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serait de 2 degrés, et il n'est que de 41 minutes : et le diamètre de la lune, au lieu d'être égal au rayon de l'ombre, n'en est que les trois quarts.

Archimède, qui fut tué à la prise de Syracuses, 212 ans avant l'ère vulgaire, pouvait avoir connaissance des observations d'Aristarque, faites soixante-neuf ans auparavant, et rectifier les données qu'il prenait dans le livre d'Aristarque. Aussi, quoiqu'il admette la distance du soleil 19 fois celle de la lune, d'après le livre cité, il n'admet pas le diamètre que l'on y trouve. Pappus, dans le sixième livre de ses Collections mathématiques, composées vers l'an 400 de l'ère vulgaire, rapporte les données d'Aristarque et les corrige; du moins il rapproche le résultat de ces données de ceux de Ptolémée qui sont plus exacts, pour le diamètre apparent de la lune: mais il ne dit pas qu'Aristarque lui-même s'était corrigé, ce qui est cependant prouvé par le témoignage d'Archimède. J'ai cru convenable de le faire observer pour la gloire d'Aristarque.

Son ouvrage méritait donc la peine que j'ai prise de le publier en grec, en latin et en français avec le secours de huit manuscrits que Wallis

1. Voyez l'Art de vérifier les dates avant Jésus-Christ. 2. Page 211, dans l'édition de Bologne, 1660.

n'avait pu consulter. Si cet habile géomètre les avait eus à sa disposition, j'aurais été dispensé de remplir la tâche pénible et vétilleuse que je me suis imposée.

Ce qui n'y a principalement déterminé, c'est que les corrections et additions de Wallis étaient si nombreuses, qu'elles avaient autorisé Voltaire à nier jusqu'à l'existence d'Aristarque. Voici ses expressions dans ses Questions sur l'Encyclopédie, à l'article SYSTÈME :

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Quant au prétendu Aristarque de Samos, qu'on dit avoir développé les découvertes des « Chaldéens sur le cours de la planète de la terre « et des autres planètes, il est si obscur, que « Wallis a été obligé de le commenter d'un bout « à l'autre pour tâcher de le rendre intelligible. « Enfin il est fort douteux que le livre attribué « à cet Aristarque de Samos, soit de lui. On a << fort soupçonné les ennemis de la nouvelle phi

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losophie d'avoir fabriqué cette fausse pièce en « faveur de leur mauvaise cause. Ce n'est pas « seulement en fait de vieilles chartes que nous « avons eu de pieux faussaires. Cet Aristarque « de Samos est d'autant plus suspect, que Plu

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tarque l'accuse d'avoir été un bigot, un mé<«< chant hypocrite, imbu de l'opinion contraire. « Voici les paroles de Plutarque dans son fatras

« intitulé De la Face de la lune : « Aristarque «<le Samien disait que les Grecs devaient punir « Cléanthe de Samos, lequel soupçonnait que le <«< ciel est immobile, et que c'est la terre qui se <«< meut autour du zodiaque, en tournant sur <<< son axe 2. >>

La lecture de l'ouvrage que j'ai publié suffira pour convaincre qu'il n'y est point question des Chaldéens ni de leur astronomie, et que les conjectures de Wallis étaient si bien autorisées par ses versions siriaques et latines, que je les ai trouvées presque toutes conformes à mes huit manuscrits; en sorte que l'authenticité du traité dont il a le premier fait imprimer le texte, ne peut être contestée.

J'ai déjà dit qu'Aristarque de Samos a soutenu le mouvement de la terre autour du soleil; et le passage de Plutarque, cité par Voltaire, est évidemment altéré comme l'a reconnu Ménage 2, et comme Plutarque lui-même le prouve dans la septième de ses Questions Platoniques 3, où il nous assure que, suivant Aristarquc, la terre

1. Questions sur l'Encyclopédie, par des amateurs. Genève, 1774, in-4, tome IV, pages 433 et 434.

2. Dans sa belle édition de Diogènes Laërce. Amsterdam, 1692. Note sur le segment 85 du livre VIII.

3. Voyez la traduction de Ricard, tome XIII, page 484.

faisait une révolution entière autour de l'axe du

monde.

C'est d'après cette opinion bien reconnue d'Aristarque de Samos, que lorsque Copernic l'eut adoptée, Libert-Fromond, professeur en héologie à l'université de Louvain, qui voulait la combattre, donna au livre qu'il publia en 1631 pour cette réfutation, le titre d'AntiAristarque, et que Roberval, digne ami de Gassendi et membre de l'Académie des Sciences, voulant au contraire la soutenir, intitule sa défense, publiée en 1644, Aristarque de Samos'. Ce ne furent donc pas les ennemis de la philosophie, comme le prétend Voltaire, qui fabriquèrent cette fausse pièce, mais plutôt un de ses amis les plus zélés ; car ici Voltaire donne le nom de philosophes aux partisans du mouvement de la terre.

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Fabricius prétend que la supposition faite par Roberval fut un simple jeu d'esprit, et Baillet, qui se plaint avec raison des déguisements des auteurs, aurait voulu que ce mathématicien

1. Jugements des Savants, par Baillet. Paris, 1722, t. VII, page 287.

362.

2. Id., page 3. Dans sa Bibliothèque grecque. Hambourg, 1707, tome II, page 89.

imitât Viète, qui avait publié l'Apollonius Français, comme Snellius avait donné l'Eratosthènes Batave, en sorte que Roberval, continue Baillet, aurait dû intituler son ouvrage l'Aristarque Français1. Mais d'abord c'était Fromond qui le premier avait choisi cette dénomination, quoiqu'en sens inverse, et ensuite le nom d'Aristarque étant aussi celui d'un grammairien célèbre, ce titre n'aurait pas suffisamment expliqué le projet de l'auteur français.

De plus, Baillet oublie dans cette critique un fait très-important, qui justifie complètement Roberval. Viète et Snellius avaient voulu se faire honneur en comparant leurs travaux à ceux des anciens géomètres qui les avaient précédés; mais ils n'avaient nulle raison de se cacher, et ils étaient au contraire fort aises d'être connus. Il n'en était pas de même de Roberval. C'est le 21 juin 1633 2 que Galilée avait été condamné par sept cardinaux à être mis en prison, pour avoir soutenu le mouvement de la terre autour du soleil. Son système avait été déclaré absurde,

1. Jugements des Savants, par Baillet. Paris, 1722, t. VII, page 362.

2. Nouveau Dictionnaire historique. Caen et Lyon, 1789, art. GALILÉE. Montucla dit le 20 juin. Voyez l'Histoire des Mathématiques. Paris, an vii, tome II, page 295.

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