient les charmes de la nature, que les

« PreviousContinue »